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3,68

sur 95 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ça commence avec un trajet en voiture. Une lutte de tous les instants pour se concentrer sur la conduite, et tenter d'ignorer les deux pestes qui s'agitent sur les sièges à l'arrière. Ne pas crier, reste calme. Mission quasi-impossible, d'autant que la destination n'est pas de celles qui font rêver : le pique-nique annuel aux Bordes, tradition incontournable de cette belle-famille, les Bordes, qui parade avec ce nom de famille qui les ancrent sur leur territoire.

Si les enfants sont ingouvernables, l'ambiance à la ferme est très hostile. Sans mots, il y en a peu à franchir les lèvres, l'inimitié transpire, travers les murs sales et les sols usés et cette chambre restée fermée depuis des années.

Pour cette femme qui lutte avec une anomalie neurologique rare, qui transforme son quotidien en une lutte attentionnelle permanente, l'angoisse est chevillée au corps. Elle est constamment dans la projection des dangers potentiels et innombrables, qui pourraient atteindre ses enfants. Angoisse d'une mère, sous-tendue par un passé traumatisant, et un présent qui lui prouve chaque jour dans son travail de juge d'instruction que la menace n'est pas uniquement une lubie de névrosée.

Ce roman provoque une tension extrême, de tous les instants à l'unisson avec cette mère inquiète, qui entraine le lecteur dans cette quête du piège inattendu, qui pourrait nuire à sa progéniture. Et on craint avec elle le moment où quelques secondes d'inattention précipiteraient le récit dans l' horreur, ou pas. Futur inconnu pour un présent caché.

C'est aussi le récit de l‘ambivalence d'une femme, épuisée par le désir de bien faire, faille sur laquelle s'appuient les enfants pour la tyranniser, jour et nuit. L'envers du décor de la maternité.

C'est un récit qui prend aux tripes, avec l‘intensité d'un thriller, alors que le fond de l'histoire restitue des détails du quotidien si familiers.

Très efficace.

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Il était là, chez mon libraire. Un peu à l'écart sur son présentoir, entre Jardin et Joffrin.
Devant lui, une pile de ces nouveautés aux couvertures criardes qui inondent aujourd'hui les têtes de gondoles, ces livres aux titres farfelus et aux histoires faciles qui font ployer les rayonnages et qui se vendent à la tonne.
Lui était seul, discret.
Sagement, il m'attendait.

J'avais déjà beaucoup aimé Préférer l'hiver (le premier roman d'Aurélie Jeannin), j'avais déjà fait connaissance avec l'univers singulier de cette jeune romancière et goûté à la grande qualité de son style, alors je n'ai pas hésité une seconde !
Grand bien m'en a pris : dès l'entame j'ai retrouvé cette plume si particulière, vive et intimiste, qui aiguillonne en profondeur, qui met l'intégralité du texte en tension, qui éblouit mais qui oppresse, aussi.
Car chez Jeannin on ne s'amuse pas. On se questionne, on se dépouille, on se met à nu. Et forcément on souffre, parfois.

Ce n'est pas Brune, l'héroïne des Bordes, qui vous dira le contraire. Mariée, deux enfants, une sensibilité à fleur de peau, Brune est juge d'instruction. Elle sait le poids de la fatalité, elle a traité nombre d'affaires dramatiques, vu survenir nombre d'accidents soudains, imprévisibles, dévastateurs. Rien d'étonnant alors à ce qu'elle vive en apnée, toujours en alerte, dans l'attente fébrile du prochain danger - fortuit mais inéluctable - qui guette ses chers enfants, Hilde (8 ans) et Garnier (4 ans).
Pour elle ça ne fait aucun doute : "Nul n'est à l'abri, jamais. Nul ne peut compter sur le fait que les tragédies se construisent tranquillement, ont des fondements qui les nourrissent jusqu'à leur éclosion. Il est impossible de se préparer. le pire n'a besoin de rien d'autre que d'advenir."

