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La Porte de Cristal poursuit la trame du tome précédent. Je vais éviter de vous donner les éléments clés du roman précédent (et évidemment de celui-ci). Essun est à la recherche de sa fille, enlevée par son meurtrier de père qui, sous le coup de la surprise, tua leur fils en découvrant sa nature d'orogéne.

Les orogénes sont les sorciers du Fixe, ils ressentent secousses, mouvements de terrain et points chauds. Non seulement ils y sont sensibles mais ils possèdent la capacité de puiser cette énergie pour la transformer : atténuer, voire gommer, des secousses, ou geler le carreau d'une arbalète mais aussi transférer au sol leurs humeurs les plus sombres et les plus colériques, transformant leur don en calamité – ou les personnes proches en glaçon authentique – ou en diamant brut.

Après tout, ce n'est qu'une transformation de l'énergie par la voie calorique et la pression…

Or, les orogénes sont des êtres qui attire au mieux l'indifférence, au pire, un haine débordante. AInsi quand le paternel s'est aperç que son rejeton faisait partie de cette catégorie honnie, il l'occit en deux coups de poings, puis réalisant que sa compagne en était certainement, il prit la poudre d'escampette… avant d'avoir la confirmation que leur fille était touchée par la même tare.

Essun s'est donc lancée à leur poursuite, avec le double but de protéger sa fille et de punir le père.

Chemin faisant, La 5° Saison étend son empreinte, flétrissant la flore, étouffant le faune. Notre mère déterminée s'associent au garçonnet Hoa et à Tonkee qu'elle rencontre sur le bord de la route. C'est grâce au « jeune mangeur » de pierre (Hoa) qu'elle parvient à suivre la trace de sa fille, jusqu'à la comm de Castrima où la piste s'interrompt.

Cette comm est particulière; alors que les orogénes sont persona non gratta ailleurs lors des Saisons, cette communauté les accueille. Il faut préciser que leur chef, est une orogéne acceptée dans la région. Ce rassemblement est un impératif pour survivre lors de ces hivers apocalyptiques. Toutefois, l'exercice exige expertise et doigté, car il faut parvenir à une gestion optimale des ressources et concilier les égos. Et l'arrivée d'Essun va perturber le fragile équilibre.

Et, périodes délicates obligent, la barbarie refait surface (si nous croyons qu'elle est éliminée de nos jours…), les comm doivent se protéger des pillages ou des attaques de seigneurs de guerre prompt à ravie des esclaves et des ressources. Ainsi, Castrima se retrouvera-t-elle dans une situation très périlleuse, corsant la tension existante, et renforçant le suspens. L'ambiance a quelque chose de Mad Max ou du Facteur de David Brin dans ces affrontements meurtriers et ces attitudes dénuées de la moindre compassion. Les amateurs de dystopie, de mondes post-apocalyptiques vont se régaler car NK Jemisin dresse un tableau tout en cohérence et vraisemblance, avec une impression de danger et d'équilibre précaire de tous les instants.

Les effets du séisme gigantesque et du volcanisme qui s'ensuit sont dépeints avec une justesse scientifique. Ce n'est pas TOUT le Fixe qui est brutalement touché de manière uniforme. Les conséquences s'étendent de jour en jour, alors que la destruction totale se concentre bien que sur Lumen. le séisme a certes détruit toute une zone, mais les dégâts s'amenuise plus Essun s'écartant de l'épicentre. A l'extrémité du continent, le climat n'est initialement pas modifié, ce n'est que peu à peu que la cendre vient se déposer, emportée par le vent.

Les plantes meurent, les animaux également, mais d'autres espèces opportunes font leur apparition, et je peux vous dire que cela glace le sang bouillir d'impatience…

J'ai beaucoup apprécié cette lecture, haletante, addictive. le tome introductif m'avait franchement séduite avec cette science-fantasy qui proposait enfin autre chose dans le domaine de la dystopie et de l'apocalyptique. La Porte de Cristal me frappe sans doute moins, la découverte première passée, mais offre un excellent moment dans le Fixe, notamment avec ce jeu double, les effleurements entre mère et fille.

