autobiographie rapide, en petites facettes s'enchaînant, histoire d'une formation et d'une vocation de pédagogue, à travers des notations sensibles, toujours cette poésie qui sourt, et il y a la naissance de l'écriture et de la lecture - il y a la ville et le cabanon construit par le père, les oncles, les amis, venus d'Algérie - il y a le cinéma, la musique, l'abord plus aisé des vers que de la prose, le début de l'enseignement, les quartiers populaires dans notre version sud, la réalité des villes de vacances, le goût de la vie, les livres et leurs échos dans les lecteurs, des méditations au fil des jours
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Etant la fille de l'auteur, j'étais curieuse de connnaître mieux mon père au travers de son auto-biographie, faute de mieux, puisqu'il m' abandonnée, ainsi que ma mère, quand j'avais 3 ans. Quelle tristesse pour moi de lire ces mots : "Je crois que j’aurais pu dormir dans ma classe, y vivre et travailler et ne la quitter plus." à propos de l'époque où mon père a commencé à travailler comme instituteur. Oui, quelle tristesse, quand je me dis qu'il aurait préféré ne pas rentrer à la maison,où nous l'attendions, sa femme et moi. Je crois même que c'était à Bendéjun, que nous vivions, justement. J'aurais tellement aimé retrouver ses souvenirs à lui, même une allusion, à cette époque.
Quelle tristesse...
Les lettres de l’alphabet, que la maîtresse traçait au tableau et qu’il s’agissait de recopier sur nos cahiers, pour composer des mots, m’apparaissaient comme des créatures de la forêt. Capables de toute sorte de farces et de métamorphoses. Soudain transposées sur mon cahier, certaines se montraient hilares, se tordaient de rire, d’autres enflaient, boitaient, titubaient, quelques-unes enfin prenaient des poses impudiques, qui me faisaient honte.
Une maison construite et meublée de bric et de broc : une « œuvre ouverte », comme aurait peut-être dit Umberto Eco, dans la mesure où chaque objet y paraissait tout à la fois insuffisant et superflu, inadapté à sa place. Mais mes parents n’en souffraient pas ; c’était même leur fierté d’avoir réalisé ce rêve : une caravane immobile, une arche de Noé, avec si peu d’argent.
Ce qui est créé, chaque fois, ce n’est pas le platane, ni même ce platane-ci, mais un visage du monde, dans lequel chaque chose se trouve figurer comme une lettre figure à l’intérieur d’un mot. Et cela signifie que, pour que le monde existe, il est nécessaire que l’acte de création soit réitéré à chaque instant.
Les romans de Stendhal ne m’offraient pas cette possibilité de connaissance, d’incrustation de (dans) mon propre imaginaire, je ne pouvais pas les transporter dans les rues, au rythme de mon pas, les mettre en relation aussi directe avec ma propre expérience de la nuit. Je ne voyais pas que le poème fût d’une autre essence ; tout ce passait pour moi comme si Guillaume Apollinaire avait mis en œuvre une technologie plus efficace, nous dirions aujourd’hui plus «performante», que celle de son prédécesseur.
Vidéo de Christian Jacomino