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Maria Alberta Nunes Amado réside à l'Hôtel Paradis, transformé en maison de retraite. Elle regrette sa maison, là-bas, et se souvient des plantes, des livres, des voisins, de petites et grandes choses qui s'y sont déroulées !

L'état de ses mains l'empêche d'écrire plus que quelques mots et elle utilise un magnétophone pour relater ses journées, ses pensées, ses rêves et ses cauchemars mais aussi les événements et petites histoires de la maison de retraite. Ce témoignage va se dérouler sur un an et prendra fin en avril 2020 pendant la pandémie. C'est cette période que sa fille va retranscrire dans ce livre.

Nous découvrons Dona Alberti à travers sa perception d'elle-même et ses rapports aux autres, partagés en deux catégories “les fiables” et “les agresseurs” ! La nuit est la personnification de la Mort qui vient la voir quand elle ne dort pas et tente de l'attirer dans ses filets par des questions insidieuses. Chaque matin est une victoire, qui nous permet de profiter de l'attention qu'elle met dans chaque observation, chaque moment partagé avec ses compagnes de table, les soignantes ou sa fille !

Sa lucidité est redoutable et il est étonnant qu'elle soit restée “avec toute sa tête" à l'arrivée de la pandémie et pendant le confinement car aucune information ne leur a été donnée et le manque de personnel les a mis en grand danger. Il est étonnant de constater qu'elle était capable de dédramatiser certaines situations mais qu'elle grossissait jusqu'au conflit des faits mineurs racontés de sa fille.

Il est évident que l'autrice a dû remanier les paroles et les quelques écrits de sa mère, afin de pouvoir partager cette dernière année de vie avec ses hauts, ses bas et ses surprises !

Dona Alberti était une femme très étonnante, pas toujours sympathique, surtout avec sa fille, mais assurément intéressante et curieuse et il est rarement donné d'avoir accès à ce genre de propos ! Je ne peux que vous conseiller de le lire, il n'y a pas de misérabilisme et c'est une vraie ode à la vie.... jusqu'à la mort !!

#Misericordia #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023

Challenge Féminin 2022/2023
Challenge Entre Deux Thèmes 2023
Lecture Thématique septembre 2023 : Découverte auteur
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La vieillesse , une décrépitude sans fin, rarement heureuse vu l'état physique qui décline, est abordée dans ce très beau livre de l'écrivaine portugaise Lydia Jorge, par Maria Alberta une vieille dame chanceuse qui pu garder ses facultés mentales intactes. Favorisée par un tempérament qui veux trop, donne trop d'ordres, surtout à sa fille 😊, aime trop quelque chose hors de sa portée et quand il ne l'atteint pas, cherche désespérément à transformer ce qui existe de façon à rapprocher l'objet défectueux de la réalité inatteignable, Maria Alberta valorise l'enchantement , la connaissance, saisit les instants de bonheur comme des bouées de sauvetage…
Résultat , un livre qui brille de l'éclat de la vie, au contraire de nombre de livres très sombres sur le sujet, bilans de vie qui additionnent les faits d'une existence pour en tirer un trait, et mettre fin à l'addition . Maria Alberta qui vit dans une maison de retraite appelé Hôtel Paradis est directement inspirée de la figure réelle et concrète de la mère de l'écrivaine, qui lui demande d'écrire un livre intitulé Misericórdia, en en parlant tout au long de son séjour à l'Hotel Paradis, mais surtout le dernier jour comme un ordre où elles se verront pour la dernière fois sans qu'aucune des deux ne le sache . La fille au premier abord ne prend pas cette demande de la mère au sérieux jusqu'à ce que cette dernière finalement disparaissant , elle réalise que l'ordre était son testament. À partir de ce moment-là, partant d'un monde fictif elle essayera de raconter la réalité que vivait sa mère, s'appuyant sur la « transcription d'une archive audio » de presque quarante heures de « témoignages » de Maria Alberta Nunes Amado, enregistrés pendant un an quasiment jour pour jour entre avril 2018 et avril 2019 . Jorge précise « Bien entendu, il s'agit là d'une autre réalité, comme cela se produit dans la construction de toute oeuvre de fiction. Il m'est très difficile de démêler , il existe une zone de transfusion entre le vécu et le vécu rêvé qui est difficile à dissocier. »
Misericórdia suscite également une réflexion sur le moment dans lequel nous vivons et sur la manière dont la condition humaine y réagit. En pleine conscience de ses capacités diminuées d'où découle sa situation de dépendance, où son intimité corporelle n'existe plus, Maria Alberta arrive encore à se frayer un chemin dans l'existence, s'attachant à ses pensées, ses ressentis qui lui donnent une joie de vivre attisée par son tempérament de curieuse « une belle personne a le pouvoir de tempérer la laideur du monde par la beauté. Dans un autre registre, ici déjà, à l'Hôtel Paradis, j'ai vérifié qu'une simple corbeille de fruits roses suffit à transformer un espace triste aux murs gris en une enceinte accueillante. »
Bien que très réaliste aucune note macabre dans ce récit très intime, où poésie, rêves, et zestes de fantastique comme l'invasion de la maison de retraite par les fourmis se chevauchent. Tant que la vie continue et qu'on possède encore les moyens de penser, rêver, aimer, détester….il faut en profiter. Un très beau livre émouvant où j'ai passé des moments délicieux en compagnie de Maria Alberta qui en plus d'être futée a le sens de l'humour 😊!

