Boire du thé, "la boisson des rois", "impliquait donc d'avoir du bien et un caractère affirmé, pour le moins indocile."
C'est avec des arguments de cette nature que le "Protecteur" Allen Hampden, un homme d'une soixantaine d'années, à la "silhouette fine et élancée", a progressivement pris le contrôle de l'ancienne monarchie britannique devenue sous sa houlette, la GRB "Grande République Britannique".
Nous sommes en 2100 et l'auteur nous montre comment à partir de 2035, sous le règne de William V, petit fils d'Elizabeth II, l'idéologie séparatiste et la crainte des étrangers, mais aussi des ennemis intérieurs se sont insidieusement emparée des esprits. Hallen, paradoxalement, dit vouer un culte à
Winston Churchill, dans lequel il voit une source d'inspiration, sans l'avouer.
Son opposant de toujours, le "Lettré", Walter Leonard Spencer ne voit en Hallen qu'un "pâle épigone d'Oliver Cromwell".
Il le combat par la justesse et la pertinence de ses pensées diffusées via des écrits clandestins dans des journaux où il écrit sous des pseudonymes.
Le récit alterne entre la présentation de faits historiques de la période 2035-2100, et ceux de cette dernière année au cours de laquelle le Protecteur prépare le coup de force ultime pour faire basculer une société déjà fortement surveillée vers une véritable dictature.
Ces différents épisodes montrent comment la société britannique pourtant pétrie de tolérance et de foi dans les idées humanistes devient, sous la pression d'événements caricaturés par les tenants de l'ordre, une société qui prône "la mise sous tutelle étroite de tous les citoyens d'origine exogène", et promulgue une Loi intitulée "Acte de restriction volontaire de libertés."
2100 doit voir l'aboutissement des efforts du Protecteur pour imposer une véritable dictature et se débarasser notamment des "deux fléaux que sont les Communes et les Lords."
La résistance s'organise autour du "Lettré", Walter Leonard Spencer, réfugié à Edimbourg et soutenu par les Irlandais et les Gallois.
L'opération "Pluie d'Ecosse" parviendra-t-elle à isoler et emprisonner Spencer ? le contrôle des média et des réseaux sociaux sera-t-il effectif ? Comment l'opinion réagira-t-elle ? Comment se positionneront les intellectuels ?
Autant de questions que les deux principaux protagonistes du roman se posent.
Le roman commence juste avant ce combat ultime pour sauver la démocratie.
La force de cette fiction repose sur des faits et des pratiques qui ne sont pas si éloignés que ça de la nature du débat politique actuel.
Dans les arguments de Hallen, on croirait entendre les thuriféraires du Brexit pronant le retour de la souveraineté britannique soit disant brimée par l'Union Européenne, la fin de la libre circulation des travailleurs (surtout les étrangers), et la croyance brutale dans l'équation travailleurs étrangers = terroristes.
Quand
Aymeric Janier écrit "un certain unanimisme politique qui annonçait en creux l'étape suivante...", on ne peut s'empêcher de faire le lien avec le débat actuel en France autour des migrants ou encore de la politique sanitaire où l'on peut constater parfois un unanimisme étonnant entre des partis politiques ou des intellectuels dont les positions s'opposaient autrefois...
Que va-t-il advenir ? Hallen réussira-t-il son coup de force, le Lettré parviendra-t-il à inverser la situation ?
"Or, de ce combat-là, dépendait, au-delà de la victoire d'un camp aux dépens d'un autres, le devenir même d'un pays. Pour un an, une décennie, et peut-être un siècle."
Une fiction dites-vous ?
Excellent récit qui éveille la conscience.
Merci à Babelio et aux éditions
Beta Publisher pour cet envoi en prévision de la rencontre du 30 septembre !