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Des films, des romans sur la frontière mexicano-américaine, no man's land aux mille dangers peuplé de migrants transformés en proie, de narco-trafiquants, de trafiquants tout court profitant de ces proies sans défense, de miliciens, il y en a . Mais aucun aussi percutant et singulier que celui de Gabino Iglesias. Dans Les Lamentations du Coyote, il explose le mythe de la frontera made in Hollywood en mode cuite au mezcal.

Son roman est saturé d'obscurité et de violence, de deuil et de vengeance. C'est très pulp, rappelant par moment le cinéma de Quentin Tarantino ( il y a même le célèbre verset biblique La Marche des vertueux, Ezéchiel 25:17, ici dans la bouche d'un prêtre tatoué, repenti d'un groupuscule néo-nazi ) et surtout de Robert Rodriguez. Mais ce serait très réducteur de ne pas aller au-delà de cette ultra violence scénarisée à la perfection car il y a la touche Gabino Iglesias : une bonne pincée de fantastique presque horrifique accompagnée d'une louche de mysticisme qui laisse planée la Virgencita sur tout le récit sur fond de folklore religieux latino pagano-catholique. Et c'est bien cela, un écrivain, celui qui fait voir la réalité à travers un prisme particulier en s'affranchissant des codes établis.

Pour capter les multiples expériences de la Frontera, l'auteur convoque six personnages dont les récits alternent. Il le fait avec une liberté dingue : certaines trajectoires se croisent, d'autres s'arrêtent abruptement. On ne sait jamais ce qu'il va se passer dans ce chaos d'horreur, de folie et de douleur, magnifiquement propulsé par la scène inaugurale choc qui voit le meurtre d'un père en train de pêcher sous le regard de son jeune fils, Pedrito qui ne sera plus qu'animé par un désir de vengeance insubmersible. L'écriture est impeccable, tranchante, viscérale, plantant une lame dans la peau puis la tournant, encore et encore, avec une précision acérée, s'autorisant même quelques percées poétiques.

J'ai trouvé deux personnages plus faibles que les autres dans leur traitement; les chapitres qui leur sont consacrés m'ont sortie par à-coup d'une lecture souvent hypnotique : Jaime récemment sorti de prison, dont les passages sont moins forts et plus « classiques » ; et Alma, l'artiste activiste qui prépare une performance spectaculaire, personnage plus « gratuit » même s'il pose la question de la responsabilité collective. Par contre, tous les autres sont passionnants : le Coyote qui aide les enfants à passer la frontière comme on répond à une vocation religieuse ; la Mère aux prises avec une grossesse littéralement monstrueuse qui dit bien la transformation psychologique et physique que subit le migrant ; et surtout la Bruja dont tous les chapitres m'ont sidérée par la fulgurance baroque qui les emporte.

Un court roman habité d'une voix puissante et bouillonnante pour dire le monde, pied au plancher, empli de scènes spectaculaires mélangeant énergiquement profane et sacré.

Lu dans le cadre du Picabo River Book Club
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Ce que j'ai ressenti:

« Parfois, la douleur est la seule voie vers la délivrance. »