« Être en vie c'est me souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison. »

Un grand grand merci aux Éditions Metaillé et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce très beau livre !
# Misericordia #NetGalleyFrance
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Maria Alberta Nunes Amado ( Dona Alberti) a choisi de finir sa vie à l'Hôtel Paradis. Bien évidemment, elle regrette sa maison, son jardin, ses plantes.
Elle pense avec mélancolie et tendresse à son mari, Edgar de Paula. Mais elle ne se plaint pas même si parfois elle ne se sent pas écoutée par certains soignants ou par sa fille. Clouée dans une chaise roulante, elle est complètement dépendante des bonnes volontés pour ses déplacements et sa toilette.
Si aujourd'hui, Dona Alberti ne supporte plus la télévision ou la lecture des journaux, elle s'est auparavant toujours intéressée aux évènements mondiaux. Grâce au Grand Atlas du Monde ou son globe terrestre, tous deux restés à la maison, elle connaissait tous les pays et les capitales. Aujourd'hui, la mémoire lui joue des tours et elle est prête à déranger tout le monde même en pleine nuit pour retrouver un nom.
C'est une femme qui s'intéresse réellement aux autres. Surtout à ceux qui lui sont agréables. Elle se prend d'amitié pour Lilimunde, amoureuse d'un jeune hongrois. La vieille dame aime écouter un jeune lecteur bénévole qui la ravit avec des nouvelles originales. Elle comprend aussi les amours éphémères de son amie Dona Johanina. Elle garde une reconnaissance infinie pour le Sergent Almeida. Il lui avait écrit un mot rassurant qu'elle cache comme un trésor.
Et puis, il y a les visites très attendues de sa fille. Leurs conversations sont souvent houleuses, leurs sentiments peinent à s'exprimer . La vieille dame lui reproche que ses livres ne parlent que de misérables anonymes.
Si les soignants distribuent des pilules pour bien dormir, Dona Alberti préfère discuter avec la Nuit, la Mort ici personnifiée.
C'est elle qui la met face aux problématiques importantes de sa vie. S'acharner à retrouver le pays dont Bakou est la capitale, comprendre l'intérêt littéraire des romans de sa fille ou ses phrases énigmatiques, réfléchir sur la souffrance, la religion ou l'amour.
Lidia Jorge partage la vie intérieure de celle qui pourrait être sa mère en s'appuyant sur les enregistrements de la vieille dame entre le 18 avril 2019 et le 19 avril 2020. Des faits anodins d'une vie commune avec les résidents qui sont toujours au nombre de soixante-dix. Un nouvel arrivant remplace aussitôt celui qui disparaît. Des marques d'une sénescence inévitable avec les pertes d'autonomie, de mémoire. Des critiques d'un lieu où le temps et les moyens manquent pour assurer le confort de tous les résidents. Mais avec poésie et humour, Lidia Jorge dresse un portrait attachant de cette vieille dame intelligente et positive et porte un regard lucide sur l'univers impitoyable et avilissant des lieux de fin de vie.
A la fin du livre, l'Hôtel Paradis est frappé par l'épidémie du COVID. Lidia Jorge dédie ce roman à sa mère, décédée pendant cette pandémie.
Et c'est un très bel hommage. Mêlant petits riens et profondes réflexions, effleurant la douleur de la vieillesse et les travers des maisons de retraite tout en gardant dignité, intelligence et sourire, Lidia Jorge peint une fresque remarquable sur la fin de vie. Un exil ultime, un lieu parfois inhumain mais protecteur où la seule liberté est de vivre ses pensées et d'apprivoiser la nuit.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Elle s'appelle Maria Alberta Nunes Amado et elle parle, elle parle beaucoup en plus d'écrire des petits agencements de mots tels des haïkus, 38 heures d'enregistrements audio face à un Olympus Note Corder DP-20 sans croire forcément qu'on écoutera ses mots. « Du vent parlé à un petit objet de rien du tout » pense-t-elle même depuis sa résidence à l'Hôtel Paradis. On sera prévenu en exergue de la « transcription infidèle » par sa fille elle-même, Lidia Jorge, dans un geste littéraire où il sera question de  ré-agencement, de respect du rythme et de la respiration, et c'est peu dire que l'autrice a donné corps et âme à sa mère tant on la sentira palpiter Dona Alberti, dans ce récit d'une année de vie et de réflexions au sein de son Ehpad portugaise partagée avec 70 résidents.
Oui ça palpite de vie malgré la fin supposée proche, entre histoires de coeur, disputes, cirque, vols ou maltraitances aussi. Et ça commence par les habitudes de Dona Alberti, dont celle d'engager des discussions avec la nuit qui « connaît les douleurs de son âme », prête à débattre avec elle sur ce qu'est l'amour, à se demander sans son Atlas sous la main de quel pays Bakou est la capitale. Une nuit en partenaire d'insomnie pour celle qui ne sait plus où mettre les pensées « qui sont beaucoup trop vastes pour le vase » de sa tête et de son coeur, débordant parfois de mensonges. Ainsi les grandes choses comme la mort pourront être symbolisées, ici par la nuit, et les petites sembleront vivantes pour qui est «engagée dans le monde des riens ». Mais il y aura d'autres personnages issus de cette «humanité avec deux espèces uniquement, les fiables et les agresseurs » : Lilimunde précédée de ses effluves de bergamote, Dona Joaninha et ses amants renouvelés avec persévérance, Mr To et ses velléités révolutionnaires, Dona Rita de Lyon et son pilote de fils soutenu par un ange gardien... Sans oublier Lidia Jorge en personne, une fille écrivaine qui fait « l'amour avec L Univers » et qui reçoit de sa mère les exhortations à une ambition plus grande dans ses livres, en s'intéressant à des personnages emblématiques.

