Citations sur Alibi noir (12)
L’homme était mûr pour devenir un criminel ; le jaguar n’a été qu’un agent déterminant. Chaque grande ville compte des dizaines de demi-fous de ce genre ; mais, heureusement, les jaguars échappés sont rares !
Je crois à ce dicton de chez nous : la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit. » Et, avec
un charmant sourire vraiment déconcertant, elle a ajouté : « Je n’ai vpeur d’aucun jaguar. J’ai de bons yeux. J’y vois très bien, même la nuit. Et, quand je vois un visage, je ne l’oublie plus. »
Autre chose, ses victimes sont des femmes. Pas des femmes âgées ou seulement mûres, mais des jeunes filles. Donc un jaguar d’une vhauteur inouïe, acrobate, invisible, et amateur de jeunes et jolies filles. Curieux, vraiment curieux, caballeros. Mais tout ce qu’on peut vous dire ne sert à rien. C’est du temps et de la salive gaspillés. Aussi je retourne chez moi.
Elle n’était plus bla fille de la señora viuda Contreras. Elle n’avait plus de nom, plus d’adresse. Elle n’appartenait plus au sexe féminin ; elle avait tout oublié. Les larmes ou les revers de sa main avaient étalé le rouge à lèvres de la bouche jusqu’au bas du menton. Elle n’était plus qu’une pauvre chose mue par un instinct aveugle, luttant furieusement pour remonter vers la lumière et la sécurité.
Comme c’est étrange… Vous rencontrez quelqu’un et, tout à coup, le monde entier est changé.
Elle se souvenait de leur première rencontre. C’était relativement récent : vquelques dimanches à peine. Cela se passait au cinéma, un dimanche après-midi. Sa
mère devait rester allongée, par suite d’une crise, et Marta était trop dévote pour aller au cinéma un dimanche ; aussi était-elle sortie avec Rosita. Comme elle occupait une place louée à l’année, toujours la même, il la connaissait de vue depuis longtemps, la contemplant chaque fois que la lumière revenait, à l’entracte.
Elle-même l’avait remarqué mais, naturellement, elle ne pouvait sc permettre de le dévisager ; tout juste croiser son regard un bref instant.
Tu sais, je ne suis pas venue au monde sous la forme d’une femme mûre, d’une mère et d’une veuve, comme tu me vois maintenant. Moi aussi, il y a des années, j’ai été une jeune fille. Souviens-toi toujours, hijita de mi alma, que quoi que tu penses, ta mère l’a pensé avant toi. Quoi que tu fasses, ta mère l’a fait avant toi ; et sa mère avant elle. Il n’y a rien de nouveau dans le cœur des femmes. Je sais, je sais…
Que peut-il t’arriver ici ? Seulement que le temps passe un peu lentement à ton gré. Il vaut mieux trop lentement que trop vite. Demain nous sortirons ensemble, je t’offrirai quelque chose dans un magasin, nous prendrons un refresco, nous regarderons la foule se disputer les tables autour de nous…
Tu es devenue pareille aux filles de ton âge, aimant le cinéma, les glaces chez le confiseur, etc. Maintenant te voilà en proie à une peine tragique qui exclut tout, que tu entretiens
passionnément. Tu ne peux pas aller aussi passionnément. Tu ne peux pas aller aussi souvent ni rester aussi longtemps que
tu voudrais au cimetière. Tu es incapable de manger ni de dormir, ni de penser à quelqu’un d’autre que le disparu. C’est morbide, tu deviens neurasthénique.
Elle n’allait pas regarder, elle n’allait pas s’assurer d’avoir
vu quelque chose, lorsqu’elle arriverait à l’endroit où elle s’était imaginé avoir distingué ces deux phosphorescences. Elle s’y
était à l’avance fermement décidée : « Si je ne regarde pas, je ne verrai pas et ça ne pourra pas me faire peur. D’ailleurs il n’y a probablement rien : ça doit être un tour de mon imagination. » En fait, elle avait peur, si elle regardait que ce soit là.
Ce n’étaient pas. des yeux… Ils n’auraient pas conservé cette fixité, comme ceux de quelqu’un qui guette intensément et cherche à faire le mal… Non, bien sûr que non. Qu’est-ce que des yeux auraient fait là ? D’ailleurs, les yeux de qui ? Ce ne sont pas des yeux… Il ne faut pas que ce soit des yeux. Si tu penses que ce n’en est pas, ils ne seront pas… Deux petits reflets, accrochés à deux aspérités de la pierre, juste l’une à côté de l’autre et voilà tout.