Même s'il joue aux côtés d'un régime en place, rien ne garantit à ses dirigeants qu'un artiste soutienne leur politique. Et rien n'assure même qu'il ne se moque pas de lui, avec ironie et distance, comme le fait Chostakovitch à Moscou (...).
Je me demande sans cesse s'il aurait mieux valu que je ne parte jamais en Europe. Seule certitude : toute cette aventure dangereuse a été romantique et intéressante. De toute façon, je m'étais toujours promis de mener une vie différente de celle des autres filles et, plus tard, de celle des femmes au foyer ordinaires. Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien.
Existe-t-il verdict plus difficile à rendre pour un juge lorsqu'il s'agit d'apprécier si un artiste qui continue à faire son travail cautionne ou soutient un régime ?
La guerre, qu'elle arythmie quel chaos. Impossible pour le rythme et l'harmonie de prendre possession de cet espace. Débâcle, dispersion des notes et des timbres. Dissonances. Brisures.
Elle ignore encore que les luthiers sont médecins de toutes les âmes, celles des instruments comme celles des humains. Voilà pourquoi leur discernement est si grand et leur présence si apaisante pour les musiciens.
Tue tout. Brûle tout. Pille tout. C'est comme une devise au Japon en 1943. Cela pourrait aussi bien être celle d'Hitler en Europe.
Ces cobayes vivants sont appelés marustas, billot de bois ou bûche en japonais, car les paysans locaux sont censés croire que ce camp est une gigantesque scierie où sont livrés des stères de bois. Ces bûches sont des humains.
L'homme est insatiable en matière d'hégèmonie et de guerre, de puissance et de sauvagerie.
Je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien.
La vie n'est qu'affaire de circonstances.