Je suis allée aux abords de la frontera. Et j'ai écouté. le sang, les fantômes et le sourire du diable. de part et d'autre de cette frontière, j'ai écouté l'énergie du désespoir. Ce sont autant de chants qui s'entrecroisent, se mêlent, s'emmêlent, se répondent, s'apprivoisent et puis s'éteignent. Un envahissement. À rendre fou. Mais tant qu'à être vivant, même entourés par la mort, il faut comprendre que cette frontera, est un lieu d'angoisses, de contrebandes, de trafics et de banditisme. Un territoire de dissymétries où le chaos s'insère impunément. Un carrefour de capital, de services, de croyances et de cultures qui s'affrontent avec fureur. J'étais là, fragile, au milieu des cadavres, des cris et des vengeances, à les regarder se livrer une guerre sans merci sur le seuil de l'enfer. J'aurai voulu que le chant de la Mère me traverse moins fort, que Les lamentations du coyote me laissent un peu d'espace, que l'Inmaculada desserre son étreinte sur mes os, que Alma fasse un bruit plus diffus, que les pleurs des enfants s'envolent…Mais c'était sans compter sur la plume puissante de Gabino Iglesias qui encore une fois, décide de rien nous épargner de l'horreur de la violence à la frontière nord-sud américaine, dans ce Barrio noir survolté. Il nous fait entendre dans ce roman choral, les voix des indésirables qui s'y pressent jusqu'à y perdre, au mieux, la raison. C'est ce qui va m'empêcher de dormir désormais, les cauchemars qui se glissent dans les fissures, ces âmes perdues qui, fondamentalement convaincues de la force du Bien, se battent pour la justice envers et contre tout. Malgré les loups, la politique, l'homme orange, la Muerte qui traînent leurs maléfices, ils continuent, ces indésirables, leurs combats contre le Mal, dans l'indifférence totale du monde, et c'est ce qui va me briser le coeur, assurément…J'aurai beau discuter avec le diable, il paraît qu'il ne veut rien entendre du trafic d'enfants, j'aurai beau prier la Santeria ou la Virgencita, les créatures assoiffées de sang continueront d'affluer, j'aurai beau rire, pleurer, chanter, la mort va quand même rendre son parfum caractéristique sur les abords de la frontera. En fait, j'aimerai délivrer, comme le coyote, des mots et des enfants, avant que le silence ne recouvre tout. Ça sera un espoir. Quitte à être en souffrance, autant que j'en éprouve au moins le désir, ça sera ma manière d'être une onde d'énergie, en lançant un cri vers le ciel. Donc, il me reste à vous écrire que Gabino Iglesias a réussi un chaos splendide, empreint d'émotions, de vibrations et de lamentations qui vous retournent les tripes. Je vais aller m'asseoir maintenant et fermer les yeux, écouter mon sang, écouter la mort, faire une ou deux prières pour eux. Les indésirables qui suivent leurs coeurs et donne à l'avenir, un mélange de lumières scintillantes malgré le tableau noir…


Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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Un mois après Santa Muerte qu'on a récemment remis en avant ( le jour de Pâques carrément )a l'occasion de sa sortie en poche, le romancier américain d'origine porto ricaine (et adepte du culturisme !) Gabino Iglesias continue d'explorer la question de la frontière et de la migration dans son nouveau polar aussi musclé ( excusez la métaphore) que le précédent.

Un roman choral qui a pour cadre la Frontera, frontière séparant les USA et le Mexique et hélas tristement rendu célèbre par Donald Trump qui voulait la fermer

À en croire Gabino Iglesias, la Frontera est le décor idéal des violences les plus crues et les plus injustes qui feront naitre des vendettas souvent terrifiantes et même une pincée de surnaturel…et le coyote du titre me diriez-vous ?

Quand on sait que c'est le surnom du passeur qui aide les mexicains à franchir la frontière vous pouvez vous doutez que le périple n'aura rien d'une partie de plaisir.
Un rythme effréné, des chapitres courts, un style noir brutal à souhait, un hyperréalisme qui laisse parfois entrevoir un peu de magie et de fantastique, des phrases uppercut au vocabulaire sec : Les lamentations du coyote reste pas mal dans la lignée de Santa Muerte.

Mais là où le premier roman faisait parfois penser à du Tarantino, ici on songe plus au Trafic de Soderbergh dans ce polar choral trempé à l'eau bénite, plus profond et tragique que le précédent.

En tout cas, comme pour le précédent, on ne peut que vous recommander ce polar bien écrit et toujours aussi bien traduit par Pierre SZCZECINER !

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Pour moi, le Coyote, c'est celui qui poursuit inlassablement le Road-Runner, celui qui se prend des explosions dans la gueule et des rochers sur la gueule.

Au Mexique, le Coyote, c'est celui qui fait passer la frontera aux migrants qui veulent aller dans le pays où un peroxydé à la mèche blonde orange ne voulait pas qu'ils aillent.

