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Citations sur Les Tambours de la pluie (21)

en ce monde , rien n'est bon ni mauvais au meme titre pour tous
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Le pacha suivait avec une attention extrême chaque mouvement du cheval. Les yeux fixés sur lui, il paraissait fasciné. Il était si tendu qu'au bout de quelque temps, il sentit ses genoux et son cou fatigués, comme si c'eût été lui qui galopait devant les remparts en baissant de temps en temps la tête pour rechercher un peu d'humidité sur le sol brûlé. A un moment, il eût même la sensation qu'il avait de l'écume à la bouche, et il y porta la main pour l'essuyer.
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l’époque ou nous vivions nous a appris a tout supporter
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"Le coup le plus rude que l'on peut porter à un peuple est celui qui est dirigé contre son avenir".
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[...] ... - "Tu penses peut-être qu'à force de guerres et de massacres, on peut supprimer un peuple," [dit l'intendant en chef]. "C'est ce que croient bien des gens, le vieux Tavdja et Kursdidji entre autres. Mettons que, dans une grande bataille, [les Albanais] laissent sur le terrain trente mille morts. Ce devrait être une brillante victoire pour notre armée, n'est-ce pas ? Eh ! bien, n'est-il pas triste de se dire qu'avec une telle bataille, qui demande tant de préparatifs et d'efforts, on ne réussit à prélever à ce peuple que l'augmentation de population d'une seule année ?

- C'est curieux," dit le chroniqueur.

- "Aussi, sans faire le rêve chimérique d'anéantir ce peuple, nous devons nous estimer satisfaits de l'empêcher de croître. Par des expéditions punitives, des massacres, des guerres réitérées, en leur enlevant leurs jeunes garçons pour en faire des janissaires, nous réduirons en une certaine mesure sa capacité de croissance. Et pourtant, cela ne suffit point. Les peuples sont comme l'herbe. Ils poussent partout. Il faut donc concevoir d'autres moyens, plus insidieux. Moi, je ne m'occupe que des comptes. Le grand padicha [= le Sultan] a des hommes à lui qui étudient, eux, ces problèmes. Et ils ont certainement pensé à tout. Ce sont des experts de la dénationalisation des peuples, de même que Sarudja est un expert de la destruction des forteresses. Ils étudient jour et nuit les meilleures méthodes à appliquer pour maintenir la tranquillité dans notre grand empire."

L'intendant en chef but une lampée de sirop.

- "Il existe notamment," reprit-il, "parmi les tribus des déserts d'Arabie, une coutume par laquelle tous les parents d'une personne tuée intentionnellement dans une querelle ou une embuscade sont obligés de reprendre le sang de la victime en tuant à leur tour un membre de la famille adverse, et cela même après trois générations. Une chaîne de morts lie ainsi les familles entre elles, car les meurtres se succèdent sans discontinuité. Implanter une telle coutume vaut bien plusieurs victoires sur le champ de bataille. Je t'ai dit qu'il y a là-haut des gens qui ont pour principale tâche de s'occuper de ces problèmes. Ils pensent à tout et ils ont certainement aussi songé à cela.

- Je crois que les Albanais ont déjà une coutume analogue," l'interrompit Tchélébi.

