La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter.
Les sociétés sont composées d’individus et ne valent que dans la mesure où elles les aident à s’accomplir, à mener une vie heureuse et créatrice.
La terreur en tant que procédé de gouvernement rend moins bien que la manipulation non violente du milieu, des pensées et des sentiments de l’individu.
Pour la plupart des gens, la musique est attrayante en elle-même; de plus, les airs ont tendance à se graver dans l'esprit de l'auditeur qu'ils peuvent hanter pendant une vie durant. Voilà, par exemple, une affirmation ou un jugement de valeur totalement inintéressants; sous cette forme, personne n'y prêtera la moindre attention. Mais mettons les paroles sur un air entraînant et facile à retenir, aussitôt elles acquièrent une puissance étonnante, et qui plus est, elles tendront à se répéter automatiquement chaque fois que la mélodie sera entendue ou spontanément remémorée. Orphée a fait alliance avec Pavlov - la puissance des sons avec le réflexe conditionné! Pour le propagandiste commercial, de même que pour ses collègues en politique et en religion, la musique a encore un autre avantage : des inepties qu'un être raisonnable aurait honte d'écrire, de dire ou d'entendre, peuvent être chantées et écoutées par ce même être avec plaisir et même une sorte de conviction intellectuelle.
Sous l'impitoyable poussée d'une surpopulation qui s'accélère, d'une organisation dont les excès vont s'aggravant et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques - élections, parlements, hautes cours de justice - demeureront, mais la substance sous-jacente sera une forme de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu'ils étaient au bon vieux temps, la démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions radiodiffusées et de tous les éditoriaux - mais une démocratie, une liberté au sens strictement pickwickien du terme.
La réduction théorique de l'ingouvernable multiplicité à l'unité compréhensible devient la réduction pratique de la diversité humaine à l'uniformité crétinisée, de la liberté à la servitude. En politique, l'équivalent d'une théorie scientifique ou d'un système philosophique parfaitement achevé, c'est une dictature totalitaire.
La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter.
Dans le premier cas, la presse, la radio, le cinéma sont indispensables à la survie de la démocratie; dans le second, elles sont parmi les armes les plus puissantes de l'arsenal des dictateurs.
Ils sont normaux non pas au sens que l'on pourrait appeler absolu du terme, mais seulement par rapport à une société profondément anormale et c'est la perfection de leur adaptation à celle-ci qui donne la mesure de leur déséquilibre mental.
La lecture est une activité non pas collective mais privée. L'écrivain ne s'adresse qu'à des individus assis chez eux, dans un état de sobriété normale. L'orateur parle à des masses déjà contaminées par le poison grégaire, elles sont à sa merci et, s'il connaît son métier, il peut faire d'elles ce qu'il veut.