Il paraît que les adolescents sont habités, tourmentés par le sens de leur vie, le bon chemin à trouver ou à suivre, la bonne mesure, avec une violence sourde qui pousse par tous les pores de la peau.
- Tu as perdu ta langue ? a demandé papa.
En fait, j'avais cru perdre mon père, le matin où la police avait débarqué à l'aube, puis lorsqu'il était parti avec eux, et que nous étions restés, la porte ouverte, sans comprendre. Dans l'instant, à lui qui revenait vers le bonheur, je ne pouvais pas dire que j'avais perdu bien plus que ça. Des mots, des émotions, des accolades tendres.
A l'instant, j'avais l'impression de vivre le calme revenu, comme après un orage violent.
Il paraît que les adolescents sont habités, tourmentés par le sens de leur vie, le bon chemin à trouver ou à suivre, la bonne mesure, avec une violence sourde qui pousse par tous les pores de la peau. Par des sentiments étranges. Le bonheur en écharpe, mais fuyant, avec le doute accroché à chaque branche. A l’écouter parler sous les étoiles, j’avais l’impression que mon père s’était traîné toute sa vie avec des humeurs de volcan retenu.
En ce coeur d'été, la chaleur était revenue, même dans nos coeurs, dans nos sourires que je m'efforçais de croire sincères et vrais. Notre halte près de la gargote touchait à sa fin, nous avons repris la route des Cévennes en direction d'Alès.
Au cœur du village surgissait la source du Pêcher, sortie droit de la montagne, sous un rocher. Nous avons déambulé un instant avant de nous retrouver à quelques pas d’un château ayant pour toile de fond les contours du causse. Une chute d’eau donnait au lieu un air de fraîcheur et de calme. Installés près de la terrasse d’un restaurant, les pieds dans le vide du canal, il n’y avait plus qu’à se laisser aller, rêver un moment face au paysage.
"Mon père et mon grand-père auraient eu honte de moi pour ce que j'ai fait, mais moi, j'ai toujours eu honte d'eux pour ce qu'ils n'ont pas fait" (p.60)