Citations sur Mysterium conjunctionis 02 (17)
Notre connaissance ne fait pas le tour de tout ce qui est, si bien que nous ne sommes pas en mesure de formuler des propositions de quelque genre que ce soit sur sa nature globale. La microphysique s'avance à tâtons dans l'inconnu de la matière comme la psychologie des profondeurs dans l'inconnu de la psyché. Ces deux voies d'exploration aboutissent à des découvertes qui ne se laissent illustrer que par des antinomies et développent des idées qui présentent à bien des égards des analogies remarquables. Si ce développement devait s'accentuer à l'avenir, on en arriverait à l'hypothèse que ces deux voies d'exploration de la réalité ont un seul et même objet.
(1956)
Si, par la volonté du destin, un homme sent s’approcher de lui l’exigence de la connaissance de soi et qu’il se dérobe, cette attitude négative peut signifier aussi pour lui une mort effective. Une telle exigence en effet ne se serait pas présentée à lui s’il lui était demeuré possible de se jeter dans quelque chemin latéral plein de promesses. Mais il est parvenu à une impasse dont seule la connaissance de soi peut le libérer. Qu’il s’y refuse, et aucune autre voie ne lui reste ouverte. En général, il n’aura pas non plus conscience de cette situation et, plus il est inconscient, plus il est exposé à des dangers imprévisibles. […] L’inconscient a mille voies pour mettre fin d’une façon extraordinairement soudaine à une existence dépourvue de signification.
La psychologie est une science qui n’a absolument rien à faire avec les présupposés ou les possibilités métaphysiques. Elle examine son objet dans son contenu psychologique et se garde de tout empiètement spéculatif. Elle ne se livre pas à des débauches d’imagination sur les fondements inconnus de la psyché, elle ne présente pas une mythologie issue du cerveau, elle ne récite pas de contes physiologiques et évite avant toutes choses de prétendre pouvoir apporter des arguments quelconques pour ou contre la validité de n’importe quelle conception métaphysique. […] Le domaine psychique est un monde de phénomènes en tant que tel, que l’on ne peut réduire ni au cerveau ni à la métaphysique.
L’ouroboros qui dévore sa queue est un symbole expressif de l’assimilation et de l’intégration de la partie opposée, c’est-à-dire de l’ombre. Ce phénomène circulaire est expliqué simultanément comme un symbole de l’immortalité et de la régénération, puisqu’il est dit de l’ouroboros qu’il se tue et se vivifie lui-même, qu’il jouit de lui-même et s’engendre lui-même. Il représente depuis l’Antiquité la plus lointaine l’Un qui sort de l’union des opposés en lutte et il constitue par suite le mystère de la materia prima qui, en tant que projection, sort indiscutablement de l’inconscient humain.
[Le principe de synchronicité] marque une connexion, par exemple une unité entre des phénomènes dépourvus de lien causal, et représente ainsi un aspect d’unité de l’être que l’on peut désigner sous le nom d’unus mundus.
Opérer une projection, c’est toujours rendre quelque chose conscient de façon indirecte, et ce processus est indirect parce que la conscience oppose un obstacle, qui est toujours constitué par des idées de nature traditionnelle : celles-ci prennent la place d’expériences réelles et empêchent ainsi ces dernières de se produire. On se sent en possession d’une vérité bien assurée concernant l’inconnu et l’on se rend ainsi incapable de connaître celui-ci.
Nous nous installons purement et simplement sur le terrain des faits en reconnaissant que la structure archétypique de l’inconscient ne cesse d’engendrer, au-delà de toutes traditions, des figures qui réapparaissent dans l’histoire de toutes les époques et de tous les peuples, et qu’il les revêt de cette numinosité et de cette signification qui, depuis toujours, leur appartiennent en propre.
Un certain critique me range également dans la catégorie des esprits dissolvants en raison de l’intérêt que je porte à la psychologie comparée des religions. Cette qualification est justifiée dans la mesure où je désigne tous les objets de foi comme psychiques (étant entendu que le caractère transcendantal que peut revêtir leur signification excède ma compétence). J’établis donc un rapport entre la doctrine chrétienne et la psychologie, rapport qui, à mon sens, ne doit pas nécessairement tourner au désavantage du christianisme. Mon critique trahit une confiance bien limitée dans le pouvoir d’assimilation de son système de croyance, lorsqu’il s’effarouche devant le processus de fusion et d’interprétation qui s’esquisse. L’Eglise a pourtant su s’assimiler une pensée aussi étrangère que celle d’Aristote, et que n’a-t-elle pas emprunté à la philosophie païenne, au culte païen et […] au gnosticisme, sans pour cela s’empoisonner ! Si la doctrine chrétienne peut s’assimiler la psychologie à laquelle elle doit fatalement se heurter, cela constitue un signe de vitalité, car la vie est assimilation.
"A l'intérieur de l'expérience psychique, l'inconscient collectif prend la place du royaume platonicien des idées éternelles. A la place de ses modèles qui donnent forme à des choses créées, l'inconscient collectif, à travers les archétypes, constitue la condition a priori pour l'assignation du sens".
Le mandala symbolise, grâce à son centre, l’unité ultime de tous les archétypes, de même que la diversité du monde des phénomènes, et il constitue par conséquent l’homologue empirique de l’idée métaphysique de l’unus mundus. L’homologue alchimique en est la pierre philosophale avec ses synonymes, en particulier le microcosme.