Les gens qui ont la foi ont de la chance, on ne se sent jamais très enclin à les détromper. Ni à introduire dans leur esprit un doute qui leur est étranger. Il faut les traiter avec tendresse, en espérant qu’une partie de ce qu’ils éprouvent finira par déteindre sur vous.
On ne peut pas changer le cours de ce qui doit arriver.
Moi aussi, après tout, je pouvais être mauvaise. Et égoïste. Et même écervelée, quand je voulais. C’est du moins ce que prétendaient les gens autour de moi. Peut-être était-ce pour cette raison que j’étais la seule à ne pas pleurer, à l’enterrement de mon père. Quand on se comporte ainsi, qu’on reste immobile et qu’on s’enferme au fond de soi jusqu’à ne plus entendre que le bourdonnement des abeilles, les gens croient que l’on est insensible. Ils croient que ce qu’ils voient correspond à ce que les autres ressentent, à l’intérieur d’eux-mêmes.
Le silence ne nous effraie pas. Il suffit que nous échangions un regard pour nous souvenir que la douleur existe dans ce monde, même par ces belles nuits où le clair de lune vient éclairer nos jardins, s’infiltrant entre les herbes et dans le feuillage des haies.
Ma jalousie est telle qu’elle me glace le sang et me rend encore plus mauvaise que je ne le suis – ce qui, selon ma grand-mère, est le sort regrettable mais mérité des envieux. Lorsque quelqu’un ressent cela, on le voit sur son visage, gagné par une verdeur empoisonnée qui remonte à la surface de la peau. C’est l’envie, me dit ma grand-mère. Ne t’y trompe pas, c’est le prix qu’ils doivent payer.
Elle songe aux promesses qu’ils se sont faites l’un à l’autre, et à leur dévotion. Ce qu’elle ressent pour lui est si profond que cela lui fait mal. Elle se dit que c’est sans doute à cela que les gens font allusion lorsqu’ils parlent des blessures de l’amour, comme si la joie que l’on éprouve au plus profond de soi ne pouvait qu’engendrer une angoisse aussi intense.