Les thématiques exposées sont chères à l'auteur : secte/dogme, discrimination, intolérance, génocide, l'utilisation d'enfant dans la guerre.

Critique bien plus complète sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2018/1..
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Seule bonne nouvelle avec ce tome 2, pas besoin de dépenser mon argent pour le tome 3 !
Alors si vous voulez tout de même découvrir les aventures de maman chez les troglodytes et de sa fille Nassun chez le psy :

Nous avions quitté nos protagonistes devant LA révélation, la Cinquième Saison pointe dès lors le bout de son nuage de poussières toxiques. Alors qu'Essun remuait ciel et terre dans le tome 1 pour retrouver sa fille enlevée par son mari meurtrier de leur fils (oui, ça parait compliqué mais ça ne l'est pas : papa tue son fils et se barre avec sa fille. Maman veut retrouver sa fille, et par la même son mari pour avoir avec ce dernier une petite discussion que l'on se doute être assez virulente, voir violente). Donc Essun, après des milliers de kilomètres parcourus la rage au ventre, décide de se reposer dans une petite communauté troglodyte. (Qui pourrait lui en vouloir en cette période sombre, à part sa fille ?) Ici, elle et son espèce, les orogènes, sont bien vus et accueillis les bras ouverts, alors pourquoi allez tenter le diable en affrontant une saison pour retrouver son meurtrier de mari alors qu'il est peut être clamsé depuis des mois et sa fille avec lui. Un peu de repos ne peut pas faire de mal, surtout en compagnie de son vieil ami et amant Albatre. Essun se sédentarise, une conversation amicale au coin du feu avec un mangeur de pierre à ses pieds, c'est tout de même la belle vie.

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que son mari et sa fille ne sont pas morts ! Papa ayant une vision assez restrictive de ce que doit être et faire un enfant (il ne faut pas transformer en glaçon ses camarades, il ne faut pas transformer en glaçon ses camarades,...), il décide d'envoyer sa fille dans un centre de réadaptation. Les orogènes, c'est comme les homosexuels (dixit notre gentil et humaniste pape), un bon psychiatre et ça repart ! Mais existe t-il seulement un bon psy ? Ne sont-ils pas tous des pervers cachés comme les religieux ? (mais je m'égare...)

Nous allons donc suivre les aventures de maman chez les troglodytes et de Nassun chez le psy. Présenté comme cela, ce n'est pas très vendeur, donc Jemisin va vous parler un peu plus des Gardiens, des Mangeurs de pierre et des Obélisques. de cette manière, l'aventure n'avance pas, et le lecteur s'impatiente fortement, mais cela permet de faire une trilogie.
L'histoire de Maman chez les troglodytes est tout ce qui est de plus connu des amateurs de post apo : une communauté fermée qui va s'entredéchirer. Et comme seul envie de continuer, pourquoi Albâtre a fait ce qu'il a fait. Bref, c'est assez mince et long pour avoir l'info.
L'histoire de Nassun chez le psy est aussi convenue : papa ne m'aime pas, maman ne m'aime pas, personne ne m'aime : VENGEANCE. Et l'étrange impression que tout cela finira par un tome 3 en forme de : "Essun, je suis ta fille". (à lire avec la voix de Dark Vador en tête)

Bref, ce fût long, très long. La seule qualité que j'y ai vu est sur le style : j'avais trouvé cela assez pompeux sur le tome 1, cela est mieux passé sur le tome 2, soit car je l'ai lu à la suite de l'autre et je commençais péniblement à m'y faire, soit car je me désintéressais de plus en plus de cette histoire. Et la question primordiale qui demeure lorsque le mot Fin apparait : comment ai-je pu lire ce roman jusqu'au bout ? Soit je suis un peu pervers (mais je ne suis ni psy, ni prêtre !), soit Jemisin sait, un peu, légèrement, tenir une intrigue !
Inutile de vous dire que je me suis ennuyé ferme et que je me contrefous de la suite des aventures de nos protagonistes, les cieux se transformeront en pierre sans moi, pas l'envie d'être pétrifié par cette longue et ennuyeuse histoire.
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Et la passe de deux... Après avoir remporté le prix Hugo pour le premier tome, NK Jemisin, l'auteure, double la mise avec ce deuxième opus.

