Citations sur Le monde n'existe pas (72)
En dix minutes, la différence des approches entre les trois cultures est évidente. Les Américains proposent de faire, les Français de commenter, les Allemands de philosopher. On dirait une caricature.
J’ai le sentiment que l’enfance se vit pleinement, qu’elle est un continent à elle seule, détaché de l’existence, alors que l’adolescence est déjà une préparation à l’avenir, une presqu’île rattachée par le lien brumeux des possibles à l’âge adulte.
Il arrive un moment, dans une existence, où l'on comprend qu'on n'est que soi-même mais qu'il y a peut-être une force suffisante dans ce seul moi, dans ce petit moi pétri de doutes, de failles et d'insuffisances. Et c'est à soi qu'il faut poser les questions.
Il sembla m'évaluer. Mais, contrairement à ceux qui m'avaient aussitôt rejeté, il le fit avec une sorte d'indulgence. Depuis, j'ai remarqué que les êtres parés de tous les dons ont souvent cette bonté. Ils sont trop fêtés pour développer l'amertume, de sorte qu'ils sont perdus d'arrogance ou merveilleux.
Rien ne peut remplacer la puissance des premières impressions.
" Je prétend que tout ce que nous vivons est un livre ou un film. En tout cas une fiction, recomposée ou non. Le film en cours s'intitulerait "Retour à Drysden". Je logeais dans un décor de film policier. La route qui serpentait dans les montagnes était celle de "Shining". Comme dans le film de Kubrick, une camera dans un hélicoptère avait filmé le trajet de la voiture. Drysden n'existait pas. Le monde n'existe pas. Le monde est une histoire pleine de bruit et de fureur. "
Personne jusqu'ici ne connaissait les noms d'Ethan Shaw et de Clara Montes, mais le roman est en train de se mettre en place, les premières pages se créent sous nos yeux, à travers une esthétique de la répétition, de la boucle et de la démultiplication qui n'a jamais existé dans l'histoire. Je le sais, je pratique ce métier depuis dix ans maintenant. Je sais ce que nous, journalistes, sommes capables d'inventer, même malgré nous, quelle mécanique d'aveuglement nous pouvons édifier, potence de la vérité et de la raison.
Je ne suis pas devenu journaliste parce que j'aimais le journalisme. Je crois même que je ne l'aimais pas. Je suis devenu journaliste parce que j'aimais la littérature, ce qui peut être considéré comme une erreur banale ou un idéalisme désuet. J'ai considéré qu'il fallait gagner sa vie et que beaucoup d'écrivains étaient passés par là. J'avais fait le compte : Hemingway était journaliste comme Garcia Màrquez, Orwell, Camus, ou Grossman. Ils avaient compris leur œuvre journalistique comme un engagement pour la vérité ou une ascèse stylistique.
[...] la multiplicité des apparitions d'Ethan ne faisait que noyer sa véritable identité. Il était comme évidé, simple masque de soie et d'épouvante, promis à la haine des foules. On allait le traquer, le trouver et le tuer,mais la figure que l'on chassait n'était qu'un leurre. Je ne niais pas sa culpabilité, ce n'était pas cela. Je niais la vérité du personnage créé sur les écrans du monde. Ethan Shaw multiplié était une fiction. Le véritable Ethan Shaw était un adolescent de Drysden qui jouait avec moi au tennis.
J'ai lu quelque part qu'une société est comme un gros animal pouvant hurler et mordre, et que les passions qui l'emportent ont la puissance élémentaire des tempêtes.