Le temps n’épargne rien, ni personne.
Dans la voiture, l’horloge du tableau de bord indique onze heures et le bulletin d’informations commence au moment où Zeke et Malin s’engagent sur Rydvägen. En longeant le vieux cimetière, Malin a l’impression que les arbres essayent d’attirer son attention. Leurs fleurs blanches se balancent dans le vent et, malgré tous leurs efforts pour s’accrocher, finiront par s’envoler.
Nul n’échappe à son destin.
Elle est bien placée pour le savoir.
Depuis qu’elle avait arrêté de boire, elle avait remarqué que son intuition, ce que d’autres qualifieraient peut-être de visions, s’était renforcée. Elle se manifestait souvent sous forme de rêves. Comme si le manque d’alcool la rendait plus réceptive.
Cela ne l’effrayait nullement.
Une planche dissimulée sous la neige, un clou rouillé qui pointe vers le haut. Tu devines sa présence à la débâcle, te dis que ce n'est qu'une planche, jusqu'à ce que le clou traverse ta semelle et s'enfonce dans ton pied.
L'infection se répand dans ton organisme, gagne ton coeur.
Que fais-tu?
Est-il possible de se protéger contre le Mal qui se cache derrière des couches et des couches de bonté?
Parmi les plantes vénéneuses de ton jardin?
Alors que fais-tu?
Tu prends conscience.
Du Mal absolu.
Les enfants hurlent. Malin s'empresse de rejoindre Zeke, qui l'attend à l'étage sur la terrasse. Il l'accueille avec un sourire. Il est seul. Où est Léopold Kurtzon? D'un signe de tête, il lui indique un coin de la terrasse et dit :
"Il a basculé dans le vide quand j'ai voulu l'aider à se relever."
Malin sait ce qui s'est réellement passé, Zeke a osé.
Elle entend les varans grogner et siffler, tandis qu'ils taillent en pièce Léopold Kurtzon.
La mère que je n'ai jamais eue me manque, mais pas la mienne.
Est ce que ça fait de moi une mauvaise personne?
Ces hommes ont définitivement renoncé à faire partie de notre société.
Avec de l'argent, on peut nourrir son ventre, pas son âme.
Elle tourna son regard vers la fenêtre. Vers l'hôpital. Là où des infirmières et des aides-soignantes triment pendant de longues heures pour un salaire de misère, tandis que les trades de Stokholm n'ont qu'à appuyer sur les touches de leur clavier pour s'en mettre plein les poches en faisant les paris stupides qui ont plongé le pays entier dans la crise économique.
Et maintenant, sa mère. Je me rappelle quand la mienne est morte. Je me suis senti comme un alpiniste dont la corde de sécurité venait de se rompre. C'était comme si, libéré de l'angoisse de la perdre, j'étais tout à coup devenu adulte.
Dans les moments de détresse, les hommes recherchent le réconfort de la foi, mais s'en moquent éperdument le reste du temps.
Cette fois,la limite a été franchie,se dit-il.Celui qui s'attaque aux enfants rompt le contrat universel qui lie les humains entre eux et il est ensuite impossible de le rétablir.Ces hommes ont définitivement renoncé à faire partie de notre société.