Histoire de ma mère, Les dimanches de Monsieur Ushioda, Paroi de glace

Tout le monde convenait qu’elle aimait Shunma. Il n’y avait pas d’autre explication. Chaque fois qu’on y revenait, quelqu’un faisait remarquer qu’il était plutôt embarrassant qu’elle eût oublié qu’elle avait passé toute sa vie avec son mari et qu’elle n’eût que le nom de Shunma à la bouche. Cette histoire était immanquablement interrompue par un éclat de rire, car notre mère possédait un humour inattendu : notre étonnement même nous donnait le sentiment d’avoir été dupés par celle qui nous avait mis au monde.

« Grand-mère, je comprends bien que tu aies été amoureuse de Shunma. Mais cela ne se fait pas de dire Shunma ci… Shunma là… Quand on a quatre-vingts ans, on ne dit pas de ces choses-là, hein… »

On dit qu’il ne faut pas se laisser attendrir par une femme, même si elle vous a fait un enfant, et c’est bien vrai !