Une lecture à ne pas mettre entre toutes les mains et pourtant quelle lecture et quelle découverte me concernant que celle d'@
Elfriede Jelinek.
Le thème de la castration maternelle a souvent été abordé en littérature avec plus ou moins de succès, il faut dire que le sujet est difficile et que le risque de s'y casser les dents en n'emportant pas son lecteur est assez grand. J'avais pour ma part beaucoup ri aux tribulations d'Alexander Portnoy dans le roman de @Roth qui égratignait la mère castratrice juive de son héros.
Mais ici pas de franche partie de rigolade,
Jelinek tranche dans le vif, utilise des phrases tranchantes et nous plonge au coeur des névroses perverses d'Erika qui après avoir tutoyé des rêves de gloire est devenue une sinistre professeure de pianos incapable de montrer ses émotions, convaincue de sa supériorité.
"Au fil des ans Erika finit par surpasser sa mère en matière de condescendance. Peu importent ces amateurs, maman, leur jugement manque de finesse et leur sensibilité de maturité, dans ma profession, seul comptent les spécialistes."
Comment une femme d'à peine 40 ans peut-elle arriver à un désert social et amoureux aussi gigantesque ?
C'est là qu'intervient la mère qui dès la naissance a enfermé Erika dans un bunker familial où même la figure paternelle a vite disparue, relèguée au fin fond d'un hopital psychiatrique sordide. Les cours et les concours de piano ont été les seules activités autorisées par cette mère ; Pas de trotinette : trop dangereux ; Pas d'ami(e)s ou de jeux : inutiles ; Pas d'amoureux : ils ne mérite pas sa fille, uniquement son mépris.
Alors Erika après avoir eu quelques amants à la sauvette s'est enfermée dans cette routine monacale, ne s'en extirpant que pour des escapades furtives dans les bois où elle se livre à des actes de voyeurisme, se donnant un peu d'air en soulevant un peu la soupape de sa perversité. Furtives car la mère est derrière la porte de l'appartement à attendre le retour d'Erika, calculant l'heure à laquelle sa fille doit être rentrée après ses leçons de piano puis toutes deux regardent la télévision avant de partager le même lit comme un vieux couple dont la monotonie n'est perturbée que par de violentes disputes qui se terminent en déclarations d'amour.
L'intérêt qu'elle suscite chez Walter le jeune étudiant en musique éveille chez elle une envie de succomber au désir mais sera t-il capable de la comprendre, de jouer aux jeux dangereux qu'Erika lui propose ?
Un roman d'une noirceur implacable, ici pas d'espoir, le pessimisme est la règle inaliénable, l'histoire est malsaine, glauque mais l'immense talent de
Jelinek m'aspire dans le gouffre de la perversion. Je suis Erika, je ressens les lames de rasoirs. Les coups de couteau assénées par
Jelinek font mouche, j'oscille entre fascination et révulsion et je ressors admiratif de la plume exceptionnelle de cette auteure récompensée à juste titre du Nobel de littérature après la parution de ce roman.
Challenge Nobel
Pioche dans ma PAL