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Critique de Musa_aka_Cthulie


J'ai passé des années à chercher Machines infernales, que je me devais absolument de lire : il est au centre de la mythologie steampunk, puisque considéré comme l'un des trois romans fondateurs du genre dans les années quatre-vingt, avec Homunculus de James Blaylock (même s'il y confusion en ce qui concerne ce dernier roman, qui a été précédé par des nouvelles) et Les Voies d'Anubis de Tim Powers. Impossible de fiche la main dessus, j'ai tout essayé, écumé les toutes petites librairies comme les sites web d'occasion ; il y avait toujours quelque chose qui ne collait pas. Et enfin, enfin, je l'ai trouvé dans l'édition originale française (non, ce n'est pas un bel objet de valeur, rien qu'un vieux livre de poche qui a déjà bien vécu, donc inutile d'essayer de venir me cambrioler ; d'ailleurs je passe mon temps à faire le guet chez moi avec un lance-patate, tenez-vous le pour dit).


Je dois bien avouer que j'avais perdu un brin d'intérêt pour Machines infernales après avoir lu le Guide steampunk d'Étinenne Barillier et Arthur Morgan (que je recommande), tellement K.W. Jeter était insupportable de suffisance et de mépris dans son interview. Mais bon, quand l'occasion s'est offerte à moi d'acheter le roman pour pas grand-chose, cet argument fut balayé, parce qu'il-me-le-fallait. Il ne serait pas dit que j'avais fait les choses à moitié et laissé de côté 1/3 de la trilogie (qui n'en est pas du tout une) originelle steampunk. Il faudra tout de même m'expliquer pourquoi Bragelonne n'a pas réédité Machines infernales, alors que Homunculus et Les Voies d'Anubis l'ont été. Peut-être Jeter déteste-t-il son premier roman au point qu'il ne veuille plus en entendre parler, peut-être est-ce Bragelonne qui n'a pas une politique éditoriale très cohérente.


Venons-en au fait. Machines infernales, ou du moins la première partie du roman, est un hommage très réussi et truffé d'humour (qui eût cru que Jeter avait de l'humour ??? Pas moi !) à Lovecraft, notamment au Cauchemar d'Innsmouth - notez-bien qu'à l'époque, ça n'était pas à la mode comme maintenant, où on nous sort des yog-sototheries à toutes les sauces. Rien que l'incipit rappelle ceux de Lovecraft, avec son "Lecteur, si le nom de George Dower, résident de la commune londonienne de Clerkenwell, ne t'est pas familier, je t'adjure de ne pas lire plus avant." Et Jeter d'emmener avec lui son lecteur, qui forcément veut plonger derechef dans les méandres d'histoires sordides et scandaleuses, dans un monde étrange peuplé d'êtres mystérieux.


Le protagoniste se trouve être un parfait anti-héros, vivotant grâce à la boutique de son père (horloger et inventeur récemment décédé), et pas doué pour grand-chose - la fin révélera qu'il possède tout de même quelques talents cachés assez intéressants, dont il n'était pas conscient... Une rencontre avec un homme pas très ordinaire, une attaque et un cambriolage de la vieille boutique, une pièce de monnaie fort étrange, un dîner où il est question d'une poupée tout aussi étrange, et c'est parti pour une cascade de péripéties rocambolesques. Bas-fonds de Londres, village marécageux, Écosse peu accueillante, peuples de l'ombre, prostitution et autres types d'exploitation de pauvres gens, religion et hérésie, savants fous, auxquels vous ajouterez la présence d'un adorable chien (et encore, je ne vous dis pas tout) : tous les ingrédients d'un bon roman d'aventures sont réunis.


C'est drôle, c'est intriguant, c'est rythmé, et le plaisir qu'on a à suivre George Dower ne se dément guère, sauf, j'ai le regret de le dire, dans la dernière partie où les explications sur tel ou tel événement mettent un terme à la course-poursuite à laquelle est livré malgré lui le personnage principal. Jeter a manqué d'un peu de fantaisie quand Powers, lui, lâchait parfois un peu trop la bride de ce côté.


Au-delà de l'ambiance et des éléments propres au steampunk, c'est ce qui relève de l'hommage à Lovecraft qui est le plus réussi, avec toute l'instillation d'une ambiance glauque et extrêmement mystérieuse, mâtinée d'un humour propre à Jeter (car Lovecraft est rarement drôle, lui, c'est un fait).


Si vous avez la chance de tomber sur Machines infernales, n'hésitez donc pas : on passe un très bon moment à la suite de George Dower, à courir dans tous les sens pour échapper à moult dangers plus extravagants les uns que les autres (et là, je me rends compte que ça fait bien trop longtemps que je n'avais plus utilisé l'adjectif "extravagant", ce qui est en soi parfaitement extravagant).

Lien : https://musardises-en-depit-..
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