Nous retrouvons notre héroïne, peu aimable, dépressive, au sein d'une communauté où humains et orogènes s'entraident pour essayer de survivre à la cinquième saison, possiblement la dernière.

NK Jemisin explore et approfondit son univers et livre quelques explications sur les Obélisques, immenses (mais vraiment immenses) qui flottent dans le ciel, les mangepierres, statues organiques, autrefois humaines (?) qui surgissent et disparaissent dans la terre.

Comme pour le premier tome, il faut accepter la narration éclatée de NK Jemisin qui alterne les points de vue et les rebondissements. Une fois fait, force est de constater que NK Jemisin, plume de rien, propose une fantasy inédite, un mix improbable de post apopo dépressif genre LA ROUTE et une épopée plus traditionnelle avec une magie omniprésente et omnipotente, catalyse de cataclysme terminal.

Sans le bestiaire qui encombre parfois la fantasy conventionnelle, NK Jesimin déploie une fresque parfois grandiloquente, parfois intimiste, familiale, d'un féminisme assumé, toujours originale.

J'ai lu ci et là que cette trilogie était glauque et qu'elle ne témoignait pas d'un sens de la fraternité et de l'entraide bien poussé. Bon... A part le fait que les feel good book ne manquent pas (une astuce : on les reconnait souvent à leur titre à rallonge, genre "j'aime boire du café en pelant des patates pendant que des écureuils aux yeux jaune gambadent autour de moi sur la pelouse d'un magasin Ikéa"), je trouve ce reproche injuste. Il y a une solidarité qui s'installe, chaotiquement, difficilement, mais elle est là. Surtout, finalement, ces deux premiers tomes parlent avant tout d'une chose... L'amour.

Un prix Hugo mérité donc. Un prix décerné par les lecteurs, faut-il le préciser. Cela nous change des croulant bavotant qui priment sur la digestion post cointreau.
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Il existe un cliché qui veut qu'en fantasy, les deuxièmes tomes de trilogies soient toujours les moins bons, parce qu'ils font office de transition entre le début et la fin d'un cycle. Laissez-moi vous dire que ce cliché est totalement faux dans le cas de la Porte de cristal, qui selon moi, est tout aussi bon que La Cinquième Saison et mérite tout autant son prix Hugo. N. K. Jemisin nous donne certaines des clés de compréhension de son univers tout en prenant soin de poser de nouvelles énigmes et de probablement nous piéger. Elle aborde également des thématiques sensibles telles que l'humanité et ce qui la définit, ainsi que l'idéologie des structures dominantes, avec des nuances de réflexion et de propos qui donnent de la profondeur à son récit.
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Cette fois, c'est la bonne ! Une Saison frappe le continent et la vie se complique peu à peu pour tous les êtres vivants, dans une ambiance apocalyptique. On retrouve donc Essun, l'héroïne, qui va dans ce tome faire du surplace. elle va en effet suspendre la recherche de sa fille et se fixer dans la communauté qui l'a accueillie et qui permet une fragile cohabitation entre humains « normaux » et origènes. Et surtout essayer de découvrir les secrets des obélisques auprès de son ancien amant, responsable de la catastrophe en cours et bien peu prolixe.

