Tous se contentent de conquérir une femme qui surgit dans leur existence; mais reconquérir la sienne après quinze ans de mariage? Aucun séducteur imaginaire de renom ne s’y risque.
Oui, les lunes de miel sont un rêve trop fugace ; chaque jour doit en être une.
Faites que la beauté reste,que la jeunesse demeure, et que le coeur ne se puisse lasser et vous reproduirez le ciel
La fille eut un regard au velours usé, esquissa un sourire empreint de tristesse et acquiesça. Comprendre et louer des rêves, c'était son métier. Depuis qu'un marlou lui avait assigné un réverbère, toute la souffrance du monde était venue se soulager entre ses jambes. Il faut bien que les corps parlent quand on ne trouve plus les mots. Les mots tendres, surtout.
- Gaspard, d'où te vient cette idée du vieux couple ? Ça peut être très beau.
- Vieillir ensemble... La belle affaire ! Quelle défaite, oui. Pourquoi crois-tu que les contes se terminent toujours par : "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants" ? Parce qu'après c'est la débandade. Les étreintes se ramollissent et les baisers sentent vite la naphtaline. C'est pour ça que l'histoire s'arrête aux retrouvailles, pour cacher cette vérité hideuse aux têtes blondes pleines de rêves.
Comme Camille arrivait près de la cascade, à lorée de la forêt de la navale, des voix captèrent son attention.Elle s'approcha. Ses lèvres étaient sèches. Derriére la cascade,elle trouva la tulipe et Natacha,assis sur un rocher.Une lettre de leur père les avait convoqués à l'heure dite, avec ordre de ne rien dire a leur mère.
Apaisée, Camille pensa à la mort comme à une amie qui détriste la vie.
La Tulipe n'avait rien trouvé de plus spirituel que d'envoyer une lettre à son père - celle-là même qu'Alphonse lui avait apportée - dans laquelle il dépeignait volontairement son délicieux séjour britannique en termes alarmants, "pour faire plaisir à Papa, tu sais comme il raffole des émotions fortes", expliquait-il. [...]
A titre d'exemples, la Tulipe citait à sa mère les passages les plus rassurants : "Je suis tombé dans une famille bizarre, mais il fait beau. Seul le père est obsédé par les choses du sexe. Rassure-toi, il ne touche que sa fille. Heureusement, le soir, il ferme la porte de sa chambre quand il frappe sa femme. Je peux donc dormir (...) la situation s'améliore, on me donne désormais à manger deux fois par jour et le fils aîné a renoncé à me faire des injections d'héroïne..."
Au fond, les couples meurent de silence. L’usure du temps n’est qu’un alibi.
Sur la plus haute branche d'un tilleul, un oiseau chantait la partition de son espèce. (p.191)