Si son premier roman était un récit linéaire, celui-ci est un roman choral et si certaines voix m'ont emportées, d'autres m'ont laissée indifférente.

Le point de convergence de ces personnages, c'est la frontière mexicaine-américaine.

Une fois de plus, l'auteur trempe sa plume dans une encre fort sombre, noire comme la nuit. C'est violent, très violent. le monde des Bisounours n'existe pas, ici. Nous sommes dans un monde cruel, impitoyable et vous savez que même si c'est une fiction, elle exsude la réalité.

Oui, c'est d'un réalisme à couper le souffle, le tout teinté de magie, de croyances, de mysticisme, de légendes, sans oublier la présence omniprésente de la Virgencita. Elle se trouve même représentée sur le blouson du Coyote.

Dans ce monde de folie, la Vierge côtoie des hommes armés qui s'en remette à sa bénédiction avant chaque opération, qui font bénir leurs guns, qui l'ont gravée sur les crosses de leurs flingues et où même le padre peut être un ancien de la A.B.

Malgré tout cela, le premier roman restera mon préféré car dans celui-ci, parmi les six portraits, deux ne m'ont pas emballés (la mère et Alma) et un autre m'a semblé moins puissant que les trois autres (Jaime).

Cette différence de puissance dans les personnages m'a fait redescendre brusquement à chaque fois que le chapitrage me ramenait à ces deux portraits.

Dommage…

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Cher Gabino,

Tout commence légèrement, un instant idyllique, des perspectives d'avenir, le rêve d'un monde meilleur, la chaleur au bord de la rivière, la tendresse du père pour son fils, l'admiration du fils pour son père, une partie de pêche, de celle qui forge les bons souvenirs, avant que tout ne se teinte de rouge….

Aussitôt, le premier coup pour moi, de celui qui te prend aux tripes, de celui qui crée les colères, déclenche les révoltes…Chacun des protagonistes apparaît, un peu d'espoir, des premières lignes de chapitre entre quiétude et calme avant la tempête…Le tonnerre gronde, il est déjà trop tard. Rien ne peut arrêter ce vent chaud qui soulève les tensions, exacerbe les haines, intensifie la violence.

Plus la photographie prend toute sa dimension, plus la fin semble inéluctable. le premier angle, légèrement tronqué, laisse entrevoir le drame qui prend forme, et je suis là, lectrice passive alors que je ne souhaite qu'une chose, intervenir et arrêter cette folie qui imprègne les esprits.

Entre réalisme sombre et croyances ancestrales, il y a dans ton récit quelque chose qui accroche, qui fait que l'on ne peut se défaire de sa lecture. Ton écriture incroyable donne une force, une grande intensité à ton texte, et ayant lu ton précédent livre, je ne m'attendais à une telle montée en puissance, un style atypique et affirmé qui aborde une tragédie des temps modernes, celles des clandestins qui luttent pour leur survie, quel que soit le côté de la rivière qu'ils choisissent. Saisissant et percutant, ce roman confirme ton talent d'écrivain !!
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Les lamentations du coyote est un roman choral exprimant le désarroi, la violence, la pauvreté, les croyances mystiques des habitants de la Frontera.
La frontera, cette zone de non droit séparant le Mexique des Etats Unis où chacun lutte pour sa survie.
A travers le récit de plusieurs personnages, Gabino Iglesias nous raconte le quotidien d'une zone où la vie compte peu.
Il y a ... :
Pedrito, un jeune garçon qui lors d'une partie de pêche assiste à l'assassinat de son père et qui n'aura de cesse de vouloir se venger,
la Mère, une femme enceinte d'une entité mystérieuse, mi humaine mi animale qui va la rendre folle,
le Coyote qui tente - par la violence - de faire sortir les enfants de cette zone sans avenir et dangereuse pour leur permettre de gagner les Etats Unis,
et bien d'autres personnages tous plus obscurs les uns que les autres.