De son côté, sa fille, Nassun, qui a été enlevée par son père, vit un relation amour/haine avec le géniteur infanticide qui a tué son fils et est animé de pulsions ambivalentes envers sa fille, qu'il voit le plus souvent comme son enfant mais aussi régulièrement comme un monstre à éliminer. Nassun va trouver de l'aide et une forme d'enseignement auprès d'une ancienne connaissance (trouble) du passé de sa mère…

J'ai eu un peu de mal à me remettre dans la narration assez particulière de Jeminsin, et me suis parfois un peu ennuyé dans ce tome qui fleure trop la transition. Il n'y a bien sûr plus d'effet de découverte ou de surprise lié au monde et à la forme particulière de magie tellurique. du coup j'ai ressenti la volonté de faire traîner les choses, avec cette « formation » entre le mentor et l'élève distillée à toutes petites gouttes, et carrément frustrante, Albâtre étant tête à claques au possible. Ou le sentiment que le schéma global du récit n'avançait pas assez. J'attends maintenant la conclusion en espérant qu'elle va retrouver le souffle et l'intérêt du premier tome.
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« Vous secouez la tête. « Arrête, Albâtre. A t'entendre, on dirait que la planète est réelle. Vivante. Consciente. Mais les histoires du Père Terre n'existent que pour expliquer ce qui ne va pas dans le monde. Comme les sectes bizarres dont on entend parler de temps en temps. Il y en a une dont les membres demandent tous les soirs à un vieillard dans le ciel de veiller sur eux, quand ils vont se coucher. Les gens ont besoin de croire que l'univers ne se limite pas à ce qu'il est. »
C'est-à-dire de la merde. Vous le savez maintenant, après la mort de deux de vos enfants et la destruction répétée de votre existence. Pourquoi s'imaginer la planète telle une force mauvaise, en quête de vengeance ? C'est juste un caillou. C'est juste la vie : horrible, brève, menant au néant – avec de la chance. »
---
Ma lecture du premier tome date de six mois et si c'est un laps de temps relativement court, le nombre de lectures qui se sont intercalées fait qu'en débutant ce deuxième tome je craignais de ne pas suffisamment me souvenir des détails, nombreux, pour affronter sereinement la suite. Mais s'il est inenvisageable d'aborder cette trilogie dans le désordre, point n'est-il besoin d'avoir en tête les choses très précisément, tant l'univers créé se suffit à lui-même. On s'intéresse à Essun, qui vit maintenant par la force des choses à Castrima, et à sa fille qui a elle aussi trouvé refuge dans un abri qui va lui apprendre beaucoup. Toutes deux détentrices d'un pouvoir leur attirant des ennemis très dangereux, elles apprennent à le maîtriser et surtout à le partager… Lente préparation à leurs retrouvailles qui s'annoncent explosives, ces quatre cent trente quatre pages se lisent à toute allure et brassent des thèmes qui vont bien au-delà du genre (pas très bien défini, par ailleurs; autant SF que Fantasy qu'écologie que psychologie que suspens !), et on comprend très bien l'obtention d'un deuxième prix Hugo. Transposable de bien des manières à nos vies très quotidiennes, le roman ne nous permet pas moins une évasion aussi bien dans le temps que dans l'espace. Tenter de se représenter une cité de cristal enterrée, des sangsues bouillantes et volantes, la perspective d'une famine sans issue, tout concourt à un sentiment d'urgence oppressant qui paradoxalement n'éteint jamais tout à fait la lueur d'espoir. Bien fichu, bien mené, bien traduit, ce deuxième tome appelle le troisième, vite, viiiiite !
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Presque aussi bon que La cinquième saison

Lu en VO en raison du prix très élevé de la version électronique française (87 % de la version physique, à comparer avec les 45-50 % pratiqués par Bragelonne et l'Atalante).

La porte de cristal est le second tome de la trilogie Les livres de la Terre fracturée, après La cinquième saison. Comme son prédécesseur, il a obtenu le prix Hugo, et deux consécutifs pour un même auteur, deux années successives et pour les bouquins d'un même cycle, ça n'arrive tout de même pas tous les quatre matins. Et quand on sait que le tome 3 est également nominé cette année… Même si ce deuxième opus, donc, a été couronné à l'égal du premier, on peut tout de même légitimement se demander s'il est du même niveau de qualité (le tome intermédiaire d'une trilogie étant rarement à la hauteur des deux autres). La réponse est, de mon point de vue, oui, ce qui est d'autant plus remarquable que cette fois, l'auteure ne bénéficie pas de l'effet de surprise, puisque nous connaissons déjà l'univers, qui, à mon sens, constituait un des points forts (mais pas le seul et peut-être pas le principal) de la cinquième saison.

