"...Le repos envahit le feuillage des branches
Dans le silence obscur et puissant de la nuit.
La nature a glissé dans un sommeil profond,
Et dans le coeur blessé, la douleur est plus douce.
Laisse moi rêver librement dans ton ombre,
Douce nuit, guide cher de notre songerie..."
"Et je voudrais encore, à l'infini, sans cesse,
Traverser, exultant, des mondes étrangers,
Dans un élan qui serait pur de toute entrave,
Et mon coeur frémissant est tout brûlé d'ardeurs.
Une fièvre me jette aux barreaux de la vie,
Ecrasé que je suis par l'espace et le temps.
L'aspiration du coeur s'appelle liberté,
Et dans mon coeur j'entends le chant de l'infini."
C'est par des réserves qu'il faut commencer quand on veut étudier les affinités d'Annette von Droste et de la mystique. Etude intéressante mais difficile à circonscrire. Précisons, dès l'abord, que nous n'envisagerons nullement la teneur mystique d'une pensée qui est à peine élaborée dans le Geitliches Jahr, mais seulement une tension de l'âme, une qualité dans la ferveur et dans l'angoisse, qui évoquent certaines attitudes mystiques, et qui donnent à Annette von Droste une place originale parmi les poètes religieux.
"Je songe à cette langueur délicieuse et profonde,
Qui nous saisit parfois de façon si étrange.
Quant au ciel le couchant jette sa flamme claire,
Quand le silence règne en campagne nue,
Parfois sous le regard amical des étoiles,
Quand très haut dans l'ether le croissant de la lune
Vogue sur un flot bleu, quelle douleur alors,
Quelle langueur en moi, et que seul peut sentir,
Celui qui dans son coeur a déjà éprouvé,
Comme un zéphir léger, ce doux frisson de vie."
Toute sa vie solitaire est sous le signe d'un stoicisme qui la distingue, en apparence, de ses contemporains. Mais il ne faut s'y tromper: elle cache au fond d'elle-même une passion de vie et de mouvement qui ne la situe pas loin d'une Emily Bronte, ou même d'un George Sand.