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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Vous rêviez de vous promener le long des canaux de Saint-Pétersbourg, de vous perdre dans les rues tentaculaires de Moscou, de découvrir enfin cette Russie éternelle qui vous charme tant avec ces églises aux pommettes saillantes et ces filles aux dômes dorés… Mais vous vous êtes trompé de correspondance, vous avez suivi Ikonnikov, et vous voilà au coeur de la Russie profonde, ou plutôt au coeur de la Russie tout court, une espèce de Groland à la sauce slave. Ces nouvelles livrent un constat nihiliste d'une cruelle drôlerie. Les histoires sont à la fois sinistres et cocasses. Il est par exemple question d'un pope poursuivi pour le vol du toit en tôle d'un silo destiné à la réfection de son église. L'affaire se règle à l'amiable autour d'un déjeuner, en plein Carême, le directeur du sovkhoze se voit offrir des cérémonies, le milicien repart avec une liasse de roubles. Au fond de leurs trous à rats, de leurs villages perdus, de leurs appartements exigus, les Russes volent, flemmassent, se saoulent et montent toutes sortes de combines. C'est un bordel général auquel tous participent : hommes politiques, miliciens, soldats, paysans, ingénieurs, retraités, prostituées, etc. J'ai retrouvé dans ces textes la « folie ordinaire » évoquée par Bukowski. La limite qui sépare l'absurde de la démence est aussi fine que la cloison d'un kommunalka. le recueil n'est que le miroir ricanant, à peine déformant, d'un pays engoncé dans un bourbier géographique mais surtout moral. Alexandre Evguenievitch Ikonnikov nous livre l'âme russe, nue sur un plateau : « En fait, la prétendue âme russe se réduit à quatre composantes: la croix russe, la langue, la vodka et le bonheur dans la souffrance. » Ce recueil drolatique se lit rapidement. C'est un moment de lecture agréable que vous oublierez très vite.
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Ca se passe dans la Russie profonde. Des scènes de la vie de tous les jours. Tragicomiques, grotesques, absurdes. Pas de sentimentalisme ni de jugement moral. C'est court et ça va droit au but. J'en ris, mais c'est souvent le rire du désespoir. Coup de coeur, malgré la qualité inégale des nouvelles. Par exemple La Tsigane, quel navet.

Extraits de la nouvelle La Ruelle Verte
Au cours des quinze années précédentes, les habitants du village de Riabovo s'étaient régulièrement cassé bras, jambes, cou et mâchoire. Cela se produisait la plupart du temps dans la Ruelle Verte et généralement la nuit. Sur l'un des côtés de la Ruelle Verte s'élevait la gigantesque clôture en plaques de béton de la scierie, de l'autre côté se trouvait un profond fossé qui gagnait du terrain d'année en année. Dans la journée, à condition de s'accrocher à la clôture, on pouvait encore traverser sans encombre la Ruelle Verte, mais la nuit on courait le risque de tomber dans le fossé. Personne n'y échappait : qu'on soit à jeun ou ivre, jeune ou vieux, du cru ou de passage. Seul Patapov le facteur n'y était jamais tombé, mais cela tenait à sa longue expérience professionnelle.

Durant quinze ans, les habitants de Riabovo avaient assailli l'administration du village – d'abord le premier secrétaire du Parti, puis le maire fraîchement élu - de leurs lettres furieuses et courroucées, les prient de faire abattre la clôture ou tout au moins d'installer un réverbère.
Ce qui fut fait […]

La lumière bleutée a fait naître une sorte de fierté tout en suscitant bien des rêves. « Qui sait, pensaient les habitants de Riabovo, dans vingt ou trente ans, notre village sera peut-être une ville, et il n'y aura pas seulement un réverbère dans la Ruelle Verte, mais des centaines dans toutes les rues anciennes et nouvelles de Riabovo… Mais Riabovo ne serait pas un nom très adapté à une pareille ville. Une ville ne peut pas s'appeler ainsi. Peut-être la nommerait-on alors Riabovsk… »