Attention : si vous n'avez pas encore lu le tome 1, il est possible que ce qui suit contienne des spoilers sur l'intrigue de ce dernier.

Situation, structure, personnages

Nous allons, cette fois encore, suivre trois personnages, deux de façon majoritaire, et le troisième essentiellement par les yeux d'un des deux premiers. le point de vue minoritaire est celui du Gardien Schaffa, qui, suite aux événements du tome 1, n'est plus tout à fait le même, et les deux majeurs sont ceux d'Essun, d'une part, et de sa fille Nassun, d'autre part.

Alors qu'une cinquième saison vient de se déclencher (suite aux actions de vous-savez-qui), et que, d'après Essun, elle durera dix-mille ans, notre héroïne s'installe à Castrima, la comm souterraine abritée dans une géode géante dont les systèmes de ventilation, d'éclairage ou de plomberie sont alimentés par l'orogénie, et dont la simple survie dépend d'une zone de calme sismique impulsée par les orogènes. Dans une civilisation où ces derniers sont tués dès que leur nature est découverte par les Fixes, Castrima fait donc figure d'exception, d'utopie, dont on verra qu'elle se révélera plus théorique ou metastable que réelle et pérenne. C'est une inversion des archétypes installés dans le tome 1 : ici, les Orogènes ne veulent pas quitter les Fixes, fuir ailleurs à la première occasion. Et plus on va avancer dans le roman, et plus Essun va assumer un rôle de leader, des orogènes d'abord, mais pas que.

Pendant les trois premiers quarts, en gros, Essun va cependant se faire en partie voler la vedette par sa fille, Nassun, dont on découvre l'odyssée aux côtés de son père, après qu'il ait massacré son petit frère en découvrant que c'était un Orogène. Il va ensuite la conduire dans une lointaine comm antarctique, où se trouveraient des gens capables de supprimer l'orogénie. La jeune fille (nous la suivons de 9 à 11 ans) se révèle très intéressante, notamment dans la façon dont elle est tiraillée entre ses sentiments pour ses parents et les nécessités de la survie en tant qu'Orogène en pleine Saison, et aux mains de quelqu'un (son propre père) prompt à tuer les personnes dans son genre.

L'évolution d'Essun est, dans un genre différent, également très intéressante : n'étant plus focalisée sur la traque de sa fille, dont elle a perdu la trace, elle s'implique dans la vie politique de sa comm d'adoption, devenant la figure de proue des orogènes. A cette occasion, pour défendre son « peuple », elle montrera un côté encore plus déterminé et impitoyable que celui qu'on lui connaissait déjà, se transformant en quasi-dictateur à deux doigts de régner par la terreur et le meurtre, un peu dans une perspective mais vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde… 😀

Signalons que les flashbacks sont minoritaires (un chapitre pour Schaffa, un ou deux pour Nassun, de mémoire, dont un qui nous explique pourquoi Jija a tué son fils mais épargné sa fille), et que l'intrigue s'étend sur quelque chose comme deux ans. Et bien sûr, qui dit moins d'aller-retours entre points de vue et temporalités dit roman plus simple et fluide à lire.

On retrouve aussi d'autres personnages issus du tome précédent (Tonkee, Hoa, Antimoine, Albâtre, Schaffa, etc), ainsi que de nouveaux qui font leur apparition dans celui-ci.

Genre et world- / magic-building

Malgré le fait que N.K. Jemisin présentait le tome 1 comme une oeuvre de Fantasy, à la lecture, on avait plus l'impression d'être au minimum dans de la science-fantasy, et peut-être même de la SF post-apocalyptique déguisée. de plus, les facultés des orogènes semblaient relever au moins autant d'un pouvoir type super-héroïque que de sorcellerie classique, ce qui fait qu'il était difficile de se faire une idée.