Adviendra-t-il aux Bordes, dans ce lieu-dit de malheur, sur cette terre maudite au climat pesant, chargée de souvenirs douloureux ?
C'est là qu'elle conduit chaque année sa progéniture, dans une belle-famille qui la déteste. le temps d'un séjour éprouvant (le temps d'une journée plus exactement, où chaque heure qui passe est soigneusement décomptée), Brune nous fait partager ses angoisses de mère, ses doutes et son épuisement, sa lutte de chaque instant pour tenir Hilde et Garnier à l'écart d'un monde qu'elle sait semé d'embûches. À la seconde où son aînée a vu le jour, elle a appris à repérer ces "incertitudes suspendues, planant au-dessus d'elle, qu'elle devrait être prête à esquiver", elle a compris d'instinct qu'il lui faudrait "saisir au vol ses enfants pour leur éviter le vide, leur barrer les chocs."
Et puis il fallu les aider à grandir, se montrer toujours disponible, supporter leurs caprices, leurs colères, leurs disputes, jongler avec des emplois du temps de plus en plus serrés, essayer de répondre à toutes leurs sollicitations, ne jamais préférer l'un à l'autre, les protéger de tout, s'effacer derrière eux, s'oublier...

Voilà sa vie de mère.
Voilà l'équilibre fragile qu'elle s'efforce de maintenir, écartelée en permanence entre deux puits sans fonds : l'amour inconditionnel qu'elle voue à ses enfants et la crainte irrationnelle qu'il ne leur arrive malheur.
Voilà la douloureuse fébrilité qui un jour ou l'autre étreint tous les parents, "l'angoisse absolue d'avoir mis en jeu plus grand que soi, l'angoisse absolue d'avoir tout à perdre".

Quelle vision glaçante de la maternité !
Heureusement ici, la lumière est dans l'écriture, dans ces phrases courtes, fortes, poétiques, qui relèguent presque l'histoire au second plan tant elles monopolisent le plaisir et l'attention. Des phrases qui pulsent comme les battements d'un coeur anxieux, un coeur de mère en souffrance, écrasée par sa charge mentale et le poids des responsabilités, épuisée d'avoir sans cesse à tout mettre tout en oeuvre pour que la vie ne dérape pas, que le pire passe au large et épargne les siens.
Voilà quoi, Aurélie Jeannin a des mots qui me touchent. Qui me touchent vraiment.

En bref, les Bordes est un texte poignant, qui traite en beauté de sujets sensibles et qui nous rappelle, s'il en était besoin, qu'on ne peut pas tout contrôler...
Avec ce deuxième roman (à déconseiller peut-être aux futures mamans ?), celle que l'on commence à qualifier de "nouvelle voix de la littérature française" m'aura à nouveau conquis !
Jamais deux sans trois ?
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Ce que j'ai ressenti:

Ce carré qui dimensionnait et bornait son empathie

Ce n'est pas vraiment un carré. À peine un rectangle. Vous savez, un livre…Des pages blanches, des mots en noirs, et ici, un lieu: Les Bordes. Une histoire avec du terreau, du ressentiment et l'instant fatidique. du blanc, du noir, du vide et de l'angoisse. le bord du gouffre, omniprésent. Parce que ça se sent, le drame. Parce que c'est dans l'air, le pire. Et Aurelie Jeannin s'approprie le temps de 200 pages, une façon d'être mère. Une façon d'être femme, fille, modèle, humaine, et de jouer sur tous ses rôles quand l'hypersensibilité, la charge mentale et la tragédie s'en mêlent…Faire partie et être à l'intérieur du carré, subir l'écorchure des recoins, combattre la linéarité, surveiller les angles. Être avec Brune, le temps de comprendre les heures qui s'écoulent dans Les Bordes, des plages horaires qui expliquent une famille et sa dynamique, un week-end de juin qui défile en tensions palpables entre présent et passé…Et il ne reste qu'à déterminer quels fils tirer du carré de terre échauffé, pour que les Bordes livrent leurs Mal-heures terribles…

Que l'acmé ne s'atteint qu'après une ascension.

