Citations sur Le meilleur des mondes (632)
- Je le sais. Mais c'est une raison pour être d'autant plus sévère. Son éminence intellectuelle entraîne avec elle des responsabilités morales. Plus les talents d'un homme sont grands, plus il a le pouvoir de fourvoyer les autres. Mieux vaut le sacrifice d'un seul que la corruption d'une quantité de gens.
— Combien je vous aime, Lenina, parvint-il à dire, quasiment en désespoir de cause.
Comme un emblème du flux intérieur de joie tressaillante,
le sang monta aux joues de Lenina.
— Est-ce vrai, John ?
— Mais je n’avais pas l’intention de le dire, s’écria le Sauvage, joignant les mains dans une sorte de paroxysme de douleur. – Pas avant que… Écoutez, Lenina, à Malpais, on se marie.
— On… quoi ? – L’irritation avait recommencé à envahir sa
voix. De quoi parlait-il maintenant ?
— À jamais. On fait la promesse de vivre ensemble à jamais.
— Quelle idée affreuse ! – Lenina fut sincèrement scandalisée.
À présent – voilà le progrès – les vieillards travaillent, les vieillards pratiquent la copulation, les vieillards n’ont pas un instant, pas un loisir, à arracher au plaisir, pas un moment pour s’asseoir et penser, ou si jamais, par quelque hasard malencontreux, une semblable crevasse dans le temps s’ouvrait béante dans la substance solide de leurs distractions, il y a toujours le soma, le soma délicieux, un demi gramme pour un répit d’une demi-journée, un gramme pour un week-end, deux grammes pour une excursion dans l’Orient somptueux, trois pour une sombre éternité sur la lune.
— Euphorique, narcotique, agréablement hallucinant.
— Renfrognot, Marx, renfrognot ! – La tape sur l’épaule le
fit sursauter, lui fit lever les yeux. C’était cette brute de Henry
Foster : – Ce qu’il vous faut, c’est un gramme de soma.
— Tous les avantages du Christianisme et de l’alcool : aucun de leurs défauts.
On ne peut pas consommer grand-chose si l’on reste tranquillement assis à lire des livres.
Pour gouverner, il s’agit de siéger, et non pas d’assiéger.
On gouverne avec le cerveau et avec les fesses, jamais avec les
poings.
" Et c'est là, dit sentencieusement le Directeur, en guise de contribution à cet exposé, qu'est le secret du bonheur et de la vertu, aimer ce qu'on est obligé de faire. Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper. "
— Et c’est là, dit sentencieusement le Directeur, en guise de contribution à cet exposé,
qu’est le secret du bonheur et de la vertu,
aimer ce qu’on est obligé de faire.
Tel est le but de tout conditionnement.
Faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper.
Il est impossible d'avoir quelque chose pour rien.
Le bonheur, il faut le payer.
Et si jamais, par quelque malchance, il se produisait d'une façon ou d'une autre quelque chose de désagréable, eh bien, il y a toujours le soma qui vous permet de prendre un congé, de vous évader de la réalité. Et il y a toujours le soma pour calmer votre colère, pour vous réconcilier avec vos ennemis, pour vous rendre patient et vous aider à supporter les ennuis. Autrefois, on ne pouvait accomplir ces choses-là qu'en faisant un gros effort et après des années d'entraînement moral pénible. A présent, on avale deux ou trois comprimés d'un demi-gramme, et voilà. Tout le monde peut être vertueux, à présent. On peut porter sur soi, en flacon, au moins la moitié de sa moralité. Le christianisme sans larmes, voilà ce qu'est le soma.