Une victoire comme celle-là lui permettrait de partir, auréolée de gloire.
Une vie, certes monotone, mais douillette de retraitée au quatrième étage d’un immeuble.
La loi n'est pas l'unique arbitre du Bien et du Mal. Parfois, il faut considérer les choses dans leur globalité.
__ Si quelqu'un me tuais, je préférerais nettement que l'enquête vous soit confiée.
Hulda ne sourit pas à cet humour noir.
Elle menaçait d'aller tout raconter à la police. J'ai essayé de l'en dissuader. Je devais l'arrêter, vous comprenez?
Qu'était-elle censée répondre? Allait-elle ruiner sa carrière le jour de sa retraite à cause d'un acte de bonté qui se transformait en retour de bâton?
Autant faire simple, tant qu'elle ne disposait pas de preuves suffisantes pour justifier sa démarche. Elle le titillerait un peu pour se faire une opinion sur le personnage.
Elle ressortit tout d’abord le dossier pour se rafraîchir la mémoire et se replonger dans les détails de l’affaire. Le corps de la jeune femme avait été trouvé par un sombre matin d’hiver, échoué dans une crique rocheuse à Vatnsleysuströnd, une parcelle côtière faiblement peuplée de la péninsule de Reykjanes, à trente kilomètres au sud de Reykjavik. Hulda n’y avait jamais mis les pieds, n’avait jamais eu de raison de le faire même si elle était souvent passée dans les environs pour se rendre à l’aéroport. C’était un coin désolé du pays, balayé par les vents. Les champs de lave sans aucune végétation offraient peu de refuges contre les tempêtes qui soufflaient fréquemment depuis l’Atlantique vers le sud-ouest de l’Islande.
— Comment m’avez-vous trouvée ? demanda la femme.
Sa voix tremblait. Son visage était livide.
L’inspectrice principale Hulda Hermannsdóttir sentit son intérêt redoubler. Rompue à ce petit jeu, elle s’attendait à susciter ce type de réactions — même quand les personnes qu’elle interrogeait n’avaient rien à se reprocher.
Il suffisait de mettre un pied dans le jardin pour se sentir immergé dans la nature. Avec la mer si proche, le vent soufflait beaucoup, il est vrai. Mais Hulda s'était toujours accrochée au vent frais de l'océan, aussi froid soit-il, comme une bouée de sauvetage. Elle fermait les yeux, debout sur le rivage, au pied de la maison, laissant son esprit se remplir des échos de la nature_ le fracas des vagues, le miaulement des goéland. Elle respirait, tout simplement.