J'aurai voulu être avec moins d'aspérités, moins de failles, parce que tout s'est inséré à l'intérieur. J'aurai aimé être capable de me verrouiller, pour que ça fasse moins mal. Parce qu'être mère, c'est ça. Être un peu Brune, le temps de quelques pages, et le ressentir puissance exponentielle. Les cauchemars à tout va, le coeur déglingué à tous vents. Être mère, c'est autant protéger que craindre. Etre submergée par l'indicible, la peur, le trop, les autres et puis, soi. Remplir toutes les cases qu'on nous impose, et des fois, lâcher en dedans. Parce que le Trop, est envahissant. Mais aimer, c'est étonnement fort. Plus fort que tout, d'ailleurs. Et il n'y a qu'en portant la vie qu'on le comprend. Mais même avec toute la volonté du monde, c'est un effort titanesque de chaque seconde pour toute la vie. Et c'est usant. le répit n'est pas permis, n'est pas toléré, n'est pas possible. C'est ça, être mère. Essayer d'atteindre la perfection, anticiper les risques, prévoir l'inattendu, être prête à toute éventualité. Mais on sait que la vie est imprévisible, c'est le propre même de la vie. Brune est au coeur des Bordes, et va l'apprendre à ses dépens, dans un bruit mat…

Ils étaient faits de chair, d'os et d'histoires, comme elle.

Il fallait la plume sensationnelle de Aurelie Jeannin, pour rendre ce week-end électrique. Il fallait son talent pour écrire les tourments incessants d'une femme. Il fallait des mots et des silences pulvérisants pour saisir l'avant et l'après d'un drame. Il fallait un carré, une famille et l'attraction pour donner un roman saisissant. Il fallait Les Bordes et des émotions. J'ai eu mon trop-plein et comme rien n'est dû au hasard, j'en reviens secouée…


Ma note Plaisir de Lecture 9/10

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Harper Collins pour leur confiance et l'envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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C'est sombre et lumineux à la fois. C'est d'une mélancolie profonde qui vous enveloppe jusqu'à la fin.
Les Bordes sont à l'image de cette violence qu'ils renvoient, et trouver sa place n'est jamais simple.
La plume oscille entre poésie et cri de rage, et on y retrouve toute la puissance déjà bien présente dans Préférer l'hiver.
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Brune est au volant de sa voiture.
Elle se rend au pique-nique annuel dans sa belle-famille, les Bordes.
A l'arrière, deux enfants qui se chamaillent,
Elle n'en peut plus de ces cris, et de plus elle appréhende de retrouver l'ambiance des Bordes.
Voilà comment commence cette histoire.
Les chapitres se découpent en heures, les heures d'angoisse de Brune.
Parce qu'elle a des problèmes Brune.
Sa belle-famille la hait.
Son métier de juge d'instruction la met face à des situations dramatiques et inéluctables.
Elle souffre de prosopagnosie, elle ne reconnaît pas les visages.
Ses enfants sont tout pour elle mais elle est carrément en plein burn out parental.
Elle a toujours peur pour eux, elle n'est pas loin de la Clémentine de « L'arrache-coeur» de Boris Vian.
Que toute cette angoisse est bien rendue, avec des phrases hachées, percutantes, étouffantes, et la ponctuation qui joue son rôle.
Cette angoisse qui tourne en boucle, empoisonnant son  existence.
Ses remises en question sur son rôle de mère.
Aurélie Jeannin a l'art de créer des ambiances, elle l'a prouvé dans on précédent livre « Préférer l'hiver ».
Ici aussi un huis-clos pesant, mais entre Brune et Brune.
Dans sa tête tout se percute, se contredit, l'empoisonne.
La tension est soutenue de la première à la dernière page.
Le paradoxe d'aimer ses enfants au-delà de tout au point de de ne vivre que pour eux jour et nuit et de souhaiter être seule et libre.
De vouloir les rendre libres et de les protéger de tout danger
Quelle mère n'a connu ça?
Il est effrayant ce livre, comme les pensées qui envahissent Brune, comme la vie parfois.
Mais qu'il est beau et puissant.
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Son 1er roman m'avait déjà marqué par cette introspection mais celui-ci est deux fois plus intense, émouvant.

S'en est même difficile de trouver les mots .. je me suis laissée deux jours pour savoir ce que j'allais mettre mais la fin est encore présente et bouleversante.

En tant que mère, nous ne pouvons que comprendre cette peur, cette anxiété pour nos enfants, les accidents, les personnes malfaisantes, .. tout ce que nous voyons, entendons dans les médias, les feuilletons, .. ne peuvent être qu'anxiogènes alors il faut revenir sur Terre et ne pas se laisser envahir par ces idées morbides.

