L’esprit est pareil à l’auberge, là où l’illusion de l’existence est pareille au voyageur de passage qui ne peut s’attarder qu’une nuit, parce qu’il lui faut poursuivre sa route, être toujours en mouvement.
L’homme charitable ne connaît ni le remords ni les tortures de la peur ! C’est ainsi que s’épanouit la fleur de sa récompense, puis qu’elle donne un fruit difficile à imaginer ! Cette sagesse ouvre la voie à l’équanimité, univoque et sans dépendance.
Ne soyez pas insatiables dans vos demandes, sinon vous accumulerez de plus en plus de souffrances au cours de la longue nuit de la vie. Nombreux sont les dépendants à l’image des innombrables liens qui nous entravent ; sans cette sagesse, l’esprit est pauvre et manque de sincérité.
Un malade qui dépend des pouvoirs de guérison de la médecine se débarrasse aisément de tous ses maux sans avoir besoin de regarder le médecin.
La pousse naît de la semence. La semence n’est pas la pousse, mais n’en est pourtant pas différente : telle est la naissance de tout ce qui vit !
Le sage évite de détruire la vie ! La récompense future, le fruit promis sont choses gouvernées par des lois passagères et instables, comme celles qui commandent au vent ou à la goutte de rosée qui tombe de l’herbe ; ces choses-là, je les écarte de moi et je cherche la vraie délivrance.
Une fois l’esprit en repos, j’aurai la pleine maîtrise de moi-même. La maîtrise de soi est le moyen de prendre l’extase au piège ; et l’extase une fois atteinte, et la vraie loi perçue, le détachement s’ensuivra de lui-même.
Afin de gagner les joies du ciel, vous travaillez à la destruction de l’enveloppe charnelle, vous vous soumettez à toutes sortes de pénitences douloureuses, tout en cherchant à obtenir une autre naissance — vous aspirez à une renaissance aux cieux, mais c’est pour endurer encore davantage de souffrances, avoir des visions de joies à venir, tandis que le cœur affaibli défaille...
Contempler ainsi partout le spectacle des corps réduits en poussière, et voir le monde vivre nonobstant dans l’insouciance ; les hommes ne sont pas faits de bois ni de pierre inerte, et pourtant ils ne pensent point que TOUT EST VOUÉ À L’EXTINCTION...
Jusqu’à une date récente, la plupart des gens s’imaginaient Bouddha sous la forme d’un être obèse plutôt rococo, la bouche étirée par un sourire, assis, la panse à l’air, tel que le représentent dans le monde occidental des millions de babioles pour touristes et de statuettes de bazar. Ils ignoraient que le vrai Bouddha était un jeune et beau prince qui, un jour, à l’âge de vingt-neuf ans, se mit soudain à broyer du noir dans le palais de son père, en Inde, regardant les jeunes danseuses sans les voir, pour finir par lever les bras au ciel avec une grande détermination et gagner la forêt sur son destrier, où il coupa sa longue chevelure dorée à l’aide de son épée et élut domicile avec les saints hommes de son temps. Il mourut à quatre-vingts ans, vénérable vieillard émacié, et familier de chemins oubliés et de forêts peuplées d’éléphants. Cet homme n’était pas un gros lard hilare, mais un prophète sérieux et tragique, le Jésus-Christ de l’Inde et de presque tous les pays asiatiques.