Ce tome 2 apporte plus de réponses, parle explicitement de magie en parallèle de l'Orogénie, clarifie la nature des Obélisques, celle des Gardiens (qui sont au centre de l'intrigue, et c'est tout ce que je dirais à ce sujet), des Mangeurs de pierre, explique l'absence de Lune dans le ciel, les causes des saisons, nous montre un faible aperçu de civilisations très anciennes, bref répond à pas mal de questions. Sauf que… d'une part les réponses apportées entraînent bien plus de nouvelles interrogations que celles qu'elles résolvent, et que je me demande dans quelle mesure certaines révélations ou explications sont fiables, et dans quelle mesure l'auteure ne cherche pas à nous mener en bateau pour mieux nous surprendre dans le tome 3.

Intrigue, thématiques

Les deux points de vue principaux sont assez opposés : alors qu'Essun est statique (elle ne bouge pas de Castrima de tout le bouquin), Nassun va parcourir tout le chemin de Tirimo, sa comm natale, jusqu'à une comm antarctique. Les deux vont cependant devoir faire face au racisme anti-orogènes, développer de nouveaux et spectaculaires pouvoirs et, à la fin, faire preuve d'une résolution sans faille, sanglante et impitoyable dans le but d'atteindre leurs objectifs.

Si le racisme reste au centre des thématiques, il est aussi rejoint par le coming-out et la façon de coexister avec des gens qui méprisent tout ce que vous êtes : Jija considère que l'Orogénie de sa fille est une maladie, dont il recherche le traitement sur la moitié d'un super-continent de la taille de la Pangée. Dans un miroir du coming-out d'un homosexuel ou d'une personne atteinte du SIDA, il n'accepte pas sa nature ou son état, allant même jusqu'à recourir à la violence contre la chair de sa chair. Une phrase est très significative : il déclare « je veux retrouver ma petite fille », ce à quoi, craignant les coups, voire la mort, Nassun se garde bien de répondre à haute voix, mais pense pourtant « je ne suis allée nulle part ». Traduction : l'orogénie fait partie de moi, que tu le veuilles ou non, et le fait que tu la conçoives comme une abomination n'enlève rien au fait que je suis ta fille et toujours la même personne que tu as autrefois aimée. Mais le dégoût n'est pas le seul facteur qui entre en compte : j'avais déjà relevé des convergences avec le traitement des Mutants chez Marvel, mais là aussi, c'est la peur du père des pouvoirs de son enfant qui l'empêche de l'aimer.

La dynamique de la façon dont Nassun considère ses parents est d'ailleurs fascinante : elle déteste, au début, sa mère pour sa dureté, voire ce qu'elle perçoit comme de la cruauté, mais idolâtre son père, malgré les regards ou actes meurtriers qu'il est susceptible de lui jeter à la figure du simple fait de sa nature d'orogène, bref quelque chose qu'elle n'a pas choisi et qui n'est pas sous son contrôle. Et plus le livre avance, plus elle est conduite à reconsidérer ces paradigmes, notamment lorsqu'elle considère son mentor dans la comm antarctique comme un père de substitution l'aimant bien plus sincèrement, pour ce qu'elle est et pas ce qu'il voudrait qu'elle soit (ou pas), tout ce qu'elle est, que son véritable géniteur. Un Jija qui, d'ailleurs, présente lui aussi une évolution psychologique, schizophrénique, même, fascinante.