Mais Brune, non seulement est anxieuse à l'extrême mais en plus elle côtoie de près les prédateurs, les agresseurs en tant que juge et a vu la mort accidentelle de près, donc tous ses sentiments de peur, de préservation de ses enfants est exacerbée. et l'on suit tous ces peurs, ces interrogations le temps d'un week-end.

Ce livre est oppressant dans ce burn-out qu'elle vit, cette peur pour ses enfants, cet amour débordant ... tout s'installe, s'amplifie mais comme me le disait si souvent mon père "la peur n'évite pas le danger" ...

Je remercie Babélio et les éditions Harper Collins pour cette masse critique spéciale.
Une auteure qui prend de plus en plus de places dans mon coeur, très touchée par cette plume sensitve, introspective.
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Aurélie JEANNIN. Les Bordes.

Brune Bordes est une jeune femme, d'une trentaine d'années, juge d'instruction et mère de deux enfants, Hilde sa fille a huit ans et Garnier son petit garçon a quatre ans. Nous sommes le dernier week-end de juin et la tradition, dans la famille de son époux est d'organiser un grand pique-nique, au bord de l'étang de la propriété familiale des Bordes. Mais Brune participe à ce séjour dans sa belle-famille, avec beaucoup d'appréhension. Elle ne se sent pas aimée par les parents, le frère et la belle-soeur de son mari.

Brune est très angoissée, par la gestion de sa vie intime, de sa vie de femme et de mère. Elle protège et surprotège ses enfants. Elle appréhende pour leur vie au quotidien et pour leur futur : elle est très anxieuse. C'est une mère très rigide, rigoriste. Elle ne paraît pas être comblée par ses maternités. Elle désire toujours tout régir, tout régenter. Elle a du mal à déléguer certaines taches et à laisser un peu de liberté à ses petits. Elle oublie de vivre normalement, elle a peur de rencontrer des évènements impondérables, indépendants de sa volonté. Mais comme le dit la tradition populaire, la peur n'évite pas le danger et on ne peut pas tout prévoir....

Elle n'a pas d'autre choix que d'être excellente en tout. Mais une mère peut-elle être parfaite ? Il n'existe pas de recettes, ni de règles pour être toujours au top. Au fil du récit qui s'étale sur 20h, l'angoisse de la mère de famille monte en intensité. Quelle est l'origine de ce traditionnel pique-nique auquel toute la famille Bornes est lié. Au fil du récit, nous découvrons la mort accidentelle d'une petite file de huit ans, Thelma, soeur de l'époux de Brune. Pourquoi les Bornes, les père et mère, le frère et la belle-soeur de Brune manifestent-ils une certaine haine envers cette jeune femme ? Y a-t-il un lien avec la tragédie passée ? Et Brune parviendra-t-elle à retrouver une sérénité ?

Ce roman intimiste sur la condition féminine, la maternité est noir. Deuxième roman de cette auteure que je lis. Les problèmes, les questions, les thèmes abordés par ce récit sont tous sous-jacents à la venue et à l'éducation des enfants. Il nous pose vraiment beaucoup de questions et tout en nous apportant un certain nombre de réponses il est angoissant. Heureusement, nous accomplissons nos diverses taches sans trop nous questionner. Mais il semble y avoir des malédictions et nul ne peut y échapper…. Mais respirons et soyons les meilleures mères pour nos enfants, les meilleures épouses pour nos conjoints et les meilleures belles-filles pour nos belles-familles. Adaptons nous aux situations et cessons d'angoisser. En un mot, soyons naturelles et ne recherchons pas la perfection. Lâchons du lest et laissons respirer nos chères petites têtes, blondes, brunes, rousses…. Nous sommes des humains et vivons les instants présents dans toute leur plénitude. Un bon roman un peu anxiogène. Je conseille la lecture de ce récit intimiste. Bonne journée.



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Les Bordes, c'est un lieu et c'est une famille. La belle-famille de Brune la déteste et pour elle, revenir aux Bordes, le dernier week-end de juin de chaque année, est une épreuve mais elle se doit d'honorer ce pique-nique annuel, un rituel familial. A peine arrivée aux Bordes avec ses deux enfants, l'atmosphère hostile est palpable, elle est invisible pour ses beaux parents qui l'ignorent, l'écrasent de leur mépris et de leurs jugements silencieux. Son mari tente tant bien que mal de sauver les apparences.

