Lorsqu’on perd quelqu’un, on croit avoir perdu du même coup le monde entier, mais qu’après il en va différemment. Un jour, on finit par redresser la tête et regarder par la fenêtre. Et on s’aperçoit que tout ce qui existait avant que le monde ne prenne fin est resté en place. Ce sont les mêmes pommiers, les mêmes oiseaux qui chantent – et au-dessus de nos têtes un ciel identique qui brille, égal au paradis, si loin dans les hauteurs qu’il est malaisé d’espérer qu’on puisse l’atteindre un jour.
Il nous faudra dépasser la surface des choses pour comprendre qui nous étions jadis, et qui nous sommes devenus. Et ce n’est pas une mince affaire.
Elle n’est pas du genre à craquer pour un rien et ses chances de guérison sont relativement bonnes. Le vrai problème, c’est que la stratégie qu’elle a jusqu’alors appliquée dans sa vie est en train de voler en éclats, jour après jour, minute après minute. Elle s’est toujours servie de la dénégation, c’est cela qui lui a permis de surmonter la mort de ses parents ou la déception d’un mariage insatisfaisant. Mais ce soir, dans son propre jardin, un voile vient de se déchirer. Comme si jusqu’alors Charlotte n’avait rien vu : elle était aveuglée, et maintenant toute la gloire et la tristesse qu’elle entrevoit l’éblouissent.
À quoi bon attendre, alors que le monde est si biscornu, si dangereux ? À quoi bon rester assis et se regarder dans la glace, trop effrayé par ce qui risque d’arriver pour oser faire un geste ?
En chaque coupable réside un innocent.
Lorsqu’elle plaidait sa cause, les gens semblaient incapables de lui dire non, en dépit du fait qu’elle mettait à présent des vêtements sombres et ne portait plus le moindre maquillage. Fini les shorts, le rouge à lèvres, le mascara… Le plus étrange, c’est qu’elle était encore plus belle ainsi, avec ses longs cheveux noirs ramenés en chignon, ce qui mettait en valeur l’ovale de son visage.
Tu n’as jamais compté à ses yeux, tu n’étais qu’un grain de poussière, un grain séduisant, certes, mais un grain tout de même.
De nos jours, les gens se méfient des bactéries et des sangsues, ils tiennent compte de facteurs dont personne ne se serait soucié autrefois en venant plonger dans ces eaux boueuses, si chaudes que des nuages de vapeur se formaient à la surface et flottaient, à quelques pouces du sol.
On voit de quoi un homme est capable quand il se met à prendre les choses en main.
Ces filles savaient qu’elles se comportaient comme des idiotes, que tout ce qu’elles gagneraient serait d’être humiliées par Bryon, comme les autres avant elles. Il suffisait pourtant d’un sourire pour que même la plus maligne d’entre elles soit convaincue qu’il se montrerait loyal et sincère cette fois-ci, en dépit de tout ce qui était arrivé par le passé.