Elle a certainement tort sur ce point, Dona Alberti. Lidia Jorge s'en sort très bien dans son histoire d'amour avec L Univers et nous livre à travers les mots de sa mère un récit à coeur ouvert sur l'humanité, sa condition, ses joies et ses tourments, éloigné des caricatures accommodantes sur la vieillesse. Il serait certes surprenant de voir caracoler ce livre au milieu des titres phares de cette rentrée (quoique...), tant le sujet suscite inquiétude, angoisse ou rejet. Il est probable qu'on flirte avec la sérénité grâce à cette lecture, qu'il faudra prendre le temps de déguster en marge de la frénésie pour profiter au mieux de son condensé de vie, sur le fil enivrant d'une littérature au service d'un enregistrement pour redonner corps et âmes. Prendre le temps oui, de lire cette chronique lumineuse sur la vieillesse, habitée par l'esprit de Sepulveda, pour goûter à la singularité de ses réflexions sur le bonheur, l'amour, la joie ou la tristesse, L Univers, la nuit, la littérature, toutes ses grandes choses de la vie... Sans oublier les petites.

« 14 novembre 2019

Danse et redanse, ma petite âme
une parmi tant et si
seule – Ton secret
dans ton petit sac. »
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La narratrice est une vieille dame qui réside à la maison de retraite « Hôtel Paradis », quelque part au Portugal. Un endroit au nom douteux, dont on ne sait s'il veut désigner un lieu paradisiaque pour la fin de vie, ou un purgatoire permettant d'obtenir un hypothétique éden post-mortem.
Mais soit.
Dona Alberti n'a plus l'usage de ses jambes et à peine celui de ses mains, mais il lui reste toute sa tête et son sens aigu de l'observation. Sa fille lui a offert un petit magnétophone sur lequel la vieille dame a enregistré une sorte de journal vocal, entre avril 2019 et avril 2020.
Dans Misericordia, Lídia Jorge a retranscrit, en les mettant en ordre et en forme, ces 38 heures d'enregistrement de la voix de sa mère (puisque c'est bien d'elle qu'il s'agit), qui témoigne ainsi d'une année de vie en maison de retraite. Un microcosme fait d'amours et de chamailleries entre résidents, d'amitié et de solidarité, de ragots et de mesquineries. Dona Alberti évoque aussi l'attitude du personnel soignant, attentif mais dépassé en raison d'un manque chronique d'effectifs, sa relation avec sa fille, cette écrivaine qu'elle ne comprend pas, sa résistance à la Mort et à son avatar, la Nuit, à laquelle elle livre des combats acharnés, et l'arrivée du Covid et du confinement au début de l'année 2020.
Dépossédée de sa vie d'avant dans sa maison et son jardin, et de son corps qui l'abandonne, Dona Alberti est également confrontée aux étourderies du personnel soignant qui ne répond pas aux appels pendant la nuit, ou qui l'oublie pendant des heures dans son fauteuil roulant au bout d'un couloir désert, sans compter la débandade de certains au début du Covid et le manque d'information à propos de la situation et des mesures de confinement. Il y aurait de quoi se révolter, parce que même si on peut comprendre que le personnel soit débordé, ces situations où les résidents sont infantilisés, déshumanisés, sont intolérables, et n'en constituent pas moins de la maltraitance et des atteintes à la dignité et l'intégrité humaines (ce qui a le don de me mettre en rage, mais c'est une autre histoire).
Mais il n'y a aucune amertume à cet égard dans le récit de Dona Alberti. Elle s'exprime avec lucidité, humour et ironie, avec de la joie et quelques larmes, mais sans « nourrir la mélancolie ». Elle ne se résigne pas, elle veut vivre, se battre contre la mort et l'oubli, et de fait, Lídia Jorge en fait un personnage inoubliable.
