Le Nom de l'amour est une Anthologie
1975-2015, de Nuno Júdice, composée
par sa femme Manuela Júdice, et traduite
du portugais par
Max de Carvalho.
L'érotisme, l'érotisme et encore l'érotisme.
L'amour, l'amour et toujours l'amour.
Ce recueil est en outre émaillé de réflexions
sur la poésie, le poème, l'art poétique.
Nuno Júdice s'interroge également sur ce Dieu
qui " n'a pas besoin de temps pour exister " à la
différence de nous autres les humains.
Ainsi :
" SOUDAIN IL SURGIT, ET IL A TON VISAGE
Le paradis terrestre est une fleur verte.
Les arbres se fendent par le milieu.
Ce qui est successif se perd.
Si le temps change les êtres et les choses,
je remarque la différence et je me consume.
Le soleil est une faute de grammaire, les lueurs de l'aube
une feuille blanche à la transparence des lampes.
Alors les bruit retentissent. Ils résonnent
dans les fenêtres,
à l'intérieur des boîtes depuis longtemps fermées,
du fond des tasses de café à demi pleines.
C'est tout et, plus
que tout, c'est toi,
entourée d'arbres et de matin,
dans l'éclat des yeux,
dans ce seul éclat d'un clair regard.
p.8
" AMOUR
Un poème, dis-tu, où
l'amour se déclare,
résumant tout en mots.
Mais ce qui fut vécu,
les mots, qu'en
gardent-ils ?
Une poussière de syllabes,
une pauvre cadence
grammaticale, sans rime ni raison…
p.15
" STROPHE
Ta chevelure me ramène à
une notion de réalité. Je la touche,
comme si tu naissais d'elle ‒ vénus
végétale d'une souterraine mythologie ‒
ou comme si à l'intérieur de tes phrases
une fenêtre s'ouvrait. Et j'épie
l'autre côté, où le paysage
s'éclaire des formes de ton corps
- vallées et collines qu'arrosent
les rivières invisibles de l'amour.
p.22
" ART POÉTIQUE AVEC UNE CITATION DE HÖDERLIN
…
J'ai cueilli ce poème. Je l'ai mis dans l'eau,
comme la rose, pour qu'il soit emporté sur un long fleuve
de strophes. Son corps, nu comme celui de cette femme
obscurément aimée en rêve, a bu à la sève
des lacs, aux veines souterraines d'ancestrales
humidité, pour s'ouvrir comme le ventre de
la fleur elle-même. Emportant dans son sillage mes yeux,
au creux d'une barque aussi profonde que sa
mort.
p.25
" L'AMOUR
Dieu – il gît peut-être ici, dans cette
part de moi-même et de toi, tout en ce qui
subsiste de toi ? Il est sur tes
lèvres, dans ta voix, tes yeux,
peut-être marche-t-il parme ces
fils abstraits de tes cheveux que j'effeuille,
entre les doigts du souvenir, lorsque je les
évoque.
Il existe : voilà ce que je sais lorsque
je me souviens de toi.
…
Ici, un dieu ne vit pas tout seul,
lorsque l'amour nous réunit. Il descend des confins
de l'éternité, quitte son plus lointain
infini, pour s'asseoir au pied du lit comme
un chien et écouter la musique de la nuit.
p.41-42