Pourquoi se croise-t-on les bras? On croise les bras quand on est sage. Quand on est seul. Quand on a peur. Quand on a froid. Quand on n'est pas sûr de soi. Quand on ne veut pas tomber. Quand personne ne vous serre contre lui.
La littérature, c'est la vie dont on a éliminé temps morts et lenteur ; en principe.
Les gens sérieux ne lisent pas de romans, mais les gens sérieux sont-ils sérieux?
C'est un brave type. Autant dire un idiot.
Ce n'est pas de l'indifférence, c'est du respect et de la prudence. De la prudence car, si on ne prend pas ses distances, le mort finit par saisir le vif. On doit aux morts le respect, les laisser tranquilles, car ils ne nous appartiennent plus, ils ne sont plus de ce monde où, croyant chérir leur mémoire en les pleurant, nous pleurnichons surtout sur nous.
Je sais depuis longtemps qu'il faut choisir ses livres comme ses fromages : au pif. On ouvre, on met le nez dedans : si ça sent, on prend ; si ça ne sent pas, on repose. Ça sent mauvais ? Ça sent bon ? Mieux vaut un livre qui pue qu'un livre sans odeur. Un livre doit avoir un arôme, du nez, des parfums, du fumet. Comme un fromage. Comme un vin, une viande, du foin coupé ou du réséda, si vous préférez : un livre doit d'abord sentir. Puis, faire ressentir.
- Les hommes qui ne travaillent pas se relâchent, Pierre. Jamais ils ne devraient rentrer à la maison, jamais. Ils doivent mourir à la tâche, au combat, la main sur le métier. C'est leur honneur, leur devoir, leur gloire. Les hommes, on les aime absents. Celui qui rentre saccage tout. La place d'un homme, c'est dehors. À l'intérieur, sa place est prise, qu'est-ce que tu crois ? Si tu veux la reprendre, il te faudra bander l'arc, tuer les prétendants et purifier le palais au soufre.
Toujours, j'ai eu un livre sur moi. Un seul, que je lisais à mes moments perdus. Tous ces temps morts de la journée – où l'on attend un rendez-vous, une réponse, un taxi, que le garçon vienne prendre la commande, que le café refroidisse ou qu'Hélène soit prête -, par lesquels la vie s'envole, eh bien, par les livres, ces temps morts étaient vifs et ces moments perdus gagnés.
Je suis seul. Donc libre.
Je suis libre. Donc seul.
Comme si Paris existait encore. Paris n'est plus qu'une bourgade de province dans cet empire européen aux mains de commis, commissaires, et commissionnés, dans une France endormie par le souci du confort et la peur de l'aventure.