Avoir des enfants a fait perdre à Brune toute sérénité, toute légèreté, toute possibilité de se laisser aller. C'est une mère obsédée par l'accident domestique qui pourrait à tout moment frapper ses enfants, elle est en alerte permanente pour les protéger, les sauver d'un danger imminent, imaginant sans cesse le pire, persuadée qu'un drame peut survenir à tout moment. "Les protéger de tout, de tout le monde. C'était son devoir. Verrouiller tout ce qui pouvait l'être... La perspective de leur souffrance l'empêchait de vivre.... Il n'y a pas de champ plus solitaire que celui d'une mère". Elle veut être la meilleure mère pour eux "légère, patiente, pédagogue" mais n'y parvient pas toujours, surtout pas aux Bordes... Dans son métier de juge d'instruction Brune veut aussi être parfaite, inattaquable "elle tenait entre ses mains des avenirs... par ses verdicts, elle scellait le Bien et le Mal". Mais dans son bureau défilent trop de drames, elle ne peut pas imaginer comment ses enfants pourraient passer entre les mailles du filet.

Les Bordes constitue pour elle le summum du danger avec des jeux extérieurs, des libertés avec les cousins..."le pire est toujours possible ici... ce lieu et ces gens la rendaient noire en dedans". Aux Bordes, dans ce lieu plein de souvenirs, Brune saura-t-elle esquiver le pire? Est-il possible pour une mère de protéger ses enfants?