- "C'est possible mais même s'ils ne l'ont point ou qu'elle ne soit pas aussi répandue chez eux qu'il serait souhaitable, nous l'apporterons alors d'Arabie si c'est nécessaire, et la sèmeront comme une mauvaise graine parmi eux. Ils sont emportés par nature, et cette semence peut prospérer sur ce terrain. Mais si celle-ci ne germe pas, nous en trouverons une autre, peut-être encore plus nocive. Nous la ferons venir, s'il le faut, du royaume des glaces, pourvu qu'elle nous soit utile." ... [...]
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[...] Ils ont tout tenté contre nous, depuis les canons gigantesques jusqu'aux rats infectés. Nous avons tenu et nous tenons. Nous savons que cette résistance nous coûte cher et qu'il nous faudra la payer plus cher encore. Mais sur le chemin de la horde démente, il faut bien que quelqu'un se dresse et c'est nous que l'Histoire a choisis.
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[...] La fumée monte jour et nuit de la fonderie. Dès les premiers jours de leur arrivée, le bruit se répandit qu'ils coulaient une arme nouvelle. On dit que son grondement secoue le sol comme un tremblement de terre, qu'elle crache une flamme aveuglante, et que le déplacement d'air qu'elle provoque rase une maison en un clin d'oeil.
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[...] Qu'était-ce ? Le roulement persistait. Ce n'était pas le prolongement de son rêve. Loin, quelque part dans les profondeurs du camp, les tambours battaient réellement. Il perçut un doux bruissement contre les parois obliques de la tente, et subitement tout s'éclaircit, irrémédiablement. Il pleuvait.
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Mais, sur le chemin de la horde démente, il faut bien que quelqu'un se dresse et c'est nous que l'Histoire a choisi. Le temps nous a placé à la croisée des chemins; d'une part, la voix facile de la soumission, de l'autre, la voie ardue, celle du combat. Nous avons choisi la seconde.
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[...] ... Le tumulte, dans le camp, ne cessait de croître, et ils étaient maintenant obligés d'élever la voix pour s'entendre.

- "Eh ! bien", fit Sadedin, "[les femmes albanaises] sont ... elles sont ... Mais comment te les dépeindre, mon frère ! Elles sont comme un nuage mouvant qui, lorsqu'on tente de le saisir, ne vous laisse rien dans la main. Et leurs vêtements aussi sont de la couleur des nuages. Blancs, blancs, bordés de lisérés rouges et noirs.

- Tu t'en achèteras une, lorsqu'on aura pris la citadelle ?" demanda le janissaire.

- "Bien sûr, à n'importe quel prix. J'ai déjà l'argent de côté ..." - il porta la main à son sein - " ... tout ce que j'ai reçu pour mes poésies.

- Tu en as, de la chance !"

Le poète sortit la gourde et la porta à ses lèvres.

- "Ca suffit," lui dit l'astrologue, "tu ne marches plus très droit."

Sadedin la refourra dans son sein.

- "Il s'en passera, des choses, dit-il, la nuit où l'on prendra la citadelle ! Quel sabbat ! Quelles orgies ! Leur désir assouvi, les hommes échangeront leurs captives. Ils les garderont une heure, puis les revendront pour en racheter d'autres. Elles passeront de tente en tente. Il y aura des rixes. Peut-être même des meurtres ! Oh ! sûrement !"

Le janissaire l'écoutait, l'air triste.

Ils marchèrent un moment sur un chemin bordé d'asapes [= troupes d'infanterie légère] étendus par terre, dans l'ombre plus obscure projetée par les tentes.

- "Ils sont ennuyeux, ces asapes," dit Sadedin. "Ils rêvent de recevoir un lopin ou quelque vigne dans les terres ici conquises, puis de se courber sur leur charrue pour le reste de leur vie.

- A chacun ses rêves," dit l'astrologue.

Le poète fut tenté de lui répondre, mais il préféra boire une nouvelle lampée de raki. Il continuait de marmotter en composant sa poésie.

La multitude devenait de plus en plus dense. Des tambours roulaient de toutes parts, noyant presque de leurs grondements les voix des cheiks qui haranguaient les soldats. Les derviches s'abattaient par terre, priaient, hurlaient sans cesse.

-"Nous enseignerons le saint Coran à ces rebelles maudits," criait un cheik. "Sur leur terre bosselée comme le dos d'un démon, nous élèverons les minarets sanctifiés par Allah. Du haut de ces tours, au crépuscule, la voix de nos muezzins tombera sur leurs têtes mal dégrossies, tel un haschisch qui s'empare de l'esprit. Nous ferons en sorte que ces infidèles se prosternent cinq fois par jour en direction de La Mecque. Nous envelopperons leurs têtes malades et agitées dans le bienfaisant turban de l'islam.

- Comme ce cheik parle bien !" dit l'astrologue. ... [...]
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