Deux choses rapprochent
Alexandre Jardin et
Coluche : tous deux manient l'humour et l'autodérision avec grâce -même si l'un attaque tabous et valeurs, là ou l'autre se contente de les questionner-, et tous deux se sont présentés aux élections présidentielles, dans cette même optique contestataire ou de mise en question.
La comparaison s'arrête là, sans doute, car, au delà de son engagement public et citoyen intéressant,
Alexandre Jardin suscite dans ses ouvrages une émotion renvoyant à l'intime, loin des outrances du personnage
Coluche... encore que les aventures rocambolesques du Zèbre soient, à bien des égards, assez clownesques... tout en donnant à réfléchir... comme le grand Michel Colucci savait si bien le faire.
C'est sans doute pourquoi j'aime cet écrivain français, à la prose généreuse, gouaillesque, qui introduit dans notre imaginaire
le Zèbre, symbole d'originalité, de folie douce et de courage, comme avatar fantasmé du mouton à cinq pattes, et alternative au triste mouton de Panurge...
Le thème du Zèbre est somme toute assez simple, et puisant dans l'expérience accessible à chacun, puisqu'il traite de l'épuisement de la passion dans le couple et de la volonté d'être d'un homme face à sa mort. Et même si nous ne pouvons pas chaque jour mener la quête trépidante et épuisante du Zèbre, nous pouvons nous en inspirer pour tenter de maintenir chaque jour la flamme de la vie, de l'amour, bien mieux que par les recettes toutes faite de
John Gray.
Mais laissons à l'auteur de
l'Ile des Gauchers le soin de nous parler des faiblesses de ce roman :
"Une fois, Cigogne était tombé sur un petit roman atypique au titre bizarre :
le Zèbre, l'histoire d'un mari extravagant qui partait à la reconquête de sa femme, après quinze ans de mariage. L'auteur, un écrivaillon français mort à vingt-trois ans, se rebellait contre la fatalité de la débandade de la passion ; mais sa prose était maladroite, insuffisante pour donner au roman tout le souffle que requérait son sujet. Et son héros n'était qu'un adolescent prolongé, accroché qu'il était à son idée de faire survivre sa passion, sans chercher à la transmuer en un amour authentique. Sans doute l'auteur du Zèbre était-il trop jeune pour s'aventurer dans cette voie."
Et en effet, c'est là un livre d'adolescent ou de jeune homme. On pourra regretter -ou louer- sa fraîcheur. La quête passionnelle de son héros n'a pas grand-chose à voir avec l'Amour vrai, prend trop en compte la partenaire féminine comme simple miroir d'un ego, et ne fait que tenter de transposer dans le couple la course folle que les libertins jouent en dehors . Mais justement parce qu'il aborde sans faux-semblants ce fantasme légitime qu'a chacun de sentir perpétuellement couler dans ses veines la délicieuse héroïne de la passion amoureuse, il mérite d'être lu, et ses quatre étoiles.