Brève histoire de sept meurtres

Le cancer est une rébellion, une cellule qui part en guerre contre l'organisme avec des complicités internes et qui persuade des parties de toi-même d'en faire autant. Diviser pour régner.

Doctor Love m'a donné un conseil éventé l'an dernier : celui de me garder de mes ennemis mais plus encore de mes amis. Pas très neuf comme conseil, mais chaque fois qu'on grimpe dans la hiérarchie, ce tuyau mérite d'être rappelé. Après tout, le chasseur ne tire que sur l'oiseau en plein vol.

Quelle tristesse de constater que, même si on a pas fait les grandes écoles, on est le seul à avoir de la jugeote.

Chuck. C'est comme Chip, Pat, Buck ou Jack. J'adore ces prénoms coup de poing qui évoquent la tarte aux pommes et l'argent facile, ça se prononce la première fois sans aucun effort, et c'est parti.

Il est d'une génération qui ne s'attendait pas à se retrouver au milieu de l'échelle et, une fois là, il en a été si étonné qu'il n'a pas osé grimper plus haut. C'est tout le problème avec le milieu de l'échelle. Il n'y a que le sommet qui compte, et le bas signifie simplement que tous les Blancs veulent venir faire la fête dans ta rue le dimanche soir pour s'encanailler. Le milieu, ça ne vaut rien.

La femme donne la vie, mais l'homme peut seulement engendrer Frankenstein.

(...) parfois je pige trop tard - et savoir trop tard? Autant jamais savoir, comme disait ma mère. Pire, vous êtes au temps présent et faut traiter avec le passé simple tout autour de soi. C'est comme réaliser qu'on s'est fait voler un an après.

Je veux avoir assez d'argent pour plus vouloir d'argent. Et faire ma putain de toilette dehors parce que c'est ce que j'ai envie de faire. Et pouvoir dire les matelas Sealy c'est de la merde, vous avez pas mieux ? Et pouvoir envisager d'aller en Amérique et y renoncer, mais faire savoir à l'Amérique que si je veux, je peux. Parce que je suis fatigué des gens qui vivent comme s'ils peuvent gaspiller l'argent et qui me regardent comme un animal. Je veux avoir assez de fric pour que, quand je les bute et qu'ils ont du cash, ça m'est égal.

Si on parvient à décomposer une journée en périodes, heures, demi-heures, minutes, on peut ramener n'importe quel laps de temps à une dimension acceptable. C'est comme gérer une rupture sentimentale. Si on peut survivre à l'autre pendant toute une minute, alors on peut le faire pendant encore deux minutes, puis cinq, et cetera. Si je ne veux pas penser à ma vie, je ne dois pas penser à la vie en général, mais tenir une minute, puis deux, puis trois, et tout à coup, voilà: un mois s'est écoulé et tu ne l'avais même pas remarqué car tu comptais les minutes.

C'est une chose de tuer un type qui meurt en direct. C'en est une autre quand il est tout proche et qu'il s'agrippe à toi, et que tu vois son regard, la peur dans ses yeux parce que la mort est le plus effrayant des monstres, plus effrayant que ce qu'on voit dans nos cauchemars quand on est petit, et on comprend que c'est comme un démon qui t'engloutit peu à peu, sa gueule immense avale les orteils en premier et les orteils se glacent, puis les pieds et les pieds se glacent, puis les genoux, les cuisses, la taille, et ce petit garçon m'attrape par la chemise et braille, non, non, non il vient me chercher, non, non, non... et il s'agrippe farouchement, plus farouchement qu'il n'a jamais rien agrippé, parce que s'il met toute sa force, toute sa volonté dans ces dix doigts qui se cramponnent à du vivant, alors peut-être qu'il pourra s'accrocher à la vie. Et il inspire comme s'il aspirait le monde et il se retient d'expirer de peur que tout ce qui lui reste de vie le quitte.