Misericordia est un livre fort, un très beau plaidoyer pour la résistance, l'espoir et la vie, et un superbe hommage, sensible et bouleversant, de Lídia Jorge à sa mère. Un grand livre.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ce qui reste de beauté, de possibilité de s'amalgamer à la vie des autres, face à l'exil, la nuit (oubli, mort et confinement). Lídia Jorge nous présente cet admirable roman comme les enregistrements capturés par sa mère pour raconter les menus faits, les dérangements et les amours, les discours et l' écoute, de sa vie dans une maison de retraite. Sans pouvoir juger de la vaine part d'authenticité, Misericordia plonge le lecteur dans l'espoir fervent, la résistance à l'effacement, la poésie sans doute aussi d'une femme qui, dans la dépossession (par la perte de sa maison, de ses mots, mais aussi par le soin) fait l'épreuve de sa difficile singularité, délivre d'ailleurs aussi une ironique spéculation sur l'art du récit comme façon de faire l'amour à l'univers.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Elle vit dans une maison de retraite dont l'appellation est pour le moins ambigüe et si on la déplace en fauteuil roulant, parfois comme un paquet, elle n'a rien perdu de ses facultés d'observation et enregistre sur un petit magnétophone le journal de ce qui sera sa dernière année de vie. Sa fille, l'écrivaine Lidia Jorge, retranscrit ici ces textes et leur insuffle émotion et poésie.
Il est très poignant de  voir "de l'intérieur" les explications de comportements qui peuvent parfois paraître incompréhensibles (appel en pleine nuit pour connaître une information pour le moins triviale, terreurs nocturnes parfaitement retranscrites où la narratrice lutte pied à pied contre la mort...). Mais il y a aussi les histoires d'amours entre les pensionnaire ou celles des soignants  et tout ce microcosme  est rendu avec vivacité et bienveillance. Quelques longueurs m'ont parfois perdue en route mais la fin du texte , avec la description du Covid , des mesures qui sont appliquées sans aucune explication aux pensionnaires , restera un moment fort de littérature.
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« Je suis avec les petites choses, les choses simples, celles qui ne font pas de bruit et ne prennent pas de place. Elles sont plus fiables, je les attrape mieux et elles ne s'enfuient pas aussi vite. C'est pourquoi, assise dans mon fauteuil, entre dona Plínia, qui aura bientôt cent ans, et M. Mota, le menuisier, je regarde mes mains sur mes genoux, et à ma surprise je me sens réconfortée. Pour ma fille, le maximum qu'elle puisse faire c'est d'être la maîtresse de l'Univers – Donc moi, je ne suis rien, je suis auprès des choses primitives telles que les herbes et les fleurs de coton, néanmoins je vis parce que je continue d'observer le changement. En effet, si je change, tous ces gens qui m'entourent changent de la même manière. [...] Tout ça ressemble à une scène farfelue, mais elle est réelle. Parfois j'en conclus qu'à l'intérieur de cette maison, lieu d'exil, il existe un cirque Mariani. Des jongleries et des pitreries, une parodie de la vie, avec des rencontres et des ratés comme dans les rebondissements d'une farce. » (p.152-153)
Le Rivages des murmures (1989), La Couverture du soldat (1999), le vent qui souffle dans les grues (2004), La Nuit des femmes qui chantent (2012), Les Mémorables (2015), Estuaire (2019) - pour ne citer que quelques-uns des titres remarquables de son oeuvre, ceux qui nous auront peut-être le plus marqué -…, depuis plus d'une trentaine d'années, Lidia Jorge a réussi à s'imposer comme l'une des meilleures romancières portugaises, s'inspirant de l'histoire du pays et de son passé colonial pour renouveler le regard sur son évolution, dans des chroniques teintées d'ironie ou de mélancolie, aussi lucides que poétiques. Autant dire que chaque nouveau texte de sa main est attendu, et avec impatience ! Cette fois, pourtant, s'éloignant de son genre de prédilection, loin de laisser l'imagination guider sa plume, elle nous offre un récit d'une forme inédite, où elle laisse, l'ayant à peine remaniée pour lui donner toute sa puissance littéraire, la parole à sa mère.
