Citations sur Voyage à Bordeaux 1989 - Voyage en Champagne 1990 (101)
Quand des amis me demandent de leur recommander un bon champagne de marque d'un prix abordable, je réponds Boizel.
Déguster un Pol-Roger, c'est aller au club et inviter un ami. Avec lui on passe de bons moments tout en bavardant. On comprend qu'il ait été le champagne favori de Winston Churchill. Quand ils l'invitaient, ses nombreux amis se sentaient tenus de lui servir cette marque. A sa mort en 1965, la maison imprima un liseré noir sur les étiquettes destinées à l'Angleterre.
La plupart de ceux qui élaborent le champagne intériorisent leur art.
Le style Pommery se caractérise par un nez discret et net, une belle structure en bouche qui doit beaucoup à la finesse de la mousse.
Après trois ans d'absence de France pendant lesquels je fus privé de vin, ma pénitence a pris fin par un Cristal 1977, année plutôt moyenne en Champagne mais que Roederer a réussi superbement. Comme dans le Bordelais, la qualité d'une maison se juge à la capacité de réussir un millésime qui passe pour moyen ou médiocre. Le Cristal avait un nez délicat de pain grillé. Ayant perdu le sens du goût après cette période d'abstinence, je n'ai rien ressenti la première fois. Néanmoins ce Cristal garde pour moi le goût inoubliable de la liberté.
Après les bombardements de 1914-1918, Reims n'était plus qu'un champ de ruines. Il fut décidé de reconstruire à l'identique. Du moins on essaya -- la cité s'enorgueillit de belles demeures Arts déco. Une maison, qui ne faisait déjà rien comme les autres, prit le parti de laisser sur les murs les impressionnants stigmates de la Première Guerre Mondiale. On a reconnu Veuve Clicquot.
Le monde du champagne a horreur du hasard, de l'accidentel, de l'imprévu. Tout ce qui échappe à l'arbitrage, à la règle ou au texte lui cause de l'inquiétude. La minutie de cet édifice, où il n'y a guère que la météorologie qui soit laissée au hasard, explique en grande partie la réussite du champagne.
Cette allégresse, qui reste pourtant toujours contenue, contraste avec le silence de Saint-Pierre d'Hautvillers. Ces lieux ombragés, qui bruissent avec majesté sous le vent, respirent d'une vie secrète, étrange, presque inquiétante. Le passé de l'abbaye bénédictine chuchote doucement à nos oreilles. Un fantôme veille sur le vieux cloître : celui de Dom Pérignon, enterré dans le choeur de l'église.
Rien de moins figé que le coteau champenois qui se plie et s'intègre à tout ce qui lui est étranger : routes, villages, forêts coiffant le sommet des collines. Cette élasticité explique peut-être l'humanité de ce paysage. Plus qu'ailleurs, le vignoble champenois palpite. Sa vitalité, sa flexibilité débordent de partout.
C'est de la terrasse abritée par des marronniers séculaires que l'âme d'Hautvillers transparaît avec éclat, dévoilant d'un seul coup la beauté du vignoble champenois. Celui-ci forme un amphithéâtre d'où émergent des lignes de peupliers et la masse sombre des villages. C'est de ce belvédère que la Champagne viticole révèle le mieux l'ordonnancement de ses coteaux et permet d'entrevoir les trois principales zones du vignoble : la vallée de la Marne, la Montagne de Reims et la côte des Blancs.