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Citations sur Lettres à Milena (56)

L'amour, c'est que tu sois pour moi le couteau avec lequel je fouille en moi.
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Prague, début avril 1922
(...) Tout le malheur de ma vie - je ne le dis pas pour me plaindre, mais pour en tirer une leçon d’intérêt général - vient, si l’on veut, des lettres ou de la possibilité d’en écrire. Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par les gens, par des lettres toujours ; et cette fois ce n’est pas par celles des autres mais par les miennes. Il y a là en ce qui me concerne un désagrément personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - une terrible dislocation des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres, ou l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Ecrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. (...)
(p. 266)
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Voici à peu près ce qu'il en est : j'étais un animal des bois qui, en ce temps là, ne vivait presque jamais dans la forêt, mais terré n'importe où dans un sale fossé (sale en raison de ma seule présence, naturellement), lorsque je vis au grand soleil la chose la plus merveilleuse que j'eusse jamais aperçue ; je ne songeais plus à rien, je m'oubliais totalement ; je me suis levé, je me suis approché, craintif, au sein de cette liberté nouvelle qui me rappelait pourtant l'air natal, je me suis approché malgré ma peur, et je suis arrivé jusqu'à toi. Que tu étais bonne ! je me suis couché à tes pieds, comme si j'en avais le droit, et j'ai posé mon visage dans tes mains, je me suis senti heureux, fier, libre, puissant, chez moi ; tellement chez moi ! (toujours, toujours tellement chez moi!).
Mais au fon j'étais resté la bête, je n'appartenais qu'à la forêt, je ne vivais ici, au grand jour, que par ta grâce. Sans le savoir (j'avais tout oublié) je lisais mon destin dans tes yeux. Cela ne pouvait durer. Tu ne pouvais éviter, même en me caressant de la main la plus bienveillante, de découvrir en moi des singularités qui relevaient de la forêt, de cette origine, de cette véritable patrie ; il a fallu te donner, fallu te répéter ces explications sur la "peur" qui me toturaient (toi aussi, mais injustement) comme si j'avais déjà les nerfs à nu ; j'ai senti quelle plaie répugnante je représentais dans ta vie, et quel obstacle universel !
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Où voulais-je en venir avec toutes ces histoires ? Je me suis un peu égaré, mais cela ne fait rien, car vous vous m'avez peut-être suivi et nous voilà perdus tous deux.
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Prague, 09 août 1920
(...)
Les plus belles de toutes tes lettres (et les plus belles c'est beaucoup dire, car sont toutes ensemble et presque dans chacune de leurs lignes ce qui m'est arrivé de plus beau dans la vie), ce sont celles dans lesquelles tu donnes raison à ma "peur", tout en essayant d'expliquer pourquoi je ne dois pas l'avoir. Car moi aussi, même si j'ai parfois l'air d'être son avocat soudoyé, je lui donne probablement raison au plus profond de moi-même, que dis-je ? elle compose ma substance et c'est peut-être ce que j'ai de meilleur, c'est peut-être aussi l'unique chose que tu aimes en moi. Que pourrait-on en effet trouver d'autre à tant aimer en ma personne ? mais elle, elle est digne d'amour.
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Je suis de ces être chez qui prime la vue. Or le cinéma perturbe la vision. La rapidité des mouvements et la succession précipitée des images vous condamnent à une vision superficielle de façon continue. Ce n'est pas le regard qui saisit les images, ce sont elles qui vous saisissent le regard. Elle submergent la conscience.
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L'éclat de vos yeux supprime la souffrance du monde
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La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - une terrible dislocation des âmes : c’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec celui du destinataire, mais encore avec le sien propre ; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres, ou l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine. Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils se multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril ; elle a cherché à éliminer le plus qu’elle le pouvait le fantomatique entre les hommes, elle a cherché à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer la paix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane ; mais cela ne sert plus de rien (ces inventions ont été faites une fois la chute déclenchée) ; l’adversaire est tellement plus calme, tellement plus fort ; après la poste, il a inventé le télégraphe sans fil. Les esprits ne mourront pas de faim, mais nous, nous périrons.
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Propos de Milena rapportés par Kafka :

« Pourquoi les êtres humains ne se promettent-ils pas qu'ils ne se crieront pas dessus lorsque le rôti sera trop brûlé »

« Pourquoi ne se promettent-ils pas de se laisser l'un à l'autre la liberté du silence, la liberté de la solitude, la liberté de l'espace ouvert? »

« Ou bien affronter son destin... avec humilité... ou bien chercher son destin...
… la foi est nécessaire pour chercher ! »
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On a tort de sourire du héros qui gît en scène, blessé à mort, et qui chante un air, au théâtre. Nous passons des années à chanter en gisant.
La bête se fouette elle-même pour devenir maître, et ne sait pas que ce n'est là qu'un fantasme produit par un nouveau nœud dans la lanière du maître.
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