A la frontière du fantastique, ce roman noir, puissant, magnifiquement écrit, vous embarque dans un univers où l'amour, la violence, le deuil et le désespoir s'entremêlent.
Toutefois, la juxtaposition des récits / personnages (qui n'ont pas tous de liens entre eux), m'a laissée un sentiment d'incohérence et d'inabouti.




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Des voix s'élèvent de ce roman...Celles de ceux et celles qui veulent passer la Frontera...Qui ne veulent pas rester au Mexique, sans avenir, dans la violence, qui voient dans les Etas-Unis la seule porte de sortie possible. Mais déjà difficile à franchir, cette Frontera est encore plus fermée avec l'arrivée de Trump au pouvoir...
Le roman alterne les chapitres centrés autour d'un personnage, sans forcément de liens entre les uns autres, mis à part la force qui s'en dégage. Chaque personnage est animé d'une rage folle, d'un désespoir qui le poussera à aller bien au delà de ses possibles.
Ce roman est bien différent du premier de l'auteur, Santa Muerte. le rythme est bien moins explosif, mais tout aussi percutant.
Merci à Sonatine et Netgalley pour cette lecture.
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J'ai dévoré ce livre en quelques heures, incapable de m'arrêter et pourtant… Cruel, violent, à la limite de l'insoutenable, j'ai subi cette haine, cette noirceur, j'ai eu plus d'une fois les larmes aux yeux et j'ai souvent détourné les yeux devant ces images induites par l'écriture et l'émotion.

La frontera, lieu de tous les dangers, de mysticisme, de mort, de colère, de violence. Personne n'y échappe. L'innocence n'a aucune prise sur les hommes. C'est que l'auteur met en lumière dans ce roman choral où nous suivrons plusieurs personnages en proie à la mort, la douleur, la fin. La fin de tout, tous en quête d'un monde meilleur qu'il soit ici ou là bas. C'est un roman qui blesse le coeur, emploi de réalisme, ce n'est pas morbide, c'est une réalité mortelle que l'on ne veut pas voir.

J'ai souffert avec eux, je savais que aucun n'en sortirait indemne et l'espoir est vite tué, à l'image de ce qui se passe sur la frontera.

Un roman noir d'une cruelle réalité qui ne laisse pas indemne. Quand tout s'imbrique, vivants et morts cherchent tous la rédemption dans un monde meilleur.
Lien : https://loeildesauron1900819..
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Après un court roman aussi sanglant que survolté (Santa Muerte) , Gabino Iglesias propose un nouvel opus tout aussi puissant mais beaucoup plus ambitieux : l'univers décrit est le même , les deux rives du Rio Grande , les hommes , les femmes , les enfants que le rêve d'un avenir possible pousse à affronter la mort et les sévices des prédateurs qui en font leur gibier . Sous la forme d'un récit choral ,empreint de l'imaginaire mexicain , religieux et morbide, l'auteur montre la contagion de la violence , le cycle infini des vengeances et l'abolition de l'espérance . Par ce roman dur et poignant , écrit à un moment où l'on mettait les enfants en cage dans cette partie du monde , Iglesias tague d'un crachat sanglant le mur de Trump .
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[ A la Otredad. A las fronteras. A los exiliados ]

Gabino Iglesias c'est l'hyper réalisme qui rencontre la magie. C'est l'ultra violence de la société américaine qui se teinte du syncrétisme religieux mexicain.

Moins tarantinesque que « Santa Muerte » mais selon moi plus profond, « Les lamentations du coyote » nous amènent dans la zone de la frontera, entre Mexique et USA, une zone de non droit.
Un roman mosaïque qui à travers divers personnages va aborder la politique migratoire Trumpiste, les gangs, la misère, le trafic d'enfants, le regard des hommes blancs sur le corps des femmes noires...

On retrouve le style à la fois simple, visuel et viscéral de l'auteur et ce rythme qui lui est propre, capable de vous emporter en quelques pages. C'est direct, rageux, brutal, sans filtre, très noir, très bon.

Traduit par Pierre Szczeciner
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