- Comment s'appelle l'espace qui sépare les étoiles?
- Il n'y a pas de mot pour ça.
- Invente-le.
J'ai réfléchi un moment.
- Le refuge de l'âme.
Il a froncé les sourcils.
- Voyons, Agnes....Tu penses encore au paradis.
- Non. ça n'a rien à voir.
« Agnes jeta un regard à la marmite, puis s’affaissa brusquement au sol. Margrét crut d’abord qu’elle avait perdu connaissance – non : elle voulait boire. Penchée au-dessus du faitout, elle y puisait à pleines mains et s’abreuvait avec l’impatience d’une bête à l’étable. L’eau graisseuse coulait sur son menton et dans son cou avant de s’immiscer dans les plis crasseux de sa robe. Sans réfléchir, Margrét plaqua sa main sur le front de la jeune femme et la tira vivement en arrière. Agnes tomba en poussant un cri. L’eau gargouillait encore dans sa bouche de manière si pathétique que Margrét en eut le cœur serré. Les yeux mi-clos, la bouche ouverte, Agnes ressemblait à ceux que la boisson, la maladie ou un deuil trop brutal ont rendus fous. Elle gémit, frotta sa bouche et sa robe du plat de la main, puis elle se dressa sur ses coudes et tenta de se relever.
— J’avais soif.
Margrét poussa un long soupir. Son cœur cognait dans sa poitrine.
— Demandez-moi une tasse, la prochaine fois. »
- Et Dieu a dit : "Tu ne tueras point" ?
- Oui, acquiesça prudemment le Révérend Toti.
- Dans ce cas, Blondal et ses acolytes vont à l'encontre des saintes écritures. Ce sont des hypocrites. Ils prétendent servir la volonté de Dieu, mais [en me condamnant à mort] ils ne font que servir celle des hommes !
Mon sommeil ressemblait à une vague trop courte : il me recouvrait sans jamais me submerger.
p.87
De la vie elle n'a vu que les arbres.
Moi, j'ai vu leurs racines tordues enlacer les pierres et les cercueils.
p215
Toute la vallée savait que Fridrik rêvait de délester Natan d'une partie de ses biens. Mais quand la police m'a interrogée, quand ils ont compris que j'avais la tête sur les épaules, ça ne leur a pas plu. Femme qui pense n'est jamais tout à fait innocente, vous comprenez ? On ne peut pas lui faire confiance. Voilà la vérité, que ça vous plaise ou non, mon révérend !
[...] Tóti aimerait que je lui parle de ma famille, mais le peu que je lui ai raconté n'a pas eu l'heur de lui plaire. Il n'est pas accoutumé aux arbres généalogiques qui poussent dans la vallée : noueux, aux branches enchevêtrées, hérissées d'épines.
Ces animaux stupides pressentent ils ce qui les attend ? Descendus des pâturages, puis séparés du troupeau, ils n'ont à endurer qu'une seule nuit de terreur. Moi, je patiente dans l'enclos de la mort depuis des mois.
Comme si prier suffisait à effacer les péchés !
Toutes les femmes savent qu'un fil, une fois tricoté, reste à sa place. Le seul moyen de réparer un point de travers est de défaire l'ouvrage.
À Illusgastadir, c'était différent. Je n'avais pas d'amis. Je ne comprenais pas le paysage. Seules quelques langues de rochers brisaient l'étreinte parfaite du ciel et de la mer. Rien ni personne ne venait rompre la ligne d'horizon. Et je n'avais nulle part où aller.
P.357