Mais en ce monde, rien n'est éternel. L'automne dernier, à la suite d'une violente averse, le bas-côté de la Ruelle Verte s'est effondré, entraînant dans la chute les bancs et les plaques de béton qui clôturaient la scierie.
Aujourd'hui, les habitants de Riabovo doivent faire un long détour par la Ruelle des Jardins. »p106
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« Plus il y a de souffrances, plus il y a d'humour » (entretien avec Alexandre Ikonnikov)


C'est un livre avec des histoires, plein de petites histoires qui finissent par donner une vue d'ensemble, sensible et drôle.
Édité en Allemagne sous le titre de « Taïga Blues » évoquant mélancolie et absurde.
En France, sous le titre « Dernières nouvelles du Bourbier » avec, donc, une couleur plus satirique.
Mais il ne faut pas toujours regarder ce que le doigt vous montre !
De l'ironie il y en a :
Sous la rubrique "Temps Modernes", des textes sarcastiques montrent les Russes face à la société de consommation et au post soviétisme. le médecin urgentiste abandonne l'hôpital pour devenir gardien de supermarché. Faute d'évacuation, le superbe lave-linge qu'achète le kolkhozien Valentin ne peut être mis en service et sa femme continue de faire la lessive à la rivière.
A ce thème moderniste s'oppose celui du "Village éternel" des paysans roublards. Ici, du moujik au directeur du kolkhoze, tous pensent prioritairement à la vodka. « La fête de la Moisson se prolongea ainsi jusqu'aux premières gelées…»
Un aperçu de la Russie profonde, dérisoire, drôle et touchante où « l'âme russe » est ivre mais souvent bienveillante.
Le régime soviétique n'est pas plus critiqué que la Russie libérale. Les hommes ne semblent pas plus heureux dans l'une ou l'autre société.
Lorsque le propos devient moins politique et plus humain, la tristesse prend le relais du rire.
Mais, malgré la difficulté à vivre, malgré le manque même de sens, le rire cède peu de terrain.
Les derniers textes invitent à relire les premiers et l'ensemble sous l'angle du rire, du tragique et de l'absurde, de la tendresse et la brutalité, la dureté et l'émotion.
Rire et larmes de Gogol et drôlerie incisive de Tchekhov : au XXI° siècle bien sûr.

Pour ceux qui s'intéressent à la littérature russe contemporaine : quelques remarques.
Ces textes ont été écrits dans les années 2002/2004.
Malgré mes recherches ( y compris sur 'Yandex ', le Google russe) : aucune nouvelle de cet écrivain
depuis 2008.
Il était alors employé d'une société de création et promotion de sites Internet : viatka.net.et déclarait :
« Ce que dit Putik( ?), tout le monde est immédiatement d'accord, et personne ne fait rien. Une sorte de retour à l'URSS : armes à feu et missiles, anciennes méthodes de consolidation du pouvoir par la création d'influences extérieures et ennemis internes... Drôle et amusant ! « . « Goethe l'a bien dit : il n'est pas nécessaire de parcourir le monde pour comprendre que le ciel est bleu partout »
A rapprocher d'un autre écrivain russe de la même génération : Vladimir Kaminer, (né en 1967), à la trajectoire différente : réfugié en Allemagne depuis 1990 et qui écrit en allemand : cf. son blog : https://www.wladimirkaminer.de/blog
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Super drôle ! La Russie contemporaine avec ses embrouilles,ses pôts de vin,sa criminalité,sa corruption mélangés à beaucoup beaucoup de VODKA!
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Il y a quelques années, j'ai eu ma période "littérature russe".
Cela a commencé par Guerre et Paix (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! :) puis par la découverte de Dostoïevski et son Idiot ou les frères Karamazov.
De belle lecture, assurément mais j'avais aussi envie d'avoir une vision de la Russie plus contemporaine.

