Il n'était peut-être pas mauvais de se surprendre parfois soi-même.
Une larme ronde jaillit au bord de l'oeil qui était dans la lumière. Elle déborda et coula sur sa joue aussi vite qu'une perle s'échappant d'un collier cassé.
Au cours des deux années qui suivirent, quarante-sept mille fermiers d’Angleterre et du Pays de Galles cessèrent l’activité qu’ils avaient exercé toute leur vie. Ceux qui n’abandonnèrent pas la terre s’accrochaient pour survivre : leurs revenus, amputés de soixante-dix pour cent, connaissaient le plus bas niveau qu’on eût enregistré depuis trois générations. Beaucoup durent subsister avec deux mille livres par an. (…) Puis elle me fait remarquer qu’il y a plus malheureux que nous. Barry Fenton, par exemple, qui habite du côté de Dulverton : il vient de vendre son troupeau et s’est inscrit dans un cours de plomberie, tout comme voulait le faire le vieux Peter Friel. Ça veut dire qu’il ne gagnera pas un sou pendant trois ans et qu’à la fin il devra exercer un métier qu’il déteste parce qu’il a une famille à nourrir. Barry Fenton a cinquante-trois ans. Les Fenton possèdent leur ferme depuis trois générations. Barry a travaillé la terre toute sa vie. Son fils, qui devait hériter de l’exploitation, ne veut pas entendre parler de cet endroit. Il est parti tenter sa chance dans une société d’informatique à Bristol. « Pas question que je me tape la vie d’enfer que tu as eue, papa », qu’il a dit à Barry. Et on ne peut pas le lui reprocher, hein ?
Le lendemain, Georges se leva à six heures et gravit la colline qui se trouvait derrière la maison. Il faisait moins froid que la semaine précédente. Le gel relâchait sa prise : sur l'herbe, les haies, les arbres dénudés tremblotaient un million de gouttes scintillantes, chacune recelant un fragment de ciel plus éclatant que le ciel lui-même.
En mai, on calcula qu’en mettant les bêtes abattues bout à bout, on atteindrait une distance longue de 2900 kilomètres, c’est-à-dire, celle qui sépare Londres du Sahara. Le gouvernement avait fini par faire appel à l’armée. On racontait que des soldats se plaignaient d’avoir à achever des bêtes agonisantes en les assommant avec des clés anglaises ou en les noyant dans une rivière.