AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Un chant dans l'épaisseur du temps (60)

L’ordre du monde

Le matin, je cueille les herbes du jardin. La terre,
encore fraîche, sort avec les racines, et se mélange
au brouillard de l’aube. Alors le monde
s’inverse : le ciel, que je ne vois pas, est
sous la terre ; et les racines montent
en suivant une direction invisible. De
la maison, pourtant, m’appelle une odeur
de café : comme si quelqu’un me disait
de me réveiller, une seconde fois,
pour que les racines croissent dans
la terre et que le brouillard, se dissipant, laisse voir le bleu.
Commenter  J’apprécie          00
Poème

La pointe du compas, qui
marque le centre invisible,
ne chante pas comme le bec pointu
de l’oiseau qui est au cœur du
chant qui l’occupe. Et
pourtant, le compas tourne
comme si des ailes le faisaient
bouger ; et il dessine sur le papier,
le cercle, que dans l’air
l’oiseau suggère.
Commenter  J’apprécie          00
Poème

« Le vent a soufflé avec trop de force, as-tu dit,
c’était comme si un dieu avait soufflé depuis l’horizon » ;
et ce souffle a emporté les feuilles des arbres,
chassé les nuages, pénétré les fenêtres du rêve,
bousculant les images et les phrases. Je ne sais pas,
de fait, si la voix qui nous réveille, la nuit, a
un destinataire en particulier. Bien que je me lève,
guette le couloir, entrouvre les volets de bois,
nul n’apparaît depuis la ténèbre. Les vieilles maisons, en province,
ont des habitants inattendus : des visages qui se confondent
avec le brouillard des miroirs ; des bras que la mousse
de l’ombre a corrodés.
Commenter  J’apprécie          00
Sans issue

L’indécision se résout au fond des couloirs
des vieilles maisons. Mais il n’y a plus de vieilles maisons, et
les couloirs aboutissent à des murs fermés,
des espaces sans écho, des miroirs sans vitre
où réfléchir ton visage.
Commenter  J’apprécie          00
Sud

Là, tout est simple et complexe : la lumière,
la solitude, le regard qui s’émeut de la tombée
de la nuit et du lever du jour ; et, même,
les rires de femmes entendus de loin,
portés par l’air dont la transparence se sent
dans notre propre respiration. Cependant, je me penche
au balcon et je m’aperçois que quelque chose disparaît,
au-delà des murs et des jardins, m’appelant
sans que je puisse répondre. Alors je reviens
à l’intérieur ; je prépare le café ; et
tandis que l’eau frémit, le mystère disparaît,
inutile et excessif, au début de l’après-midi.
Commenter  J’apprécie          00
Image, encore

La maison – probablement intacte – mais non pas
sa voix, disparue, qui flotte vers des
confins de mémoire. C’est ce qui persiste de quelqu’un,
pour quelque temps : le souvenir d’une inflexion,
des mots prononcés sans propos particulier, et qui demeurent
– « il a dit », « je l’ai entendu dire », etc…tant que
dure une relation avec son image. Rien de profond,
puisque rien n’est profond – sinon notre ignorance
sur ce que nous savons ou non des autres. C’est que
je ne peux plus interroger sa mémoire : quel hasard
l’a fixée à mon destin pour qu’elle m’habite , maintenant,
recoin intrus de moi-même ? Cependant – elle se borne
à accentuer ma solitude. Et celle-ci vient de loin,
sans secret, me rappelant qu’il est inutile
de continuer à questionner : contente-toi d’un destin.
– il te survivra, plus réel
que tu ne le seras jamais.
Commenter  J’apprécie          00
Morte saison

Je remontai la nuit jusqu’à l’enfer, dont je touchai
le cœur ; ses noires écailles me blessèrent
et je bus le lait acide d’aortes obscures
que m’ouvraient, béantes, des bouches tordues. Je fuis
vers un hôtel d’été, au bord de la mer,
mais c’était l’hiver, les portes se fermaient
devant moi ; il pleuvait sur l’esplanade. Un
anglais fou dormait, debout, sur les fleurs
calcinées. La servante lisait Virgile, en latin,
tandis que j’ouvrais le lit. Je l’étendis près de moi
sur le sofa aux feuilles violacées ; et je touchai ses
hanches, devinant sa peau morte.
Commenter  J’apprécie          00
Poésie

D’où vient-elle – la voix qui
nous déchira de l’intérieur, qui
apporta la pluie noire
de l’automne, et s’enfuit parmi
les brouillards et les champs
dévorés par les herbes ?

Elle était ici – ici à l’intérieur
de nous, comme si elle s’était toujours
trouvée là ; et nous ne
l’entendons pas, comme si elle ne nous
parlait pas depuis toujours,
là, à l’intérieur de nous.

Et maintenant que nous voulons l’entendre,
comme si nous l’avions re-
connue jadis, où est-elle ? La voix
qui danse la nuit, en hiver,
sans lumière ni écho, tandis qu’elle
prend de sa main le fil
obscur de l’horizon.

Elle dit : « Ne pleure pas ce qui t’attend,
ne descends plus la rive
du fleuve ultime. Respire,
d’un trait bref, l’odeur
de la résine, dans le bois, et
le souffle humide du poème. »

Comme si nous l’entendions.
Commenter  J’apprécie          00
« J’ai un souvenir d’enfance très précis : c’est un matin de décembre, très froid et très lumineux, comme il arrive chez moi, dans le Sud, sous le soleil d’hiver. Je suis assis dans l’escalier de la maison de ma grand-mère, et je lis un des livres que Noël m’a apporté : une adaptation pour enfants de l’Énéide.
(…) J’étais donc en bas de l’escalier, en lisant et, parfois, en regardant la rue, bien que le contraste entre l’obscurité de l’intérieur et la lumière du dehors m’empêchât de reprendre la lecture tout de suite. C’est peut-être dans cet intervalle, où j’étais obligé de me réadapter à l’intérieur de la maison, que la poésie a paru dans mon esprit : quelque chose qui lui ressemblait, en tout cas, a dû occuper ces instants de vacuité, et m’a poussé, un jour, bien avant l’adolescence, à écrire des vers dans un mouvement que j’avais moi-même quelque difficulté à comprendre.
(…) Il est vrai qu’au bas de l’escalier, dans le vestibule de la maison, j’étais à mon insu à la frontière de plusieurs mondes ; et, peut-être apprenais-je la façon de les mettre en contact, ce que seul peut faire le langage. »
Commenter  J’apprécie          00
Méditations sur des ruines


DIEU

La nuit, il y a dans le couloir
un point qui brille comme
un ver luisant. Je me penche pour le saisir
— et l’ombre l’efface. Alors,
je me lève : déjà sans la préoccupation
de savoir ce qu’est cette lueur, ou
de quoi elle est le reflet.
Là, cependant, persiste
une inquiétude ; et longtemps après,
sans me rendre compte du vrai motif,
je retourne dans le couloir, cherchant la lumière
qui n’existe plus.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (38) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

    Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

    Paris
    Marseille
    Bruxelles
    Londres

    10 questions
    1223 lecteurs ont répondu
    Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}