Misericordia est, en effet, la version écrite de trente-huit heures d'enregistrement, comme un journal oral d'une année de vie (et l'on croit comprendre que c'est la dernière) de la vieille femme dans la maison de retraite où elle vivait désormais. Si Lídia Jorge reconnaît avoir remis en ordre certaines séquences, ajouté des titres et des sauts de page, si elle regrette, bien sûr, que les larmes et les rires disparaissent de cette transcription, elle rend à sa mère la responsabilité de chaque parole, du rythme et de la respiration du texte. Et l'on est très vite conquis par ses mots, la malice et la vivacité de son esprit, son attention au décor et aux personnes qui l'entourent. Ici, elle s'amuse de l'égoïsme d'une voisine de table, capable, le jour du dimanche de Pâques, de manger seule, petit morceau par petit morceau, le lapin en chocolat qu'on lui a offert, sans rien offrir à ses compagnons de table. Là, elle prend parti pour les « filles », les jeunes assistantes, lorsque celles-ci se rebellent contre d'injustes accusations de vol, avant de soutenir, plus loin, le projet d'une révolution culinaire dans les cantines de l'établissement. Ailleurs encore, elle relate au téléphone à sa fille une série de décès dans la résidence, révélant ses propres craintes, tout en regrettant de ne pas pouvoir lui dire tout ce qu'elle souhaiterait, à cause de leur présente distance. Cette fille, et l'on reconnaît la romancière, dont elle a parfois du mal à comprendre les idées et les conseils, mais à qui elle voue un véritable culte. Une fille, comme la plus exigeante des interlocutrices, mais aussi la plus bienveillante des complices, dans le combat qu'elle mène contre « la Nuit », l'idée de la mort. « Ma fille peut dire des choses bizarres, mais c'est la créature la plus importante qui existe sur Terre, l'être le plus précieux de tout L Univers. Si je devais choisir entre L Univers avec la Terre au centre, et tous les habitants existants et elle, elle seule en tant qu'être humain, je choisirais ma fille. Je ne permettrai même pas que ma fille s'approche du périmètre de la bouche de cette nuit. Nuit immonde… » (p.184). Une fille qui dédie finalement son livre à cette « mère bien-aimée » et à … Luis Sepúlveda, «grand ami de longue date » - et pour nous, un phare ! -, en espérant qu'ils se trouvent « réunis dans le temps des étoiles ». Y a-t-il hommage réciproque plus profond, plus émouvant ?
Chaque page de Misericordia, que l'on lit comme le plus beau des plaidoyers contre la mort, le meilleur des appels à faire résister, inépuisablement, les désirs et les pulsions de vie, chaque page nous fait rire ou nous bouleverse. Alors n'hésitez plus, visiteur, à l'entrée de « l'Hôtel Paradis », entrez, Maria dos Remédios, la mère de cette romancière géante (et l'on pourrait dire que l'on sait mieux ainsi qu'elle a de qui tenir !) qu'est Lídia Jorge, vous attend, pour la plus belle des leçons d'humanité !
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Ambiance très particulière pour ce livre qui se passe à notre époque dans un Epad au Portugal .Pendant une année une pensionnaire Doña Maria Amado relate sa vie a l'Hotel Paradis , entre le salon bleu , la chambre , le la salle rose et tous les petits potins , les amitiés et les disputes , les départs , les nouveaux arrivants , le personnel plutôt agréable mais débordé et qui trouve un autre travail dès que possible . Mais Sona Maria perd de ses facultés, et imaginer -elle tout ce qu'elle vit : non pas elle le transpose, peut être à r elle un peu perdue pied .je suis allée au bout des + de 400 pages mais j'avoue que j'ai décroché certaines fois .
L'entreprise de ce récit reste audacieuse et méritante
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