Elle commença par avoir cet air mi-triomphant, mi-éberlué de qui vient d'accomplir un exploit : nageur sortant d'une traversée de l'Atlantique, sauter à l'élastique ou quiconque a réussi à écouter jusqu'au bout une chanson de Zazie.
...J'ai les confidences en horreur. Strip-tease moral. Parfaitement dégueulasse. Je suis partisan du small talk en toute circonstance ; parce que l'amusant justement, c'est la différence entre ce que disent les gens et ce ce que leur être exprime. Tout est vrai, chez les gens, sauf ce qu'ils disent.
J'ai oublié la plupart des livres que j'ai lus comme la plupart des vins que j'ai bus, mais ils m'ont, sinon transformé, au moins affiné.
Nos enfants sont comme des cadeaux qu'on mettrait une vingtaine d'années à ouvrir avant de découvrir ce qu'ils sont ; mais s'ils ne nous conviennent pas impossible de les changer.
La seconde chose qui me frappa [...] fut l'affadissement de l'époque. On publiait jadis des livres qui seraient aujourd'hui, sinon brûlés, au moins grillés. On en discutait, mais on acceptait leur existence. N'être pas d'accord faisait partie des plaisirs de la vie.
On manque d'air et de hauteur, que s'est-il passé ? La vie était si douce, autrefois, si libre, si grisante que tout paraissait possible. On pouvait écrire et dire ce que bon nous semblait. On pouvait rire et fumer, boire et chanter. Les ministres ne se ruaient pas sous les caméras à nos chevets à la moindre écorchure. Nous n'avions pas besoin de cellules psychologiques pour surmonter nos drames. Nous étions plus forts. Nous n'avions pas peur.
Pour conquérir une femme, il faut peut-être savoir lui parler mais, pour la garder, il faut assurément savoir l'écouter.
... je n'ai pour seule envie que me retirer et ne plus rien faire d'utile au monde, sinon le regarder et en rire.
La littérature, c'est la vie dont on a éliminé temps morts et lenteur; en principe. Voilà pourquoi les moments où on a lu restent en nous intensément.
Un couple d'humains doit avancer comme un couple de boeufs. Sous le même joug, d'un même pas. Ou comme les chevaux d'un attelage, du même trot. Le plus rapide doit régler son allure sur le plus lent, le plus léger sur le plus lourd, le plus intelligent sur le plus bête, le plus brillant sur le plus terne. C'est cela un couple: une honnête moyenne, une médiocrité qui ternit le plus brillant sans faire briller le plus terne.
Je sais depuis longtemps qu'il faut choisir ses livres comme ses fromages: au pif. On ouvre, on met le nez dedans: si ça sent, on prend; si ça ne sent pas, on repose. Ça sent mauvais ? Ça sent bon ? Mieux vaut un livre qui pue qu'un livre sans odeur. Un livre doit avoir un arôme, du nez, des parfums, du fumet. Comme un fromage. Comme un vin, une viande, du foin coupé ou du réséda, si vous préférez: un livre doit d'abord sentir. Puis, faire ressentir.