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Citations sur Tangente vers l'est (70)

Le jeune homme s'approche de la vitre, son regard passe outre son visage reflété : dehors compacte et ténébreuse, océanique, la forêt sibérienne est là, et s'y enfoncer serait comme pénétrer l'eau noire avec des pierres au fond des poches, et Aliocha veut vivre.
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A l'approche de la gare, ils se lèvent et viennent se coller aux fenêtres, s'y écraser la face, ou foncent se masser aux portières, alors se bousculent, se penchent, cherchent à voir quelque chose au dehors, membres entremêlés et cous tendus, comme si l'air leur manquait, des pieuvres, mais, c'est bizarre, s'ils descendent fumer sur le quai ou se dégourdir les jambes, ils ne s'éloignent jamais très loin, s'agglutinent devant les marchepieds, grégaires, et haussent les épaules quand on leur demande où ils vont: on leur a dit Krasnoïarsk et Barnaoul, on leur a dit Tchita, mais c'est toujours la même chose, on ne leur dit rien, le général Smirnov a beau assurer lors des conférences de presse télévisées que les choses évoluent, que les conscrits connaîtront désormais le lieu de leur affectation, par égard pour les familles, il semble qu'au-delà de Novossibirsk la Sibérie demeure ce qu'elle a toujours été : une expérience limite. Une zone floue. Ici ou là, donc, ce serait pareil ; ici ou là, qu'est-ce que ça change ?
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…puis il était sorti dans la nuit dure, avait ralenti le pas devant les bars et zyeuté à l’intérieur, dans leur fond noir et rouge, traîné dans les fast-foods, avait fini par se retrouver en boîte avec un voisin plus jeune que lui, petite gouape estropiée qui avait partout ses entrées et l’exhortait à agir d’une voix de crécelle, vas-y, faut se donner un peu, ça ne va pas tomber tout cru dans le bec, il lui prédisait, expert, considérant les corps amalgamés sous ses yeux dans des spasmes de techno, des corps auxquels Aliocha tournait le dos puisqu’il se tenait ramassé au comptoir, le cou rentré dans les épaules, le dos rond, le nez au fond d’un verre de whisky qu’il n’avait pas les moyens de régler.
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C'est la vie sibérienne plaisantait-il les premiers jours, la vie dans un monde retourné comme un gant, brut, sauvage, vide, tu verras que tu t'y feras !
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Mais ils ne bougent pas, debout devant la lucarne de verre qui est pour eux comme un écran de cinéma, où tout remue doucement, moléculaire comme la terreur et le désir, et puis soudain la nuit se déchire et le paysage se durcit au-dehors, net, géométrique, lignes pures et perspectives neuves, finie la nuit organique, la forêt se dresse dans la lumière rasante du premier jour, et c'est encore la même forêt, les mêmes arbres élancés, les mêmes fûts orangés, une forêt identique à ce point à elle-même c'est à devenir dingue, on aura beau apercevoir une rivière qui sourd sous la glace, des buissons de fleurs pâles, de la neige en plaques marronnasses le long d'une piste boueuse, des toits, des palissades, c'est la même forêt, encore et encore, non plus l'océan mais la peau de la Terre, l'épiderme de la Russie, les griffes et la soie, et alors dans les lueurs de l'aube leurs visages se révèlent.
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L'océan apparaît à l'aube du dernier jour, il reste une quarantaine de kilomètres avant Vladivostok, c'est la fin de la piste. Hélène n'est sûre de rien, mais il y a cette clarté là-bas, cet horizon gazeux, aérien, et le paysage qui se dilate, ralentit, dérobé sous un léger brouillard.
Elle plisse les yeux, des surfaces liquides éclatent çà et là, auréoles qui bientôt se touchent et alors c'est la mer, là, au sud du rail, l'océan Pacifique - qui n'a rien d'indigo sous cette latitude, rien du cyan polynésien, rien de turquoise ni même de bleu, rien: du zinc.
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Le premier train passait à vingt-deux heures. Le transsibérien. La ligne mythique. Deux rails en forme de lignes de fuite qui la conduisaient jusqu’au pacifique. La piste de la liberté qui donnait sur l’océan.
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Il soulève un pan du rideau et jette un oeil à travers la vitre, côté couloir. Dehors, c'est toujours la même nuit chromée et le train qui roule sans faillir, franchissant un à un le fuseaux horaires, désagrégeant le temps à mesure qu'il parcourt l'espace ; le train qui compacte ou dilate les heures, concrétionne les minutes, étire les secondes, progresse arrimé au sol et pourtant désynchronisé des horloges de la Terre : le train comme un vaisseau spatial.
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Le premier couloir est vide, tout le monde dort là-dedans quand pourtant c'est dehors que ça se passe, l'aube qui relève la forêt, à toute allure, redresse chaque fût à la verticale, le sous-bois bleuté perforé de rayons chargés d'une lumière charnelle, la taïga comme un tissu magnétique que la nouvelle épaisseur de l'air module à l'infini.
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De nouveau le train. Roulis monotone, cliquètements cycliques, essieux qui chauffent, criailleries du métal et, si l’on tend l’oreille, comme une infime piste sonore tissée dans ce boucan d’enfer, on captera aussi le tourment du cœur d’Aliocha, là, de retour dans le premier compartiment du Transsibérien, à sa place devant la lucarne, et de nouveau hypnotisé par les rails, courte portion de voie que les feux arrière du train éclairent une fraction de seconde et traînée blanchâtre qui referme aussitôt l’espace sur son passage, le reléguant derrière elle, informe et pulsatile, livré au noir amniotique des origines.
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