....! Foucault, elles croient que c'est un animateur télé et Nietzesche un sirop pour la toux.
J'ai bu ma cave. J'ai donné mes livres et abandonné mes souvenirs.
La vue de ces ouvrages réveilla en moi des gourmandises que je croyais découragées. Une ardeur fébrile se mêla de mes sens assoupis. Un instant, j'eus le désir d'y plonger des mains avides, d'éventrer la virginité des recueils, de me mêler de mots neufs, de m'y vautrer en assoiffé, de m'y répandre en dépravé. Il fallut que je tende une main vers des poèmes de Sapho. Et que mon regard suive le tracé de la main. Elle était flétrie et lâche. Aux rides sèches et cachectiques. Aux doigts étiolés et débiles. Je laissai retomber mon bras. J'engageai l'avide Lepisme, déjà plongé dans quelque recueil, à quitter la chambre et je retournai à la vieillesse.
Je devinai que l'homme que l'on avait mandé à mon chevet devait avoir sa carte de visite d'une spécialité au préfixe "psy-".
Pour engager la conversation, je me présentai et lui tendis la main. Il hésita à s'en emparer, bien que la vieillesse ne soit pas encore considérée comme une maladie contagieuse. Encore une des grandes erreurs de la médecine.
Je n'avais pas gardé de bons souvenirs des rares fois où j'avais fumé du chanvre. Je n'aimais pas les voyages organisés avec visites obligatoires. Je déclinai la proposition de Lepisme.
Nu, mon corps semblait la seule chaleur de la pièce. (...) Mes seins semblaient ceux de vieilles Africaines. Ils étaient devenus lâches et s'abîmaient sur mon torse, en dégringole. (...) La base de mon cou marquait un collier de plis jusqu'aux épaules qui s'effondraient. Mes bras mous étaient amaigris. La lecture est un sport qui muscle mal...
- Toutes des vieilles biques, lança le vieux assis à côté de moi, dès qu'elles se furent éloignées. Juste bonnes à se plaindre et faire des bigoteries. Et pas trois pets de conversation ! Foucault, elles croient que c'est un animateur télé et Nietzsche un sirop pour la toux.
Mon sourire l'encouragea à se présenter. Baptiste Lepisme. Il me lança un clin d'oeil.
Incipit : Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égard ni patience. (René Char)