Ca se passe dans la Russie profonde. Des scènes de la vie de tous les jours. Tragicomiques, grotesques, absurdes. Pas de sentimentalisme ni de jugement moral. C'est court et ça va droit au but. J'en ris, mais c'est souvent le rire du désespoir. Coup de coeur, malgré la qualité inégale des nouvelles. Par exemple La Tsigane, quel navet.
Extraits de la nouvelle La Ruelle Verte
Au cours des quinze années précédentes, les habitants du village de Riabovo s'étaient régulièrement cassé bras, jambes, cou et mâchoire. Cela se produisait la plupart du temps dans la Ruelle Verte et généralement la nuit. Sur l'un des côtés de la Ruelle Verte s'élevait la gigantesque clôture en plaques de béton de la scierie, de l'autre côté se trouvait un profond fossé qui gagnait du terrain d'année en année. Dans la journée, à condition de s'accrocher à la clôture, on pouvait encore traverser sans encombre la Ruelle Verte, mais la nuit on courait le risque de tomber dans le fossé. Personne n'y échappait : qu'on soit à jeun ou ivre, jeune ou vieux, du cru ou de passage. Seul Patapov le facteur n'y était jamais tombé, mais cela tenait à sa longue expérience professionnelle.
Durant quinze ans, les habitants de Riabovo avaient assailli l'administration du village – d'abord le premier secrétaire du Parti, puis le maire fraîchement élu - de leurs lettres furieuses et courroucées, les prient de faire abattre la clôture ou tout au moins d'installer un réverbère.
Ce qui fut fait […]
La lumière bleutée a fait naître une sorte de fierté tout en suscitant bien des rêves. « Qui sait, pensaient les habitants de Riabovo, dans vingt ou trente ans, notre village sera peut-être une ville, et il n'y aura pas seulement un réverbère dans la Ruelle Verte, mais des centaines dans toutes les rues anciennes et nouvelles de Riabovo… Mais Riabovo ne serait pas un nom très adapté à une pareille ville. Une ville ne peut pas s'appeler ainsi. Peut-être la nommerait-on alors Riabovsk… »
Mais en ce monde, rien n'est éternel. L'automne dernier, à la suite d'une violente averse, le bas-côté de la Ruelle Verte s'est effondré, entraînant dans la chute les bancs et les plaques de béton qui clôturaient la scierie.
Aujourd'hui, les habitants de Riabovo doivent faire un long détour par la Ruelle des Jardins. »p106
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Ces nouvelles d'un jeune écrivain russe né en 1974 et qui n'a guère connu l'Union Soviétique d'avant 1989, laissent la curieuse impression qu'en Russie les gens sont tous plus ou moins alcooliques, voleurs et fraudeurs, fainéants ou tire au flanc. A travers de courts tableaux dont beaucoup n'excèdent pas trois pages, regroupés par thèmes (Russie, grande Russie, Voisins, voisins, Village éternel, etc.), sont évoqués avec une dérision désabusée le non sens et l'absurdité du fonctionnement d'un pays encore marqué par les pesanteurs du système soviétique, mais ou le « libéralisme » n'a fait naître que des profiteurs. Mais la tendresse pour ses concitoyens perce aussi sous la satire…
A lire pour mieux imaginer les transitions difficiles d'un système politique imparfait à un autre qui ne l'est pas moins, et pour l'ironie de la narration.
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Ce livre est une suite de nouvelles courtes au sujet de la vie quotidienne en Russie. Loin de prendre un ton misérabiliste, l'auteur mélange le tragique, le comique et le fatalisme et évoque les péripéties quotidiennes dans un style tonique.
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C'est la folie, la cruauté, la violence d'une Russie décrite sans complaisance mais avec aussi une grande tendresse.
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