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Critique de ClaireG


La photo d'une rue de Maribor (actuelle Slovénie) qui sert de fil conducteur à l'auteur m'a fait penser à la construction du livre d'Italo Calvino « Si par une nuit d'hiver un voyageur » qui a raconté l'histoire de l'histoire en écrivant ce qui lui traversait l'esprit. Drago Jancar anime deux des personnages de cette photo : une jeune femme qui devient Sonja et un officier nazi, Ludek devenu Ludwig.

Le présent roman démarre fin 1944. Sonja, reconnaît l'officier SS, un compatriote passé à l'envahisseur, et intervient auprès de lui pour faire libérer son fiancé, Valentin, soupçonné d'être un partisan. Une fois les trois personnages campés, le rythme s'accélère et la tension monte.

La Styrie, ancien land autrichien, est sous la botte nazie depuis 1941. Certains jeunes gens ont rallié les rangs allemands, d'autres ont choisi la résistance. Comme dans tous les pays occupés, la population se méfie peu à peu de ses voisins, connaît la peur, les dénonciations et les trahisons. Les contrôles et les arrestations sont monnaie courante, les tortures et les mises à mort quotidiennes. le pouvoir soudain de l'uniforme et de la fonction est parfois pervers.

La guerre est atroce partout, les faits de guerre se ressemblent mais ce qui distingue ce roman c'est qu'il se passe en Europe centrale et qu'une grande partie du livre se déroule dans le maquis et raconte le quotidien des résistants qui se déplacent sans arrêt, qui souffrent de faim, de froid, du manque de vêtements et de chaussures mais qui sont prêts à donner leur vie pour leur pays. L'âpreté des paysages – magnifiques en temps de paix -répond à celle des hommes, à la folie meurtrière de certains, à l'amitié à la vie à la mort d'autres, à la peur qui noue les tripes, qui force le courage ou révèle la lâcheté. Beaucoup de ces partisans suivront les communistes de Tito.

Des questionnements poignants mais nécessaires sur la réalité de la guerre, sur les réactions qui rendent insensibles pour ne pas perdre son intégrité ou tomber dans le désespoir, sur les retombées de la violence après la fin des combats, sur l'attitude à avoir avec les prisonniers allemands et les collabos. « Et personne n'est ce qu'il était ou ce qu'il aurait voulu être »

Les trois protagonistes principaux vivent leur destin qui, pour aucun, après la guerre ne sera une étape joyeuse. Ce n'est qu'à la fin du livre que l'on connaît la dimension dramatique du sacrifice de Sonja pour sauver son amoureux. Libérée de Ravensbrück et cassée à jamais. le livre doit son titre à un poème de Lord Byron :

Car l'épée use le fourreau
Et l'âme épuise le coeur,
Et le coeur doit faire halte pour souffler
Et l'amour aussi a besoin de repos.

Ecriture sensible et réaliste, l'auteur ne s'appesantit pas sur la violence de la race humaine mais il ne l'élude pas non plus et le présent roman est à la fois haletant dans son histoire parfaitement construite et cruelle mais aussi pleine d'amour et de mélancolie. le contraste est parfois saisissant.

Drago Jancar est né à Maribor (Yougoslavie à l'époque) en 1948 et a probablement été fort marqué par les souvenirs d'internement de son père qui luttait contre les nazis. Lui a été rédacteur d'un journal étudiant et ses prises de position contre la dictature de Tito lui ont valu des mois de prison. Il lutte pour la démocratisation de la Slovénie et, de manière plus générale, s'interroge sur la participation des intellectuels dans les conflits nationaux. Les prix littéraires de tous ordres pleuvent sur lui.

Un tout grand merci à la Masse Critique de Babélio et aux éditions Phébus de m'avoir permis de découvrir cet auteur bourré de talent. A suivre assurément.
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