Si le survivalisme était déjà bien présent dans La cinquième saison, il passe ici une vitesse de plus : la saison est bel et bien là, et la Loi saisonnière est appliquée sans états d'âme. Celui qui ne veut pas participer aux travaux nécessaires à la vie de la communauté, ou qui sabote les installations vitales de celle-ci, est puni sans pitié. On ne peut pas, de plus, être enceinte sans permission, car un bébé met des années à être d'une quelconque utilité à la communauté, un temps pendant lequel il consomme, au contraire, des ressources vitales pour des éléments productifs. Si la viande vient à manquer, le cannibalisme sera pratiqué parce que c'est nécessaire. Il est vraiment fascinant de voir à quelles extrémités ces comms sont prêtes à aller pour assurer la survie d'un fragment de race humaine alors que les pluies acides tombent, que le ciel est d'un gris incessant torpillant la photosynthèse, alors que les changements climatiques et géophysiques catalysent des transformations meurtrières chez certains animaux, alors qu'un nouvel empire Sanze pille les ressources de toutes les comms trop faibles pour résister à des armées fortes de centaines de soldats qui, de plus, pratiquent un impitoyable eugénisme. Un comportement qui se conjugue donc à l'impérialisme d'une cité mineure soudain propulsée sur le devant de la scène historique par les actions du responsable de la saison en cours.

Et c'est d'ailleurs là un des autres thèmes majeurs du livre : l'eugénisme est présent à de multiples niveaux, qu'il s'agisse de celui pratiqué par les Gardiens, par les Fixes contre les Orogènes, par les Sanze contre ceux qui n'ont pas leur phénotype, par certains Mangeurs de pierre contre les humains.

Via l'entraînement qu'Albâtre fait subir à Essun, on aborde aussi la thématique de l'endoctrinement (du Fulcrum, ici), du formatage de la vision du monde conforme à une doctrine mais qui, du coup, prive une personne de tout un pan d'une réalité bien plus riche, complexe.

Bref, nous avons là encore affaire à un roman qui est non seulement riche, mais qui, plus encore, est subtil dans sa façon de traiter les nombreuses et profondes questions de société abordées.

Globalement, je l'ai trouvé un tout petit peu moins prenant que son prédécesseur, dont la construction narrative très habile participait à l'intérêt. sans compter celui de la découverte d'un monde à la fois assez original et très minutieusement et astucieusement construit. Je dirais aussi que l'empathie est, à partir d'un certain point, moins forte pour Nassun, voire Essun, qu'elle ne l'était pour le trio de protagonistes dans le roman précédent. Toutefois, globalement, ce tome 2 est aussi intéressant, que ce soit sur le plan des réponses apportées sur le world-/magic-building, sur l'exploitation des thématiques ou même sur le plan de l'action et de la pyrotechnie. S'il n'y a pas à proprement parler de cliffhanger, certaines révélations nous font entrevoir un tome 3 passionnant, où la mère et la fille vont se retrouver alors qu'une grande absente va faire son spectaculaire retour.
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En Résumé : J'ai passé un très bon moment de lecture avec la suite de ce cycle, malgré le fait que je l'ai trouvé un peu moins prenant que le premier. Oh rien de très dérangeant, mais il subit un peu la malédiction du tome deux, avec sur certains aspects un sentiment attentiste peut-être un chouïa trop poussé. Cela n'empêche pas pour autant l'univers de gagner en densité et intérêts, les fils rouges commencent à se révéler, les camps à se dévoiler ainsi que les buts de chacun. le monde dévoilé continue à jouer, je trouve, avec les genres et les lecteurs , mais surtout il continue à nous faire réfléchir sur de nombreux points que ce soit dans la façon dont nous voyons notre terre, mais aussi sur le rejet des différences principalement à travers la narration sur Nassun qui ne laisse pas indifférente. Concernant les personnages ils continuent à se développer à se densifier et l'arrivée des nouveaux protagonistes principaux vient apporter quelque-chose de neuf. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste et leur diversité vient aussi apporter un plus à l'ensemble. Les héros vont devoir faire des choix dures, dans un univers sombre et sans pitié et on se retrouve facilement happé par ce récit. Au final même si sur certains aspects le côté attentiste se fait ressentir, ce second tome m'a tout de même fait passé un très bon moment de lecture bien porté par une plume efficace, soignée et entraînante. Je lirai la suite, qui sortira en VO le 15 août 2017, avec grand plaisir.


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
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