Quelque chose voila soudain la lune, une ombre immense et indistincte, et durant une fugitive seconde, un souffle délétère, acide, traversa la nuit. Le temps pour Laszlo de lever les yeux, cela avait fui, mais l’impression de danger primitif, de menace ténébreuse, persista dans l’air un moment. Il sentit alors le remugle des pires superstitions, la frayeur noire des abîmes entrouverts remonter de son subconscient, lui, le tueur sans pitié qui avait broyé bon nombre de victimes entre ses mains d’acier.
Il ne broncha pas sous la gifle percutante qui s’abattit sur sa pommette, ni n’esquissa le geste d’essuyer la coupure due au chaton de la bague hérissée de pointes en diamant. Il se contenta de baisser la tête, honteux d’avoir failli à sa tâche et mécontenté sa maîtresse. — Je me fiche qu’Abdul soit mort. Nous l’aurions tué de toute façon, n’est-ce pas ? Rien d’autre m’importe que le… Laszlo eut un geste pour la bâillonner de sa main, large comme un battoir. Au dernier moment, pourtant, il n’osa effleurer ses lèvres.
lle avait parlé d’une voix ferme et résolue. Elle laissa ensuite passer un silence, comme pour entendre le nom qu’elle venait de prononcer éveiller un écho dans la nuit.
Laszlo obéit, nullement fâché d’abandonner cet endroit maudit. En se remettant au volant, il sentit la bague de sa maîtresse lui effleurer la nuque. Il songea que la nuit risquait de s’achever pour lui dans la souffrance et les tourments.
Il crut un instant qu’elle allait s’enfuir de la maison et fit un effort surhumain pour dompter la fièvre qui le tisonnait. Puis il déploya son long corps au teint cuivré, contractant sa musculature fine et harmonieuse.