Sylvie Gracia - Collection doado des éditions du Rouergue .
Sylvie Gracia vous présente la collection doado des éditions du Rouergue. http://www.mollat.com/recherche/editeur/Editions%20du%20Rouergue.html
Guillaume Guéraud "
Cité Nique-le-Ciel" http://www.mollat.com/livres/gueraud-guillaume-cite-nique-ciel-9782841568444.html
Frédérique Niobey "
Sur le toit" http://www.mollat.com/livres/niobey-frederique-sur-toit-9782812605833.html
Alex Cousseau "Les trois vies d'Antoine Anarchis" http://www.mollat.com/livres/cousseau-alex-les-trois-vies-antoine-anacharsis-9782812604355.html
Stéphane Servant "
Le coeur des louves" http://www.mollat.com/livres/servant-stephane-coeur-des-louves-9782812605581.html
Ahmed Kalouaz "
Je préfère qu'ils me croient mort" http://www.mollat.com/livres/kalouaz-ahmed-prefere-ils-croient-mort-9782812601958.html
Sylvie Deshors "
Fugueuses" http://www.mollat.com/livres/deshors-sylvie-
Fugueuses-9782812605840.html Notes de Musique : 09 Búsqueda exploratoria #007 - Rue Laide Coupe - Free Music Archive
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C’est triste une main d’homme qui n’a jamais tenu un livre entre ses doigts.

C’est lui (le frère cadet de sa maman) qui t’avait rapporté un jour, alors qu’il n’avait que huit ou neuf ans, un morceau de miroir brisé récupéré sur un talus, un bord de route, ou dans la cour d’une propriété de colon. Tu l’avais reçu comme un trésor, pour t’amuser et t’admirer sur ce minuscule bout de verre poli, dans son reflet, t’autoriser à des jeux de petite fille, toi qui n’y avais plus droit depuis le décès de ta mère. Pendant quelques instants, tu retrouvais l’enfance, faisais semblant de te passer les yeux au khôl, dessiner ta bouche et tes pommettes en les caressant d’huile d’argan, tresser tes cheveux après les avoir badigeonnés de rhassoul. Un bref instant où, grâce à cet éclat de miroir, tu pouvais encore te laisser aller aux jeux, aux émotions de ton âge. Tu faisais mine, avec les poupées de ta cousine, de protéger ta couvée, la rassembler autour de toi. Gestes tendres, et prémonitoires, pour toi qui as donné vie à quatorze enfants.
C’était un miroir brisé.
Cela ne m'a pas conduit aux portes des clubs prestigieux mais aux grilles des petits stades anonymes, j'ai appris à raser les murs,attendant vainement de lever les bras au ciel en courant, un maillot trempé de sueur brandi vers une foule en liesse.
Même avec de la tendresse,, je ne pouvais pas me mettre à sa place. Suivre le chemin qui avait conduit ses parents de l’Abkhasie en guerre au pied des Alpes pontiques. Ce sentier parsemé de ronces, de cicatrices sur le corps et d’égratignures dans la tête.
Je ne connais pas assez de mots pour surprendre ceux qui expriment la crainte mais, celui qui exprime l’espérance, je l’ai noté, il est facile à retenir et à prononcer, un sésame pour le sourire : imedi, c’est celui qui le tient.
C'est un soir de fin d'automne, dans une bourgade située dans cette région du Dauphinée appelée les Terres Froides. J'ai préparé mes textes, les mots que je lirai à des gens que je ne connais pas, des paroles buissonnières, cueillies ici et là, le plus souvent au fil de rencontres dans les bibliothèques. Celui qui écrit arrive toujours avec sa valise de souvenirs, son bagage de livres, un peu de certitude, beaucoup de de solitude.
La véritable bataille se jouerait ailleurs, lundi, dans un bureau où se déciderait le sort de la famille de Badri. Ses parents ont sans doute déjà vécu la scène. La liberté pendue à la bouche d’un fonctionnaire qui fait son travail, juste son travail. Si la décision était l’obligation de quitter le territoire, il la dirait sans trembler. Si elle était autre, son visage ne marquerait pas plus d’émotion. Le centre de rétention et la marche vers l’aéroport sous bonne escorte ne seront jamais pour lui et ses collègues.
Lorsque mon père s’était énervé contre les arrestations et les expulsions, il s’agissait de familles. Certaines étaient séparées, des enfants se retrouvant enfermés dans des centres de rétention. Il avait hurlé que la mode était au renvoi systématique. Qu’il ne comprenait pas que des gens sans histoires soient pris pour des malfaiteurs. Mais, à l’époque, j’écoutais toujours ça de loin. Badri n’était pas encore chez nous. Les expulsés n’avaient pas de visage.
Même si ce sont aujourd’hui les miens, tous ces gestes t’appartiennent. Ce que tu n’as pas su dire en paroles s’est imprimé dans mes yeux, et je reproduis ces gestes à mon tour. Ce sont comme des mots qui reviennent, ce langage des mains, celui que tu as pratiqué jusqu’à l’épuisement.
Ils pensaient qu’on faisait de la Terre une poubelle ; ils voulaient nous laisser un jardin.