L'histoire poignante d'un homme au seuil de la mort.
Écrite à la première personne afin que le lecteur vive "la tragédie de l'intérieur", l'oeuvre s'ouvre sur l'annonce du verdict : "Condamné à mort ! Condamné à mort !", se répète le narrateur qui semble étonné du jugement. On ne sait pas grand chose de lui, à part qu'il est jeune et issu d'une bonne famille, comme en témoignent sa redingote et sa chemise de baptiste ainsi que l'allusion à ses "années d'innocence et de bonheur". Chose étonnante, on ne connaît pas le motif de sa condamnation : qu'a-t-il bien pu faire de si terrible pour être guillotiné, lui qui semble si désoeuvré par ce qui lui arrive ? La raison est peut-être politique, en tout cas ce qui est certain, c'est quand restant aussi généraliste,
Victor Hugo a volontairement voulu évoquer les condamnés à mort dans leur globalité : ce court roman est avant tout un plaidoyer. Cet homme n'en est qu'un parmi tant d'autres, comme l'attestent tous "les fragments de pensée épars sur la dalle" (de la cellule) gravés par les hommes qui l'ont précédé, et également sa rencontre, le jour de l'échafaud, avec son "héritier" (le prisonnier qui récupère sa cellule).
Toute la première partie est une lente descente aux enfers, une "agonie de six semaines" pendant laquelle le condamné livre son ressenti lié à son enfermement dans cette "boîte de pierre" ("pris entre quatre murailles de pierre nue et froide, sans liberté pour mes pas, sans horizon pour mes yeux") auquel se mêle des souvenirs et l'évocation des "trois orphelines" que sa condamnation a faite : "après ma mort, trois femmes, sans fils, sans mari, sans père"... L'homme réalise tout ce qu'il a perdu à jamais et sa souffrance est tangible. Sa solitude également.
Car il est seul, ce condamné, durant les six dernières heures de sa vie sur lesquelles se concentre la seconde partie. Pourtant ça défile dans sa cellule : des geôliers, le directeur de la prison, un prêtre tout aussi blasé que les autres et qui l'excède par son indifférence. La scène où on lui amène sa fille Marie, trois ans, est émouvante : la petite ne reconnaît même pas son père. C'est là qu'il comprend, dans un mélange d'hébétude et de détresse, que tout est vraiment fini ("la dernière fibre de mon coeur est brisée")... C'est son tour de s'offrir, malgré lui, en spectacle au peuple, comme un animal de foire. Mais n'est-ce pas comme ça qu'il a été traité dès le début, bafoué dans son humanité, dans ce lieu où "tout flétrit", "tout se salit"?
Solidement documenté (jusque dans l'argot des dialogues, qui les rend quasi incompréhensibles),
Victor Hugo dénonce la peine de mort mais aussi les procès bâclés et les conditions de détention déplorables. Un sujet qui reste malheureusement toujours d'actualité et qui fait toujours écho à notre époque.
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