Je pense toujours à Sophie. Je me souviens de nos étreintes. J’ai connu avec elle ma seule histoire d’amour.
Nous pouvions aussi décider de nous marier dans l’intimité, et refuser de rencontrer quiconque à l’avenir. Nous prendrions plaisir à rester chez nous, à échanger toujours les mêmes phrases, à considérer le téléphone comme un gros bibelot inerte. Nous ne répondrions même pas aux gens qui nous demanderaient l’heure quand nous nous promènerions dans la rue.
Je savais que désormais Sophie était à moi, petit à petit je ferais sa conquête. J’étais son avenir, elle n’en aurait jamais d’autre.
Dans son lit, je ne serais qu’une source de chaleur à peine bruyante, et j’attendrais pour la prendre qu’elle soit dans un profond sommeil. Elle en viendrait peu à peu à m’apprécier, à trouver fades les moments passés sans moi.
Elle leur dirait que nous avions appris à nous connaître, que nous éprouvions l’un envers l’autre un respect mutuel.
Je lui ai dit que j’aimais la voir évoluer au milieu de toutes ces sucreries. Nos enfants seraient émerveillés quand ils sauraient que leur mère avait un jour régné sur ce paradis de bonbons et de chocolats.
J’avais des éclairs de lucidité, je n’éprouvais plus alors pour elle que du mépris.
Mon attention redoublait, je l’aurais vue même si elle avait eu le pouvoir de devenir minuscule comme une fourmi.
J’en avais assez d’attendre, j’étais si furieux que je n’avais plus sommeil. Je voulais qu’elle vienne, que je puisse lui parler, ou même lui lancer une simple imprécation pour le plaisir de la voir tressaillir et courir.
Je n’avais aucune place en elle, j’étais un souvenir exécrable qu’elle repoussait. Elle avait la certitude qu’elle ne m’aimerait jamais, que chacune de nos rencontres représenterait un nouveau cauchemar.