Prendre la mer, c'est tout sauf une fuite,c'est au contraire une discipline et une contrainte.Décider d'aller chevaucher les vagues,c'est une conquête et,pour conquérir,il faut partir.C'est l'extraordinaire tentation de l'immensité.La mer,c'est le coeur du monde.Vouloir visiter les océans,c'est aller se frotter aux couleurs de l'absolu.
La nuit,le vent portait les aboiements des chiens de ferme en ferme.Sous la couverture,je me disais que le renard venait de dévaster le poulailler de Tygwenn.La façon dont le feuillage se tord quand le vent monte.Le vent accuse les rides de la mer.Il fait pleurer le jardinier.Il gonfle les caleçons,ravit la lavandière et enrichit le couvreur.Il met à l'épreuve les grands ormes.[...]Il annonce le très mauvais temps pour toute la semaine et explique qu'il n'y aura pas de carrelets pendant quatre jours au Conquet.Le vent en Bretagne a des identités.Il palpe en mai,polit l'estivant de juillet et se fait fauve de novembre à mars.(le royaume du vent).
C'est la première fois que nous étions issus d'une génération qui n'allait pas au combat.Personne n'allait nous prendre notre vie.On n'avait qu'une obligation:rire sans le désarroi des consciences qu'avaient connu nos pères.Libéré du drame de la guerre que j'entrevoyais petit garçon,je pouvais m'imposer au monde,au vent,à la mer,au large.