1991.Alors que le narrateur, "en pleine irresponsabilité professionnelle", se la coule douce sous la couette avec sa tendre et chère, et s'abreuve de télé ou d'autre chose non stop entre deux ébats, il neige sur Lyon, l'Irak est à feu et à sang et l'armée occidentale s'ébranle.
La guerre du Golfe s'annonce comme un début de troisième guerre mondiale.
Et, lui, dessinateur de pub largué par sa boite,scotché à son écran ou au ventre de sa copine, file du mauvais coton.
Voilà l'état d'esprit dans lequel il croise Victorien Salagnon,un ancien d'Indochine "au regard d'acier",qui "ne porte ni émotion,ni profondeur". Rencontre dans un café, puis en bord de Saone où l'officier parachutiste vend ses encres de Chine. Ce dernier peint et va donner des cours à son cadet.
Alexis Jenni,dont L'art de la guerre est le premier roman(un pavé de 633 pages!!!) va alors alterner les chapitres quotidien du narrateur des années 90 et explosion de violence de la jeunesse française avec le passé du militaire qui, à 17 ans, avait honte de la stupidité de sa vie!!!
Guerre de 20 ans, de 1942 à 1962.
France libre et résistance, Indo, djebel et Algérie, un peu de taule et puis plus rien depuis.Enfin si,sa vie avec la belle Eurycide Koloyannis, "une judéo-grecque de Bab-el oued" ramenée de l'enfer,qu'il aime.
Confidences choc du para sur "le bonheur de tirer", la peur,la sueur et le sang du "là bas où on laisse sa peau",l'Indochine mêlée de sale et de boue du delta, les têtes coupées des viets sur les bambous pour apeurer l'ennemi,l'espérance de vie des officiers français qui ne dépassait pas un mois,l'amitié avec Mariani qui l'a brancardé,"Tonkin perdu dans le vide mais à l'horizon étroit" puis,le "ratissage" des Arabes,les tortures en sous-sol pour faire lacher le morceau même aux innocents!!!
L'horreur balancée sur le papier pour dire:c'est de le folie,plus jamais ça, où va-t-on?
Constat désabusé d'
Alexis Jenni, dont le narrateur souffre "d'angine nationale", dont "Mariani", l'ami de Salagnon, redoute les immigrés et veut s'en débarasser à tout prix, constat d'un monde où "les gifles donnent la paix", constat du "corps social malade", constat des "policiers terrorisés" par les jeunes des cités(Vénissieux suite des incidents des Minguettes en 1981) et de la situation explosive, constat du racisme qui croit sous le joug de l'éradication.
Avons nous perdu, nous Français, toutes nos guerres?
Que sont nos soldats d(r)evenus? Manipulés? Cassés? Pourris?A qui la faute?
Sommes nous actuellement en pleine guerre civile occultée?
Chienlit,débacle?
Un excellent livre, bien que long-long-long pour moi qui ne suis pas trop "histoire"!
Ne vaut-il pas mieux peindre tout court que peindre comme Salagnon pour endiguer la folie en sublimant l'art de la guerre?
L'art de la guerre d'
Alexis Jenni, montre, dénonce la barbarie, car ainsi que le dit l'auteur "dire ne suffit pas,montrer est nécessaire", et secoue bien des poux. En tous cas il a été sélectionné pour le prix Goncourt 2011 et (à mon avis) de grandes portes s'ouvrent devant lui.