Citations sur La guerre à neuf ans (29)
Il existe plusieurs vies. La première, c'est l'enfance. Heureuse ou malheureuse, on ne s'en remet pas. L'enfance, c'est le point d'eau. On y revient toujours.
On ne vit pas sa vie dans l'ordre qu'il faudrait. Commencer par l'enfance est sûrement une erreur.
Elle était superbe, au physique comme au moral. D'un anticonformisme ahurissant, elle passait du mutisme le plus complet à la provocation la plus vibrante. Elle n'avait peur de rien et cette hardiesse alliée à sa beauté engendrait un mouvement de jeunesse perpétuellement renouvelé, dont rien ne semblait jamais devoir un jour stopper la marche. Pendant près de trente ans, j'ai su ce qu'elle pensait avant même qu'elle ne le pense. Maintenant je ne sais plus où elle va. Chez elle, la méditation a chassé la gaîté, sa fureur à vouloir tout comprendre l'empêche d'agir jusqu'au plan domestique le plus élémentaire. Je l'aime mais je lui en veux d'avoir accepté une certaine vieillesse
Dans le rétroviseur, je vois Emmanuel Berl. Il ressemble à un Moïse qui ferait des grimaces comme les Marx Brothers. il joue avec les idées comme on joue à la balle et avec les mots comme on fait du cerceau. Il les pousse devant lui, espérant qu'ils vont rouler le plus longtemps possible sans tomber.
...Ce soir-là j'ai découvert l'illusion. L'idée qu'une voiture ne puisse être qu'une façade, l'idée qu'Yvonne Printemps avait pleuré pour rire, l'idée que Pierre Fresnay avait joué à la consoler et que nous, dans la salle, nous avions joué à les croire. De là à penser que l'invention était préférable à la réalité, il n'y avait qu'un pas. Plus tard j'en ferai un autre en apprenant avec soin à confondre mensonge et invention et à repousser le plus possible la réalité au profit du rêve organisé. Peu à peu, mon onirisme est devenu pragmatique jusqu'au jour où j'ai enfin réussi à devenir complètement spectateur de ma propre vie, un voyeur, un auteur.
Un baveux incertain qui me jouait la messe en français, et face au public, le tout coupé d'un sermon insipide, sans force dans les mots, sans grandeur d'aucune sorte, sans la moindre passion, mollement pro-vietnamien, très vaguement cégétiste.
Bossuet se meurt, Bossuet est mort. Vive Guy-Lux.
Le 12 novembre (1942) au matin, Robert Aron, accompagné de sa femme, débarque à Charmeil, talonné par la Gestapo qu'il n'a réussi à semer que dans Vichy même. C'est un colosse à l'intérieur duquel sommeille un humaniste songeur. Ma mère trouve qu'il est impossible d'avoir plus l'air d'un intellectuel. Moi, je trouve qu'il ressemble à Tarzan.
Fin novembre 1940. Paris est gris, sale, froid. Dans les rues, peu de gens, peu de voitures. Le vitres des cafés sont barbouillées de bleu. Les gens rasent les murs. Les Allemands sont partout. La défaite s'installe.
Non seulement je ne vais plus à l'école mais, en plus, je suis allé au théâtre. J'ai vu "Léocadia" de Jean Anouilh, joué par Yvonne Printemps et Pierre Fresnay.
Je me souviens mal de la pièce mais très bien de mon émotion...
La haute bourgeoisie du début du siècle faisait faire le Quai d'Orsay à ses fils lettrés, tout comme les aristocrates du XVIII° siècle plaçaient leur fils cadet dans la religion.
Le gouvernement qui se sent sûrement provisoire, comme tout gouvernement, est installé à l'hôtel, dans l'hôtel du Parc, face à l'établissement thermal.