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Critique de ValentinMo


Savez-vous ce qu'est un lycanthrope ? Plus connu en français sous le nom de loup-garou, il s'agit ni plus ni moins qu'un humain qui a la capacité de se transformer, partiellement ou complètement, en loup, ou en créature anthropomorphe proche du loup. Si le thème de la lycanthropie est devenu un sujet de fiction moderne fréquent, abondamment repris dans les oeuvres littéraires de l'imaginaire (fantastiques et fantasy) comme Twilight, Harry Potter ou encore l'oeuvre de J. R. R. Tolkien, il est à noter que le loup-garou était déjà une figure récurrente de la littérature classique et même médiévale, largement influencée par les textes grecs. Parmi ces oeuvres plus anciennes, on peut citer « le Scapin » de Molière qui se transforme en loup garou pour échapper aux pièges qui le menacent ou encore le roman « Un roi sans divertissement de Jean Giono », publié en 1947, où la figure du loup-garou est explicitement évoquée. La même année, Boris Vian raconte, dans « le Loup-garou », la vie d'un loup condamné à se transformer en homme lors des nuits de pleine lune. Parmi les oeuvres fantastique et d'horreur, on trouve également des loups-garous dans plusieurs romans de Stephen King, à commencer par « L'Année du loup-garou » où les apparitions de la bête coïncident avec les dates symboliques du calendrier américain (Independence Day, Thanksgiving). Stephen Graham Jones décide dans « Galeux » de prendre le contre-pied de ces histoires et d'en déconstruire, en grande partie, les habitudes et clichés.

Le narrateur – dont on ne connaitra jamais le nom – est un jeune garçon, élevé par sa tante Libby et son oncle Darren ; mère morte en couche, père inconnu au bataillon, et un grand-père qui se prétend être un loup-garou et conte des histoires toujours plus fantastiques à chaque fois... Des histoires qui, finalement, seraient peut-être vraies ?

À la mort de son grand-père, débute une vie d'errance pour les trois protagonistes. de ville en ville, année après année, ils sont à moitié nomades, observés par des regards méfiants, craintifs.

Le moindre faux-pas, la moindre suspicion de la part d'un voisin les oblige à faire leurs bagages et disparaître. Se faire oublier, pour mieux exister. Tous les trois, famille qui tient à peine debout, ils sillonnent les états du sud des États-Unis, à la recherche d'un semblant de stabilité.

Au fil des chapitres et des souvenirs du narrateur, on s'aperçoit que cette famille passe presque autant de temps à quatre pattes à courir la truffe au vent que sur ses deux jambes à trimer pour un peu de tranquillité et de liberté. Et que les histoires, les contes et les paraboles de son grand-père et de son oncle ne sont que des moyens de lui apprendre la survie quand on est un loup-garou dans la société moderne des humains. Pour le moment où il connaîtra sa première transformation, si jamais celle-ci survient un jour…

Le narrateur grandit à travers les chapitres, passe de l'enfance à l'adolescence, et pourtant, sa transformation tarde. Alors que ses 16 ans arrivent, moment fatidique dont son grand-père lui a parlé maintes et maintes fois, rien ne se passe. Alors le doute s'installe, le ronge : est-il vraiment un loup-garou, lui aussi ? Et s'il n'avait pas hérité de ce gène ?

« Galeux » diffère de la grande majorité des livres de l'imaginaire, bien qu'il s'inscrive parfaitement dans ce genre littéraire. Il s'agit avant tout d'un récit qui permet de plonger au coeur de la définition même de la différence. Être autre. le rejet, la survie, le combat quotidien qu'est celui d'exister dans un monde qui ne veut pas de nous, qui nous tolère à peine. À travers les yeux du protagoniste, c'est avant tout une façon de revisiter et réactualiser la figure du loup-garou, en s'éloignant des sentiers battus.
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Galeux réinvente l'image du loup-garou en l'humanisant, et en l'inscrivant dans un champ de problématiques sociales, mais aussi un texte très littéraire qui diffère sensiblement des autres écrits contemporains sur la lycanthropie.

L'idée du récit est davantage de raconter quelles sont les conséquences possibles de la transformation d'un humain en loup, et vice-versa.

Force est de constater que Stephen Graham Jones a une approche exhaustive du sujet et il aborde de nombreuses questions : quelle est la tenue vestimentaire la plus adaptée (forme et matière) pour supporter et permettre sans danger de tels changements de forme ? La transformation n'étant que partiellement contrôlée, quels sont les moments les plus dangereux ? Chacun de ces exemples, ainsi que l'anecdote qui l'accompagne, donne une touche surprenante de réalisme, mais est aussi vecteur d'humour tant certaines situations paraissent incongrues, burlesques ou pathétiques. L'interrogation la plus intéressante est celle qui tourne autour de la nourriture qui se retrouve subitement d'un estomac humain à un estomac de loup, ce qui n'est pas, au contraire même, la situation la plus périlleuse.

Malgré tout, le récit – bien que rempli de qualités indéniables – peine à passionner le lecteur. Chronique familiale et roman d'apprentissage sur un fond de fantastique, il y avait de quoi faire un grand roman américain mais arrivé à la moitié du récit, la trame narrative s'essouffle. Sur la durée (390 pages), cela se révèle un peu répétitif et ennuyeux.

Un ouvrage original et audacieux qui révolutionne le genre de la littérature de l'imaginaire par son postulat de base et une approche très littéraire. Pourtant, l'ensemble n'emporte pas l'adhésion du lecteur qui peine à se passionner pour le quotidien de ces personnages pourtant extraordinaires par bien des aspects.
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