Idiot ça veut dire unique. Seul de son espèce. En fait, c’est à la portée de n’importe qui de devenir idiot ; il suffit de le vouloir. Mais la plupart des gens en ont peur. Ils préfèrent être comme tout le monde – même si, au fond d’eux-mêmes, ils savent qu’ils sont idiots. Ce n’est pas facile à admettre. On n’a même pas le droit d’adhérer au club des idiots parce que alors on ne serait plus unique. Ceci dit, les idiots ont tendance à se reconnaître entre eux.
Comment tu peux adorer être malade?
C'est comme si on était prisonnier, tu sais? dans un conte ! On est enfermé dans la maladie comme dans une haute tour sombre aux épais murs de pierre et aux lourdes portes en fer, et on sent un battement épouvantable dans la tête, comme si une grosse brute de gardien te cognait sur le crâne avec sa massue... Tu vois ce que je veux dire?
On n'a aucun contrôle, Votre Honneur, sur ce qui se passe dans la tête de nos enfants. Quelle que soit l'intensité de notre amour, on ne peut leur y tenir compagnie. Dès qu'ils jaillissent du tunnel ensanglanté, ils commencent à nous devenir étrangers...
Maman dit que la solitude c'est la plus grande illusion de notre espèce, elle dit que notre esprit n'est pas à nous, qu'on parle avec les mots reçus des autres, on n'y peut rien, on peut pas les garder pour soi ; impossible de faire comme si on les comprenait pas, comme s'ils étaient de la pure musique ou des dessins géométriques, ce serait beau pourtant [...], ce serait magnifique de pouvoir aimer les mots pour leur beauté musicale ou visuelle et ne pas les autoriser à se donner la main, à former des phrases, des paragraphes, et à entrer dans la ronde, à danser les uns avec les autres, c'est trop bête, voyez-vous, c'est trop dommage...
[…] on passe les vingt premières années de sa vie à se cacher de ses parents, et le reste à se cacher de ses enfants!
[…] quand un homme et une femme tombent amoureux, le monde renait...
La jeunesse est toujours extrême, n'est-ce pas?
[...] ça n'existe plus la famille nucléaire, elle a explosé comme la bombe du même nom, de nos jours tous le monde se sépare et divorce et déménage et se quitte et se poignarde dans le dos et se trompe et se dispute et s'adopte et s'adapte et se clone et sème de petites graines à droite et à gauche [...].
Il revenait donc à moi de mettre Cosmo au courant. J'ai senti très clairement que j'étais le point de jonction entre deux violences: celle de la balle qui venait d'exploser dans la tête d'André et celle de la nouvelle qui, sous peu, exploserait dans la tête de Cosmo.
On se dit toujours ça, n'est-ce pas, Votre Honneur? Il vaut mieux être optimiste, de toute façon, car les pessimistes souffrent à deux reprises: d'abord à l'avance, puis quand le malheur arrive.