Après quelques recherches, me voilà en train de lire Dernières nouvelles du bourbier d'Alexandre Ikonnikov. Un livre qui regroupe plusieurs petites nouvelles.
J'en gardai un bon souvenir, me rappelant qu'il m'avait touché en me décrivant une société conservationniste, presque archaïque, prétextant tout et n'importe quoi pour se bourrer mais peut-être, avant tout, pour oublier dans quel bourbier ils ont les pieds.
Une société regroupant des êtres attachants, drôles, absurdes, créant des situations grotesques.

Dernières nouvelles du bourbier, c'est aussi des moments doux, émouvants presque poétiques avec peu de chose, ce qui rend le travail d'écriture de l'auteur encore plus savoureux.

Pour écrire cette critique, je me suis replongée dans sa lecture.
Le goût ne fût malheureusement pas le même car je fus moins sensible à cette absurdité ambiante au point parfois de me sentir un peu à côté, ratant le "sens" des chutes.

Néanmoins malgré cette re-lecture un peu moins enthousiasme que la première, je reste convaincue par ses qualités et lui laisse donc les 4 étoiles que j'avais mis de ma première lecture.
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Ces nouvelles d'un jeune écrivain russe né en 1974 et qui n'a guère connu l'Union Soviétique d'avant 1989, laissent la curieuse impression qu'en Russie les gens sont tous plus ou moins alcooliques, voleurs et fraudeurs, fainéants ou tire au flanc. A travers de courts tableaux dont beaucoup n'excèdent pas trois pages, regroupés par thèmes (Russie, grande Russie, Voisins, voisins, Village éternel, etc.), sont évoqués avec une dérision désabusée le non sens et l'absurdité du fonctionnement d'un pays encore marqué par les pesanteurs du système soviétique, mais ou le « libéralisme » n'a fait naître que des profiteurs. Mais la tendresse pour ses concitoyens perce aussi sous la satire…
A lire pour mieux imaginer les transitions difficiles d'un système politique imparfait à un autre qui ne l'est pas moins, et pour l'ironie de la narration.
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Un jeune appelé qu'on oublie pendant des manoeuvres, un inspecteur qui va enquêter sur le vol de tôle par un pope et revient avec des liasses de billets, un étudiant quitté par sa fiancée car il n'a pas de logement où ils puissent se rencontrer, un paysan qui achète une machine à laver sans penser au voltage et à l'évacuation d'eau, etc…

Ces nombreuses petites nouvelles nous donnent des instantanés de la vie en Russie actuellement, plutôt à la campagne, plutôt chez des gens modestes qui ont peu bénéficié de la modernisation de la société et qui en sont même souvent les victimes. Mais tous gardent une joie de vivre (la vodka aidant beaucoup beaucoup…) qui donne à ce recueil vraiment passionnant une tonalité mi-drôle, mi-tragique très attachante.
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En une quarantaine de nouvelles nous embrassons l'âme russe dans tout ce qu'elle a de fatalisme, d'absurde, de tragique et de drôle à la fois.
Les personnages de l'auteur ont bien retenu la devise de feu leur grand pays, "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Certes "Vodka, corruption et système D" pourrait en être le corollaire indispensable pour s'assurer une vie supportable, et générer des grands éclats de rire là où n'importe qui se tirerait une balle dans la tête !

Quarante-trois clichés, parfois très courts et répartis en six grands chapitres, pour brosser des portraits réalistes du peuple de la Russie profonde, pas les nouveaux riches moscovites, mais celui des travailleurs ou des petits chefs qui tentent de s'adapter, tant bien que mal, à l'évolution de leur pays. Les stygmates de l'étatisme et du communisme aidant, c'est pas une mince affaire !

Taïga Blues, titre original déjà évocateur, n'a pas perdu au change dans l'édition française. Cela aurait pu être un récit noir et désespéré. Au contraire, c'est avec humour et tendresse que l'auteur nous présente son pays et ses compatriotes.
Une évidence s'impose, seule une pénurie de vodka empêchera le monde russe de tourner...


Lien : http://moustafette.canalblog..
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C'est la folie, la cruauté, la violence d'une Russie décrite sans complaisance mais avec aussi une grande tendresse.
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