Belle découverte que ce roman albanais dans lequel nous suivons le siège d'une citadelle par les Turcs au XVème siècle.
À travers le récit de l'auteur, nous découvrons le quotidien du camp des envahisseurs : les grades, les conseils, les reflexions sur les stratégies à adopter, les luttes de pouvoir également, les enjeux qui se cachent derrière la victoire ou la défaite, les difficultés à nourrir tout le monde et surtout la baisse de moral au fil du temps. Nous y apprenons aussi les débuts de l'utilisation du canon.
Les Turcs ont dû mettre toutes leurs idées en place, que ce soit de la coupure d'eau à l'envoi d'animaux infectés de maladies diverses et variés. Ces soldats turcs se sont battus avec acharnement.
J'ai trouvé la narration très intéressante, cette dernière alternant entre de longs passages centrés sur les envahisseurs et d'autres plus courts et en italique donnant la parole aux assiégés.
Ismail Kadaré nous montre ici une lutte disproportionnée puisque l'Albanie qui était faible et avec peu de moyens s'est retrouvée en proie aux griffes d'une grande puissance militaire, si ce n'est la plus grande puissance de l'époque. Combat donc complétement inégal, même si la citadelle tient, grâce aux éléments naturels finalement.
C'est ici un choc au sens propre avec d'innombrables morts, mais aussi au sens figuré : choc culturel puisqu'elles sont très différentes l'une de l'autre (par exemple langue différentes, pas les mêmes moeurs, les Turcs sont choqués de voir apparaitre les femmes albanaises aux remparts et de voir leurs yeux alors que les femmes turcs sont voilées), choc donc aussi des religions (les turcs étant musulmans et les albanais chrétiens). Cette différence est bien visible dans le roman puisqu'il y a souvent des références à Allah pour les uns et à la croix ou à Dieu pour les autres.
Une fois de plus, nous apercevons l'absurdité du genre humain, le désir assoifé de conquêtes d'autres territoires, au détriment de la vie et de la paix.
Cette histoire d'une grande puissance attaquant une plus faible (mais non démunie de ressources finalement) fait étrangement écho avec la situation actuelle...