Qu'avez-vous appris de la France, à part le pessimisme bien sûr ?
La liberté a toujours un prix.
On dit que les violons ont une âme. Les luthiers parlent toujours à voix basse de cette pièce d'épicéa placée à l'intérieur de la caisse de résonance et située à quelques millimètres du pied droit du chevalet. Le placement de l'âme à l'intérieur de l'instrument se fait quand il est terminé, avec une pointe aux âmes.
Je me demande sans cesse s'il aurait mieux valu que je ne parte jamais en Europe. Seule certitude : toute cette aventure dangereuse a été romantique et intéressante. De toute façon, je m'étais toujours promis de vivre une vie différente des autres filles, et plus tard, de celle des femmes aux foyers ordinaires. Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien.
Si ce violon vous résiste, alors renseignez-vous sur son passé, apprenez à le connaître... Qui étaient ses précédents propriétaires, comment jouaient-ils... ? Vous ne pouvez jouer que froidement sur un instrument dont vous ne connaissez pas la vie antérieure [...] Vous n'imposerez rien à ce violon. Vous devez apprendre à éprouver mutuellement vos âmes.
Pardonnez-moi, mais la musique est simplement de la musique, elle n'a rien de politique. Les politiques se l'approprient aux fins qui leur conviennent. (...) Vous voyez, là où un maestro comme Furtwängler vous dirait que Beethoven, c'est l'accord entre le Moi et l'humanité, les politiques y entendent ce qu'il leur plaît d'entendre... Et surtout ce qu'ils ont l'intention de lui faire dire...
Pardonnez-moi mais la musique est simplement de la musique, elle n' rien de politique. Les hommes politiques se l'approprient aux fins qui leur conviennent. Prenez Beethoven, ma tante Anna, qui a fui la Russie après la révolution bolchévique, m'a raconté que Lénine adorait sa sonate pour piano en fa mineur, L'Appassionata. Je sais que Hitler faisait jouer la Neuvième à chacun de ses anniversaires. Churchill, lui, plébiscitait ma Cinquième. Et ici, au Japon, on dit qu'avant de s'envoler en 1945, les kamikazes buvaient du saké en écoutant l'Ode à la joie... vous voyez, là où un maestro comme Furtwängler vous dirait que Beethoven, c'est l'accord entre le Moi et l'humanité, les politiques y entendent tout ce qui leur plaît d'entendre... Et surtout ce qu'ils ont l'intention de lui faire dire...
La musique s'élève dans un frémissement hésitant, Nejiko se lance dans le combat contre son instrument. La tension entre elle et son violon est immédiate, dès les premières notes, comme entre deux aimants qui cherchent à s'assembler malgré leur polarité semblable, deux forces contraires aux mouvements parallèles, glissant l'un contre l'autre au fur et à mesure qu'ils se rapprochent.
Tout est affaire de temps. Pas à pas, vous allez vous apprivoiser, ton violon et toi. Module légèrement ton jeu pour t'adapter à lui. Quand au fait qu'il soit vivant, je n'en doute pas un seul instant : imagine tout ce qu'il a vécu depuis toutes ces années... tu dois te confronter à lui avec la conscience de sa maturité, fais-le avec modestie et humilité et tout viendra naturellement.
Les Américains ne jurent que par le jazz. J'ai beau écouter, je ne vois vraiment pas où est la nouveauté, où est l'apport musical... Les morceaux les plus connus sont d'une extrême simplicité du point de vue de la composition. Immobilité rigide, stéréotypie, unité du banal. Et même dans leurs prétendues improvisations les plus extravagantes, on repère vite le schéma.