Comme dans son précédent roman ce qui me frappe le plus avec Aurélie Jeannin c'est sa capacité à créer une atmosphère dès les premières pages de son roman. Ici c'est une atmosphère trouble et pesante qui questionne le lecteur au début. Pas de douce mélancolie comme dans "Préférer l'hiver", mais une tension constante, oppressante, soutenue par une narration très prenante.
Des éléments essentiels pour comprendre la personnalité de l'héroïne sont savamment distillés, on découvre le drame qui a marqué son enfance, sa pathologie qui la contraint à une vigilance constante, les conséquences de son métier qui la met tous les jours face à l'imprévisible et à l'insoutenable et qui l'oblige à être dans la maîtrise permanente, dans le contrôle constant de ses émotions. On comprend de mieux en mieux pourquoi elle est si tendue, si angoissée alors que ses enfants la sentant fragile et incertaine, surtout aux Bordes, s'engouffrent dans ses failles.
Un roman très différent de son précédent qui met en scène une héroïne très humaine dans son ambivalence face à la maternité. Malgré ses excès, chaque mère se retrouvera un peu dans ses angoisses.
La narration très habile et l'écriture soignée rendent la lecture de ce roman complètement addictive.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Déjà, j'avais adoré son Préférer l'hiver. Et voici qu'Aurélie Jeannin de nouveau m'enchante, ou plutôt devrais-je dire,… me bouscule, avec ce nouvel opus. Ce titre est mon premier coup de coeur de l'année et (outch) quel coup de coeur ! Mais je vais peut-être un peu vite… Je dois tout d'abord vous parler du contexte, car chaque lecture a un contexte. J'ai, dernièrement, été amenée à me rappeler de ces années vécues en compagnie de mes enfants en bas âge, années qui n'ont pas toujours été faciles, sans rentrer dans les détails. Quelqu'un, que je connais depuis longtemps, s'en est d'ailleurs rappelé il y a quelques jours, ce qui m'a beaucoup troublé. le temps a passé, mes petits sont devenus grands, et j'ai tendance à croire en général à la transparence de ce que je vis aux yeux des autres. Bref, pleine de cette émotion, j'ai ouvert le livre d'Aurélie Jeannin et j'ai été immédiatement transportée dans cette époque, moi/le personnage principal au volant, mon/son garçon et ma/sa fille à l'arrière, le désarroi, la solitude, l'épuisement, l'amour fou, et ma/sa conviction de mon/son incompétence maternelle. Ce début de lecture a donc été d'une force énorme. Je me suis sentie en pleine empathie avec ce personnage principal, prénommée Brune, une empathie qui n'a cessé d'être jusqu'à la dernière ligne de ce livre. Même si, ensuite, je ne me suis pas reconnue dans les événements qu'elle vit (fort heureusement). L'histoire ? Brune, jeune mère de jeunes enfants, est en route pour retrouver son mari et sa belle-famille aux Bordes. C'est une femme intelligente, juge de profession, confrontée quotidiennement à l'indicible, et qui a à coeur de maîtriser les risques pour sa propre nichée. Elle redoute les maladies, les accidents, les enlèvements. Alors elle guette, elle anticipe, elle passe sa vie aux aguets, tout en étant complètement anéantie par l'ampleur de la tâche et par son rôle de mère. Comme chaque dernier week-end de juin, il faut retrouver en plus cette belle famille qui la déteste… Ce livre, très fort, a bousculé la mère en moi mais il a aussi le talent de ne pas nous laisser tranquille, de nous tenir en haleine, de nous malmener jusqu'au dénouement final, qui sidère. Et quelle écriture magnifique ! Un livre très fort donc, que j'ai dévoré.
Lien : https://leslecturesdantigone..
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On a toutes en nous quelque chose de Brune.
Brune est Juge d'instruction, son métier consiste à « chercher sans relâche à ce que soient découverts, désignés et condamnés des coupables pour les drames. Mais les accidents n'ont pas de bourreaux à faire monter sur l'échafaud » (…) « les drames peuvent survenir à tout moment. Nul n'est à l'abri, jamais. Nul ne peut compter sur le fait que les tragédies se construisent tranquillement, ont des fondements qui les nourrissent jusqu'à leur éclosion. Il est impossible de se préparer. le pire n'a besoin de rien d'autre que d'advenir. »
Brune est également mère de deux enfants, Hilde, 8 ans et Garnier, 4 ans. « Elle voulait qu'ils sachent ce qu'il faut faire, qu'ils ne redoutent pas ce qu'ils ignorent. Elle voulait leur apprendre à être imaginatifs, confiants, volontaires. Elle voulait leur transmettre de quoi se débrouiller. Les tutorer sans craindre de les lâcher. Elle voulait être une mère formidable, présente et fantomatique. Là quand il faut. Elle pouvait. Peut-être qu'elle pouvait. C'était sa mission après tout. Une grande, une très grande responsabilité.... La meilleure. Légère, patiente, pédagogue. »
Quand on devient maman, on en prend pour perpétuité… « Même quand ils n'étaient pas là, ils étaient là. Ses enfants étaient nés pour toujours. Ils existaient. Elle ne pourrait plus jamais les soustraire à sa vie ». On rêve toutes d'être la mère « parfaite », de ne jamais faillir dans notre mission. On a porté nos enfants pendant 9 mois mais on les porte en fait toute notre vie, ils occupent nos pensées, on s'inquiète, on a envie qu'ils soient heureux, qu'ils réussissent dans leur vie et qu'au grand jamais il ne leur arrive malheur.
L'autrice nous plonge dans la tête de Brune, dans ses pensées les plus intimes parfois effrayantes. Brune est un condensé de toutes les mères, elle exprime toutes les pensées, même les plus tabous, qui peuvent venir à l'esprit des mamans. On sent bien que Brune est en équilibre précaire sur un fil, comme un funambule, tentant de tout mener à bien, tant sa vie professionnelle que sa vie familiale, assaillie de sombres pensées qui nous font flipper sur ce qui pourrait se passer. On ressent bien que ce weekend aux Bordes va être une épreuve à l'issue incertaine. Entre la haine palpable de ses beaux-parents, l'insolence de sa fille et la passivité du mari, on tremble pout la suite. La tension qui se distille progressivement est angoissante mais tellement addictive qu'il est impossible de fermer ce roman. On savoure les mots, les phrases courtes qui percutent, sans aucun répit, on s'en prend plein la tête mais qu'est-ce que c'était bon.
L'autrice m'a capturée avec sa plume si belle, son style percutant, fort, je me suis retrouvée dans Brune, certaines de ses pensées faisant écho aux miennes, certaines de ses angoisses étant mes angoisses, je l'ai aimée dès les premières pages et l'accompagner pendant ce weekend dans sa belle-famille a été un pur moment de bonheur livresque. Les émotions ressenties sont intenses et cette lecture restera très longtemps dans mes excellents souvenirs de lecture.

Lien : http://souvenirsdelecture.fr..
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